C’est un cri d’alarme que lance Allianz Trade dans un rapport sur la démographie européenne. Le vieillissement de la population et la baisse de la natalité constituent un sérieux défi pour les décennies à venir.
D’ici 2060, l’Union européenne pourrait perdre près de 30 millions d’actifs. C’est le message de l‘assureur crédit Allianz Trade qui vient de publier un rapport intitulé The Fertility Rate Paradox.
Cette projection alarmante repose sur un constat simple : la baisse continue du taux de natalité, combinée au vieillissement de la population, annonce des bouleversements économiques et sociaux important. Allianz Trade estime que « stimuler la natalité est inefficace et appelle à renforcer le marché du travail, les retraites et l’éducation. Davantage de participation, de productivité et l’implication des seniors sont nécessaires pour éviter une crise socio-économique ». Voilà qui va alimenter le débat politique sur, notamment, l’utilité de dépenser encore autant en allocations familiales, débat initiés par le MR voici quelques jours.
La natalité en chute libre
Depuis plusieurs décennies, les États européens investissent massivement dans les allocations familiales, les congés parentaux ou encore la garde d’enfants, observe l’assureur-crédit. Ces dispositifs, qui représentent en moyenne 2% du PIB de l’Union européenne, montent même à 4% au Danemark, champion européen en la matière. Pourtant, les résultats restent modestes : le taux de fécondité demeure bien en dessous du seuil de remplacement fixé à 2,1 enfants par femme. L’Allemagne affiche l’un des plus faibles niveaux, avec seulement 1,35 enfant par femme, tandis que la Belgique et le Luxembourg, pourtant très investis dans la politique familiale, plafonnent à 1,5 ou 1,7.
Pour Allianz Trade, cette tendance illustre la limite des politiques incitatives : ni les subventions ni les structures publiques ne semblent en mesure de freiner la dynamique de long terme qui tire la natalité vers le bas.
Un paradoxe
Allianz Trade met en lumière un paradoxe frappant. Le progrès éducatif des femmes, bénéfique en matière d’égalité et de dynamisme sociétal, s’accompagne d’un impact direct sur la démographie. « Pour maintenir la croissance économique et la prospérité, l’éducation est indispensable. Mais à mesure que de plus en plus de femmes obtiennent un diplôme de l’enseignement supérieur (ce qui est en soi une bonne chose dans une optique de diversité et d’inclusion), la croissance démographique diminue, souligne Johan Geeroms, directeur Risk Underwriting Benelux chez chez Allianz Trade. Les femmes plus diplômées ont leur premier enfant plus tard et en ont également moins. Le nombre de femmes qui n’ont pas d’enfants augmente également, poursuit-il : 15 à 20 % des femmes dans l’Union européenne restent sans enfant jusqu’à la fin de leur période de fertilité. » En 2000, seulement 20% des Européennes de 25 à 34 ans détenaient un diplôme de l’enseignement supérieur. En 2024, elles sont 49,8%. « Conséquence, observe Johan Geeroms : l’âge moyen à la première maternité est passé de 26 ans au début des années 2000 à plus de 30 ans aujourd’hui, et le nombre total d’enfants par femme diminue mécaniquement ».
Ainsi, plus d’éducation rime avec des maternités plus tardives et moins nombreuses. Un phénomène structurel indépendant des politiques publique.
On peut cependant ajouter un point, qui tempère le constat de l’assureur-crédit : il existe une pénurie évidente de crèches en Belgique, et plus spécialement dans la Fédération Wallonie-Bruxelles, où, entre 2019 et 2024, 1.300 places ont été perdues. Or, il est évident que si les femmes font davantage d’études, elles sont poussées davantage vers le monde du travail, il faut accompagner ce mouvement en augmentant le nombre de places de crèches financièrement accessibles aux jeunes ménages.
« Plus sérieux que la Chine »
Pour Allianz Trade, le danger dépasse les comparaisons classiques avec le Japon ou la Corée du Sud, pays connus pour leurs faibles taux de natalité. L’Europe, dans son ensemble, est désormais la région du monde où le déséquilibre démographique est le plus prononcé. Selon Johan Geeroms, la baisse européenne est plus « sérieuse qu’en Chine », où pourtant le spectre du vieillissement alarme déjà les économistes.
Cette fragilisation structurelle laisse entrevoir des conséquences lourdes : un marché du travail sous tension, une hausse des dépenses liées aux retraites et à la santé, et un ralentissement durable de la croissance économique.
La Belgique et le Luxembourg illustrent parfaitement ce paradoxe, note encore Allianz Trade. Ces deux pays cumulent un haut niveau d’éducation chez les jeunes femmes, un réseau de garde d’enfants accessible et des aides supérieures à la moyenne européenne. Pourtant, le taux de fécondité y reste bas, aux alentours de 1,5.
Le défi n’est plus la natalité, mais l’emploi
Allianz Trade estime que continuer à investir massivement dans la stimulation de la natalité ne suffira pas à combler la baisse de la main d’œuvre. L’urgence réside plutôt dans l’adaptation du marché du travail.
Selon Johan Geeroms, « la politique publique européenne doit passer de la stimulation de la natalité à la pérennisation du marché du travail, des retraites et de l’éducation. Ce n’est qu’à cette condition qu’une population active en déclin pourra malgré tout assurer une croissance économique et une prospérité suffisantes. La productivité du travail et le taux d’activité doivent augmenter. Pensez par exemple à l’emploi des seniors. Et moins de travail à temps partiel et plus de travail à temps plein. Cela n’augmentera pas le nombre d’enfants, mais cela renforcera la solidité socio-économique de l’Union européenne pour faire face au vieillissement et au déclin démographique. »