Draghi sonne à nouveau l’alarme : l’Europe risque la relégation

Mario Draghi.
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Voici un an, Mario Draghi, l’ancien président de la BCE et ancien Premier ministre italien, remettait son rapport sur la compétitivité en Europe.

Le message principal du rapport sur la compétitivité était : si nous n’investissons pas massivement, si nous ne  relevons pas nos manches et si nous ne réalisons pas d’importantes réformes structurelles, l’Europe deviendra une région économique de seconde zone, appauvrie face à la Chine et aux Etats-Unis.

Vendredi, Mario Draghi a remis le couvert lors du Congrès de Rimini, un rendez-vous politique annuel en Italie.

L’Europe au balcon

D’abord, les derniers événements ont dévoilé toute l’impuissance de l’Europe. « Pendant des années, l’Union européenne a cru que la dimension économique, avec 450 millions de consommateurs, était porteuse de puissance géopolitique et de relations commerciales internationales. On se souviendra de cette année comme de l’année où cette illusion s’est évaporée », dit-il.

Il souligne que l’Europe a dû accepter les tarifs douaniers imposés par les États-Unis, son principal partenaire commercial, et augmenter ses dépenses militaires sous pression américaine — une décision qui, bien que nécessaire, n’a pas été prise dans l’intérêt propre de l’Europe.
Malgré sa contribution financière majeure à la guerre en Ukraine, l’UE reste marginale dans les négociations de paix.

Partenaire de seconde zone

Mario Draghi déplore que pendant que la Chine soutient ouvertement la Russie et inonde le marché européen de sa surproduction industrielle, l’Europe peine à se faire entendre. « Pékin ne considère pas l’Europe comme un partenaire égal », affirme-t-il, en évoquant l’usage stratégique des terres rares pour accroître notre dépendance.

Par ailleurs, l’Europe reste spectatrice face aux crises majeures — qu’il s’agisse des bombardements en Iran ou du conflit à Gaza — et le doute grandit quant à sa capacité à défendre ses valeurs fondamentales : démocratie, paix, liberté, souveraineté, équité.

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Mario Draghi insiste : « Dans un monde où la sécurité des approvisionnements prime sur l’efficacité, l’Europe est mal préparée. »

Il appelle à une refonte de l’organisation politique européenne, indispensable pour atteindre ses objectifs économiques et stratégiques. Les réformes économiques ne sont pas une option, mais une nécessité.

Un marché intérieur à débloquer

L’ancien Premier ministre italien revient sur le constat de son rapport rédigé l’an dernier : il met en lumière deux axes prioritaires. Le premier : renforcer le marché intérieur.

« L’Acte pour le marché unique a été adopté il y a près de quarante ans, mais d’importants obstacles au commerce en Europe subsistent. Leur suppression aurait un impact substantiel sur la croissance de l’Europe. Le Fonds monétaire international calcule que si nos barrières internes étaient réduites au niveau de celles qui prévalent aux États-Unis, la productivité du travail dans l’Union européenne pourrait être supérieure d’environ 7 % en sept ans. Il suffit de penser qu’au cours des sept dernières années, la croissance totale de la productivité en Italie n’a été que de 2 % ». Une faible productivité qui est générale à l’Europe.

Rester dans la course technologique

Le second axe est technologique. Mario Draghi avertit : « Aucun pays qui veut la prospérité et la souveraineté ne peut se permettre d’être exclu des technologies critiques, dit-il. Les États-Unis et la Chine usent ouvertement de leur contrôle sur les ressources et les technologies stratégiques pour obtenir des concessions dans d’autres domaines : toute dépendance excessive est ainsi devenue incompatible avec la souveraineté sur notre avenir ».

Or, « aucun pays européen ne peut disposer à lui seul des ressources nécessaires pour se doter de la capacité industrielle nécessaire au développement de ces technologies. L’industrie des semi-conducteurs illustre bien ce défi. Ces puces sont essentielles à la transformation numérique qui s’opère aujourd’hui, mais les usines pour les produire nécessitent de gros investissements ».

Une question de souveraineté

Il n’y a donc pas trente-six chemins pour réussir à conserver notre souveraineté : alors que les entreprises européennes s’adaptent à un rythme comparable à celui de leurs concurrents étrangers, le secteur public doit faire de même. « Les gouvernements doivent définir les secteurs sur lesquels se concentrer en matière de politique industrielle. Ils doivent supprimer les obstacles inutiles et revoir la structure des permis dans le domaine de l’énergie. Ils doivent se mettre d’accord sur la manière de financer les investissements gigantesques nécessaires à l’avenir, estimés à environ 1.200 milliards d’euros par an. Et ils doivent concevoir une politique commerciale adaptée à un monde qui abandonne les règles multilatérales ».

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