La Belgique demande toujours des garanties en béton. Une solution encore hypothétique pourrait venir du fonds souverain norvégien…
« Franchement, je pense que c’est la seule voie possible. Pour moi, il n’y a pas d’alternative au prêt ». La Première ministre danoise Mette Frederiksen est claire, alors que son pays assume la présidence tournante de l’Union européenne : le sommet des chefs d’État et de gouvernement européen de décembre doit aboutir à l’utilisation des avoirs russes bloqués actuellement chez Euroclear pour mettre sur pied un financement en faveur de l’Ukraine. Techniquement, ces avoirs russes immobilisés serviraient de garantie pour financer un fonds de réparation à l’Ukraine de 140 milliards d’euros.
L’Ukraine proche de la faillite
La situation financière russe n’est pas tellement meilleure, mais l’Ukraine, qui a besoin de 100 milliards d’euros par an pour mener la guerre contre la Russie, est au bord de la faillite. Ses lignes de crédit courent jusqu’en février prochain, au terme de quoi, si aucune solution n’est trouvée, le pays sera contraint au défaut de paiement. Pour l’éviter, la solution doit venir de l’Europe. Les États-Unis de Donald Trump ne veulent plus donner un dollar pour aider Kiev. Mais les États européens sont pris dans une quadrature du cercle budgétaire, avec l’obligation de rehausser leur budget défense et sécurité, alors que l’économie est atone et que le vieillissement de la population fait peser une charge financière supplémentaire.
Un prêt commun des pays européens à l’Ukraine, qui était une solution avancée par Bart De Wever, n’est donc pas une option. La France, l’Italie, l’Allemagne, estime qu’un vaste emprunt européen pour l’Ukraine n’est politiquement pas défendable. La seule option, comme le pense Mette Frederiksen, mais aussi le chancelier allemand Friedrich Merz, consiste à utiliser les 190 milliards d’avoirs russes actuellement immobilisés chez Euroclear, à Bruxelles, pour garantir un prêt à Kiev. Les autres grands États membres, la France, l’Italie, la Pologne sont aussi de cet avis.
Côté belge, on est toutefois très réticent à cette idée. Le Premier ministre Bart De Wever l’avait répété il y a deux semaines, il demande trois conditions pour accepter cette solution : un partage des risques solidairement entre les 27 États membres, des garanties si la Russie gagnait un arbitrage et si ces avoirs gelés devaient lui être remboursés, et l’assurance que les actifs russes abrités dans les autres États membres fassent également partie du mécanisme.
Irritation belge
Lors du sommet européen de la fin du mois d’octobre, Bart De Wever avait d’ailleurs surpris ses collègues en se montrant à la fois ferme et passablement irrité. Ferme sur ces trois conditions. Et irrités par les manœuvres en coulisse qui avaient cherché à lui tordre le bras. Puisque ce dossier était important pour notre pays, il avait en effet été convenu avec la Commission d’avoir une discussion préalable avec notre pays avant d’envoyer ses propositions. Mais quelques jours avant le sommet, un document de quatre pages contenant les propositions de la Commission avait été envoyé à tous les États membres. Face au fait accompli, la Belgique s’était cabrée.
C’est pour cela que ce vendredi, en préparation du sommet de décembre, les experts de la Commission discutent avec ceux du cabinet du Premier pour débloquer la situation et adoucir Bart De Wever. Côté européen, on est convaincu qu’il surestime les risques : « La créance de la banque centrale russe sur Euroclear reste intacte : les avoirs ne sont pas confisqués », observe la Commission, qui ajoute que l’utilisation de ces avoirs comme garantie pour un prêt « repose solidement sur le droit européen et international et n’est donc pas imputable à l’État belge, mais à l’Union européenne. » Mais on sait que la Belgique n’est pas convaincue par l’argumentaire.
Une solution norvégienne ?
Un élément, encore très hypothétique, pourrait venir aider à résoudre le dossier. C’est le fonds souverain norvégien. Voici plusieurs mois, dans un entretien à un quotidien danois, deux économistes norvégiens soutenaient que la Norvège pourrait faire beaucoup plus pour l’Ukraine.
Son fonds souverain est richissime – il pèse 1.800 milliards d’euros – et le pays, producteur de pétrole et de gaz, a profité à plein de la hausse des prix de l’énergie causée par le conflit ukrainien. En 2022 et 2023, il a engrangé près de 110 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
Pourquoi dès lors la Norvège ne pourrait-elle pas aider à assurer cette garantie financière que demande la Belgique pour utiliser les avoirs russes ? L’idée a fait son chemin, et aujourd’hui cinq partis, dont trois appartenant à la coalition soutenant le gouvernement du Premier ministre Jonas Gahr Støre, sont ouverts à la proposition et demandent une action du gouvernement.
Le Premier norvégien n’a dit ni oui ni non. Il exige au préalable un « examen complet » du dossier avant de se prononcer. Entre-temps, l’heure tourne et les caisses ukrainiennes se vident.