Dans une zone commerciale à une heure de Paris, les courses et la vie

enseignes commerciales
© Belga

En débouchant d’une route départementale, le sommet d’une côte découvre un magistral panorama sur Meaux, sa cathédrale gothique, la campagne vallonnée alentour. Une perspective bucolique bordée, de chaque côté de la route, par le familier fatras d’enseignes commerciales d’entrée de ville.

Hypermarchés, buffets chinois à volonté, fast-food américains, chaînes de bricolage ou d’électro-ménager, concessionnaires auto… rien n’y manque.

A l’entrée sud de cette commune à 55 kilomètres à l’est de Paris, la zone est typique des espaces commerciaux emblématiques de la société de consommation, parfois vilipendés pour leur aspect et leur modèle économique, qui ont bourgeonné en périphérie des villes françaises depuis les années 1970.

Descendant de sa voiture pour parcourir les quelques mètres qui la séparent d’un magasin de prêt-à-porter C&A, Marlène Mouketo s’y rend toutes les trois semaines d’un coup de volant pour “les magasins de vêtements, de bibelots, des fois au McDo…”

“Il y a un manque en centre-ville. Tous les magasins sont partis, il n’y a plus grand chose à l’intérieur”, regrette cette quinquagénaire installée à Meaux depuis un quart de siècle. Elle trouve ces zones bien “pratiques”: “s’il faut faire 40 kilomètres pour trouver un vêtement, ce n’est pas la peine. Sinon on commande tout sur internet. C’est peut-être pas bien pour les champs, c’est pas écolo, mais c’est bien pour nous”.

Dans les années 1980 s’étendaient encore ici des terres agricoles. Seuls deux supermarchés se faisaient face autour d’un rond-point, avec une petite galerie marchande, une station-service… Aujourd’hui, près de 400 établissements, essentiellement des commerces, s’y concentrent sur 95 hectares. L’endroit concentre 5% de tous les commerces actifs de l’intercommunalité du Pays de Meaux, forte de 26 communes et 110.000 habitants.

“Lieu de vie”

Directeur du “sports bar” de la chaîne Au Bureau, Mickael Boutry voit dans cette zone un authentique “lieu de vie” pour la région. Dans son décor de “pub londonien” défilent des seniors venus prendre un thé, des familles dégustant une crêpe ou des jeunes collés devant le match du soir une bière en main. “Ici on peut faire une soirée DJ sans déranger personne”, se félicite le restaurateur de 32 ans.

Cette zone, la plus importante des trois situées aux différentes entrées de Meaux, s’est imposée localement comme un pôle économique majeur.

Outre une partie des 55.000 habitants de Meaux, elle attire des consommateurs de tout le bassin sud de l’agglomération, composé de villages ruraux et de petites villes pavillonnaires à l’offre commerciale pauvre voire inexistante.

“Dans les villages, les gens vont avoir une boulangerie dans le meilleur des cas (…) Mais dès qu’on veut s’équiper, il faut venir à Meaux”, décrit Franck Gourdy, le vice-président en charge du développement économique du Pays de Meaux.

“Nous sommes vraiment sur une consommation de proximité“, estime-t-il, “ces ZAC ont beau être grandes, ce sont des gens qui n’habitent pas très loin qui en sont les principaux consommateurs”.

Dans une boulangerie, une cliente fait valoir un bon pour son anniversaire. A la sortie des cours ou des bureaux, les salles de sport se remplissent de jeunes en sueur. Une famille vient acheter l’équipement de foot de l’aîné de 8 ans.

Voiture reine

Deux hypermarchés sont les “locomotives” de la zone. Les clients en profitent pour visiter des enseignes voisines ou pour une sortie resto. “Quand on fait nos courses et qu’on sort tard, on se dit +tiens, on va manger au resto+”, témoignent en poussant son caddie un couple de retraités, Colette et Bernard.

Dans l’enfilade des parkings bitumés et des magasins-entrepôts en préfabriqué, peu de piétons.

Ici, la voiture est reine et constitue un argument commercial majeur. “On arrive à se garer sans problème, on ne paye pas la place de parking, on passe d’un magasin à l’autre”, savoure Dominique, une agente de sécurité qui n’a pas souhaité donner son patronyme.

Entre un supermarché et un fast-food s’est implanté un étrange village fantôme d’une quinzaine de maisons-témoins. Accueillant toute la semaine les visiteurs dans une maison couleur pêche “5 pièces, 110 m2 habitables, avec garage”, Agathe Fourgeot voit dans cette localisation une opportunité en or pour la notoriété du petit constructeur local qu’elle représente.

Lorsqu’une place s’est libérée dans ce village-expo, “c’était le Graal, on a rejoint un peu les grands constructeurs”, relate la jeune femme de 27 ans.

Consciente des critiques sur la laideur des ZAC et leur dépendance au tout-voiture, l’intercommunalité du Pays de Meaux compte y développer le réseau de bus, des pistes cyclables et faciliter le covoiturage.

L’esthétique globale est également davantage considérée. “Ces préoccupations n’étaient pas du tout là au début”, dit Franck Gourdy, “mais faire quelque chose d’harmonieux sur des choses qui sont là depuis trente ou quarante ans, c’est compliqué”.

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