Le titre du prochain livre de l’économiste et académicien, à paraître en septembre, est fort: “Donald Trump, le spectre d’un fascisme numérique”. Il s’en explique pour Trends Tendances.
Le titre du livre que l’économiste et académicien publiera à la rentrée aux éditions Anthemis est fort: Donald Trump, le spectre d’un fascisme numérique. Il s’en explique ce week-end dans notre Trends Talk, qui passe en boucle sur Trends Z.
Le titre de votre ouvrage est fort, non?
C’est un livre que je prépare depuis longtemps et qui m’a demandé beaucoup de travail, encore pendant ces vacances. Je pense que le régime américain est en train de changer profondément. Je parle de fascisme, sous l’angle anthropologique, c’est à dire la transformation de l’individu et de la société. Aux États-Unis, tous les critères de l’émergence d’un pouvoir autocratique sont réunis. Il ne s’agit pas d’une évolution à l’identique de ce qui s’est passé dans les années 30, mais il y a quand même quelques
points de référence. Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est cette forme de pacte faustien entre ce régime centré sur son président et les dirigeants des entreprises technologiques qui sont capables de granulariser la perception qu’ont chaque citoyen américain de l’évolution des choses. Avec, bien sûr, l’objectif de les influencer.
C’est une menace vitale?
Oui. La démocratie au sens traditionnel est en train de disparaître. Trump, d’ailleurs, ne veut même pas s’en prévaloir. La technologie est l’arme de propagande la plus évidente. Ce qui se passe aux Etats-Unis est très important et on voit bien que l’Europe ne sera pas exemptée des conséquences. Je ne parle pas seulement des conséquences commerciales: si le régime politique américain mute vers un pouvoir autocratique, il va demander à tous ses partenaires économiques d’adopter certains modèles économiques et politiques qui sont conformes à ceux des Etats-Unis. D’ailleurs, le vice-président J.D. Vance a déjà mis en cause le caractère démocratique
de l’Europe qui n’entendrait pas ses peuples, lors de la Conférence de Munich, en février dernier.
Assiste-t-on à une forme d’alliance objective entre les empires: Etats-Unis, Chine, Russie…?
Oui, on arrive à un monde orwellien. Il suffit de relire 1984, livre au sein duquel le monde est séparé entre trois zones plus ou moins en guerre. Elles ne correspondent pas à ce qu’on constate dans la géographie actuelle, mais cela illustre bien que l’on entretient un narratif de pouvoir en guerre, en privant les peuples de parole et de débat démocratique. Ayant vécu et travaillé aux États-Unis, je suis convaincu que quelque chose de fondamental est en train de changer dans la nature de la démocratie et de la représentation populaire. Je serai très étonné que les élections de 2028 se passent bien. Or, historiquement, les États-Unis avaient toujours voulu éviter les empires et les monarchies, les pouvoirs héréditaires.
Donald Trump vient d’annoncer un plan massif d’investissement dans l’intelligence artificielle. Cela s’inscrit dans cette évolution?
Absolument. Cela participe tout d’abord à la suprématie technologique qui est l’enjeu majeur de la rivalité économique entre la Chine et les États-Unis. Mais cela participe aussi à la connaissance de chaque Américain. Elon Musk, lors de sa mission pour l’efficacité gouvernementale, a envoyé quelques dizaines de types brillants décoder les et obtenir les données des Américains, notamment sous l’angle social et fiscal. Ces données n’ont pas été perdues. Elles seront, à un moment ou à un autre, utilisées pour influencer chaque citoyen de manière particulière et s’assurer que chaque citoyen devienne numérisé au point d’en être manipulé. C’est à cela que l’on assiste aux États-Unis.