Cinq questions après la chute du gouvernement Bayrou

François Bayrou. © Belga
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Comme prévu, le gouvernement français n’a pas résisté au vote de confiance qu’avait demandé le Premier ministre François Bayrou. Après le gouvernement de Michel Barnier, voilà une nouvelle équipe qui tombe en tentant de redresser les finances de l’Etat français.

Après cet échec, plusieurs questions se posent.

  1. Un résultat sans surprise ?
    La chute du gouvernement est tout d’abord une sévère défaite politique, et les résultats ont réservé une surprise : sur les 210 voix possibles au sein de la majorité, Bayrou n’en a obtenu que 194. Cela révèle des divisions au sein même du bloc gouvernemental, notamment parmi les députés LR. Par ailleurs, aucun des groupes d’opposition n’a soutenu le gouvernement. Ce résultat fragilise la capacité du prochain Premier ministre, que le Président Emmanuel Macron devrait nommer « très rapidement », à fédérer une majorité stable.
  2. N’y a-t-il plus de budget pour 2026 ?
    Si, le projet de budget existe encore. Ce n’est pas parce qu’il n’y a plus de gouvernement que la procédure budgétaire s’arrête. Mais le calendrier sera serré. Le président Emmanuel Macron doit, on l’a dit, nommer rapidement un nouveau Premier ministre. Et quel que soit le scénario politique, son gouvernement devra faire passer un budget. La Constitution impose un délai de 20 à 40 jours entre une dissolution de l’Assemblée nationale et de nouvelles élections, rendant improbable un scrutin avant la date limite de dépôt du budget, fixée à la mi-octobre. La priorité est donc de former un gouvernement d’ici là, un gouvernement capable de présenter un projet de loi de finances pour 2026. En cas d’échec, une loi spéciale, comme celle utilisée l’an dernier, pourrait être adoptée, entraînant une politique fiscale moins rigoureuse et un déficit accru. Et le gouvernement français peut aussi utiliser le fameux article 49.3 pour un passage en force.
  3. Le projet Bayrou est-il enterré ?
    Non. On continuera à discuter du projet de budget de François Bayrou. Ce n’est pas parce que François Bayrou a démissionné que son budget passe à la trappe. Le projet, préparé depuis mars, va donc encore être débattu. On parlera encore de réduire le déficit à 4,6 % du PIB en 2026 et de réaliser des économies nettes de 44 milliards d’euros. Mais ce sera un texte à casser. Il est très vraisemblable qu’il soit corrigé pour essayer d’adoucir l’un ou l’autre côté de l’opposition et d’essayer de faciliter la tâche du prochain gouvernement. A gauche, les socialistes ont présenté un projet alternatif avec un objectif de redressement moins prononcé (un déficit de 5 % du PIB) et un impôt sur les grandes fortunes (plus de 100 millions d’euros), censé rapporter 15 milliards. A l’extrême droite, Marine Le Pen a posé plusieurs exigences, sur l’ immigration, la fraude ou la contribution française à l’Union européenne, qui s’élève à 27,6 milliards d’euros en 2026.
  4. Quel sera l’impact économique ?
    L’absence de gouvernement n’est jamais une bonne chose pour l’activité économique. L’instabilité politique pousse certains investisseurs et certaines entreprises à appuyer sur pause avant d’y voir plus clair. Selon les prévisions de la Deutsche Bank, cette situation devrait coûter 0,3 point de croissance du PIB en 2025. Un choc somme toute modéré, car, ajoutent les économistes de la banque allemande, depuis les élections anticipées de 2024, la France a appris à fonctionner dans un environnement d’incertitude élevée. De même, les grèves prévues les 10 et 18 septembre devraient avoir un impact limité. Selon une note des service de renseignement français, la manifestation du 10 septembre pourrait mobiliser environ 100 000 personnes, un chiffre finalement assez modeste.
  5. Une sanction des marchés ?
    Finalement, la question la plus pressante concerne les marchés financiers. Vont-ils sanctionner la dérive politico-budgétaire ? En réalité, la sanction a déjà eu lieu, puisque les taux français avaient bien progressé ces dernières semaines. Il y a donc eu paradoxalement un léger mieux ces dernières heures : ce mardi, le taux à dix ans était même repassé très légèrement sous la barre des 3,5%. Mais ce petit assagissement n’est pas propre à la France. Le taux allemand est lui aussi redescendu en dessous de 2,7%. L’écart de taux entre ce que doit payer la France et l’Allemagne reste donc identique, aux alentours de 80 points de base (0,8%). Et la vigilance reste de mise. L’agence de notation Fitch doit prochainement publier sa note sur la solvabilité de la France. Et le risque qu’elle soit abaissée est grand, ce qui pourrait avoir un impact supplémentaire sur les taux.

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