Camouflet pour Trump, un tribunal fédéral américain bloque les droits de douane réciproques

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Le président américain Donald Trump a subi un nouveau camouflet judiciaire avec la décision d’un tribunal américain de bloquer ses droits de douane dits “réciproques”, une décision contestée par la Maison Blanche mais qui faisait grimper les marchés financiers jeudi.

Si les trois juges du tribunal de commerce international des Etats-Unis (ITC) ne contestent pas dans leur décision la possibilité pour les Etats-Unis d’augmenter leurs surtaxes douanières, ils ont estimé que celles-ci relevaient d’une prérogative du Congrès et que M. Trump avait ainsi outrepassé les pouvoirs dont il dispose.

La décision bloque à la fois les droits de douane imposés au Canada, au Mexique et à la Chine, accusés de ne pas lutter assez contre le trafic de fentanyl, et les surtaxes “réciproques” imposées début avril (dont l’application au-delà d’un plancher de 10% a été repoussée début juillet).

Le gouvernement Trump fait appel du blocage de ses droits douane par un tribunal
Le gouvernement de Donald Trump a fait appel mercredi du blocage des droits de douane dits “réciproques” décidé plus tôt par un tribunal fédéral américain, selon un document judiciaire.
“Par la présente, il est notifié que les défendeurs font appel auprès de la Cour d’appel des Etats-Unis”, est-il inscrit dans un document judiciaire consulté par l’AFP.

De son côté, la Chine a pressé les États-Unis d'”annuler totalement les droits de douane unilatéraux injustifiés”, après la décision de l’ITC.

“La Chine exhorte les États-Unis à écouter les voix rationnelles de la communauté internationale et des différents acteurs nationaux, et à annuler totalement ces droits de douane unilatéraux injustifiés”, a déclaré une porte-parole du ministère chinois du Commerce, He Yongqian, lors d’une conférence de presse régulière à Pékin.

Mais en dépit de l’incertitude des procédures, la décision de l’ITC a été saluée par les marchés financiers: les Bourses en Asie ont grimpé (Tokyo s’adjugeant près de 2%) et les places européennes devraient faire de même selon les indices à terme. Profitant d’un regain d’appétit pour le risque, le dollar bondissait de 0,8% face au yen et de 0,5% face à l’euro vers 06H00 GMT.

Les décrets outrepassent les pouvoirs du président

Dans le détail, les juges considèrent que le président ne peut invoquer la loi d’urgence économique de 1977 (IEEPA) pour instituer par décret “une surtaxe illimitée sur les produits provenant de quasiment tous les pays”, selon le jugement que l’AFP a pu consulter.

Pour les magistrats, les décrets adoptés “outrepassent les pouvoirs accordés au président dans le cadre de la loi IEEPA pour réguler les importations”, ce texte lui permettant seulement “de prendre les sanctions économiques nécessaires en cas d’urgence pour combattre une menace +extraordinaire et inhabituelle+”. Toute interprétation qui lui délègue “une autorité illimitée sur les droits de douane est anticonstitutionnelle”, ont insisté les juges.

Dans une opinion écrite accompagnant la décision, l’un des juges, qui n’est pas nommé, a estimé que cela “constituerait un renoncement du pouvoir législatif au bénéfice d’une autre branche du gouvernement”, ce qui est contraire à la Constitution américaine.

“Juges non élus”

Dans un communiqué, un porte-parole de la Maison Blanche a dénoncé une décision de “juges non élus” qui n’ont “pas le pouvoir de décider comment gérer convenablement une urgence nationale”. “Le président Trump a juré de placer les Etats-Unis en premier et le gouvernement est décidé à utiliser tous les leviers du pouvoir exécutif pour répondre à cette crise et restaurer la grandeur américaine”, a ajouté ce porte-parole, Kush Desai.

De son côté, le chef de file de la minorité démocrate à la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, Gregory Meeks, a estimé que la décision venait confirmer “un abus illégal du pouvoir exécutif”.

Le tribunal se prononçait suite à deux plaintes, déposées l’une par une alliance de douze Etats américains dont l’Arizona, l’Oregon, New York et le Minnesota, l’autre par un groupe d’entreprises américaines, qui reprochaient à Donald Trump de s’arroger des pouvoirs appartenant au Congrès.

Principale arme de politique commerciale

Depuis son retour à la Maison Blanche, le milliardaire républicain a utilisé les droits de douane comme principale arme de politique commerciale mais également d’incitation à la réindustrialisation du pays et de moyen de pression sur d’autres pays.

Le 2 avril, il avait annoncé ses droits de douane dits “réciproques”, censés concerner l’ensemble des pays dans le monde, avant de reculer face à la chute des marchés financiers, accordant une pause de 90 jours (tout en maintenant une surtaxe-plancher de 10%), afin d’ouvrir la porte à des négociations commerciales.

Le négociateur du Japon Ryosei Akazawa a indiqué jeudi qu’il étudierait la décision judiciaire, peu avant son départ pour Washington pour une quatrième séance de pourparlers en vue d’échapper aux taxes prohibitives plombant les exportations d’automobiles et d’acier de l’archipel.

Donald Trump a par ailleurs fait volte-face dimanche sur sa menace d’imposer dès le 1er juin 50% de droits sur les produits de l’UE en perspective de pourparlers. Et Pékin et Washington, après un bras de fer et une escalade des surtaxes colossales qu’ils s’imposaient mutuellement, se sont finalement entendus mi-mai sur un retour à 10% sur les produits américains et 30% sur les produits chinois.

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