Accord UE–Mercosur : quels enjeux pour la Belgique ?

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La Commission européenne vient de valider l’architecture de l’accord de libre-échange UE–Mercosur, dernière étape avant sa transmission au Conseil et au Parlement européen. En Belgique, le débat oppose partisans d’un axe commercial stratégique et opposants alertant sur les risques pour l’agriculture, les normes et la souveraineté alimentaire.

L’accord UE–Mercosur (ou Marché commun du Sud) couvrirait près d’un cinquième de l’économie mondiale et concernerait environ 750 millions de personnes dans les deux régions. Il prévoit l’élimination progressive des droits de douane sur une large part des échanges (jusqu’à 91 % des produits importés de l’UE), ainsi que des ouvertures en matière d’appels d’offres publics et de services.

Les critiques : standards, « juste-échange » et autonomie stratégique

Pour Yvan Verougstraete, eurodéputé Renew et président des Engagés, la validation de l’accord est « une mauvaise nouvelle pour l’Europe et en particulier pour nos agriculteurs, notre souveraineté alimentaire et pour la transition écologique ». Il défend un triple test pour tout accord commercial — anti-dumping, juste-échange et autonomie stratégique — et estime que le texte, en l’état, « échoue sur ces trois plans » :

  • Concurrence : risque d’exposition des producteurs européens à des conditions jugées déloyales (coûts et standards plus faibles chez certains concurrents).
  • Normes : crainte d’un nivellement par le bas des exigences sociales, environnementales et sanitaires.
  • Souveraineté : fragilisation perçue de l’autonomie alimentaire européenne.

L’élu plaide pour que l’UE « impose ses propres standards sur son territoire » et annonce la formation d’un groupe transpartisan de vigilance au Parlement européen. Ce groupe compte examiner le texte et « explorer des voies juridiques » devant la Cour de justice de l’Union européenne afin d’en vérifier la compatibilité avec les traités. Dans un contexte de tensions commerciales — notamment avec les États-Unis —, il appelle à « repenser la manière de commercer : avec fermeté, des conditions claires et l’ambition d’une mondialisation positive ».

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Les partisans : compétitivité, diversification et garanties

À l’inverse, plusieurs organisations patronales (FEB, VOKA, AKT, BECI, AVED, Unizo) soutiennent la conclusion de l’accord, y voyant un signal contre la remontée du protectionnisme et un levier de compétitivité pour l’UE et la Belgique. Le texte est présenté comme :

  • Offensif : réductions tarifaires substantielles et baisse d’obstacles non tarifaires pour des secteurs clés (automobile, chimie, chocolat, textile). L’accès aux marchés publics du Mercosur serait facilité « aux mêmes conditions que les entreprises locales », tout comme l’accès pour divers prestataires de services.
  • Inducteur d’effets indirects : une hausse des exportations de grands voisins (Allemagne, France) bénéficierait aux chaînes de valeur belges (composants, semi-finis).
  • Stratégique : amélioration de l’accès à certaines matières premières critiques (par ex. lithium, graphite naturel) utiles à la transition verte européenne.

Sur le plan défensif, les fédérations soulignent l’existence de clauses de sauvegarde activables en cas de chocs d’importations, et rappellent que tout produit importé devra respecter les normes de l’UE pour accéder au marché unique. À leurs yeux, un échec pousserait le Mercosur vers d’autres partenaires, au détriment du poids économique et géopolitique de l’Union.

Un débat ancré dans le contexte international

Les deux camps lisent l’accord à l’aune des tensions géopolitiques et de la fragmentation du commerce mondial. Pour les opposants, l’UE doit éviter tout abaissement de standards et préserver ses filières agricoles. Pour les partisans, l’UE doit ancrer des règles avec des partenaires clés afin de diversifier ses échanges et sécuriser ses approvisionnements dans un monde marqué par la rivalité des puissances.

Prochaines étapes

Après la validation de l’architecture par la Commission, le texte est transmis au Conseil et au Parlement européen. Un examen politique et juridique s’ouvre, avec des contre-pouvoirs annoncés (groupe de vigilance, options de recours) et des plaidoyers en faveur d’une ratification jugée essentielle à la compétitivité. L’issue dépendra des équilibres politiques européens et des garanties opérationnelles apportées sur l’application des normes et des clauses de sauvegarde.

Mercosur

Le Marché commun du Sud est une organisation régionale créée en 1991 par le traité d’Asunción. Elle regroupe plusieurs pays d’Amérique du Sud avec pour objectif principal de favoriser l’intégration économique et commerciale entre ses membres.

Membres fondateurs : Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay. Le Venezuela a rejoint le bloc en 2012 mais en a été suspendu en 2016 pour non-respect de certains engagements. La Bolivie est en cours d’adhésion.

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