2024, une nouvelle ère nucléaire

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Un essai nucléaire par l’une des trois grandes puissances pourrait déclencher une nouvelle course aux armements.

Les sismographes du monde entier pourraient bientôt vibrer non pas aux secousses d’un tremblement de terre, mais à celles d’une explosion nucléaire souterraine, à Novaya Zemlya, dans la région arctique de la Russie, ou à Lop Nur, dans la région du Xinjiang en Chine. Puis, bientôt, une explosion sur le site de sécurité nationale du Nevada, aux Etats-Unis.

Aucune des trois grandes puissances n’a fait exploser un engin nucléaire depuis 1996, année de la signature du traité d’interdiction (CTBT). Pourtant, l’imagerie satellitaire suggère une activité intense sur leurs sites d’essai. La détonation de l’un d’entre eux pourrait déclencher une course à l’armement plus dangereuse que celle de la guerre froide.

Le contrôle des armes nucléaires s’érode depuis que l’Amérique s’est retirée de l’accord sur les missiles antibalistiques en 2002. Mais les dangers nucléaires se sont aggravés avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses mena­ces d’utiliser des armes nucléaires.

L’Amérique et la Russie ont cessé d’échanger des informations dans le cadre du traité New Start, qui limite les capacités nucléaires “stratégiques” à longue portée de chaque partie. La Russie déploie des armes nucléaires tactiques au Belarus et, récemment, elle a entrepris de revenir sur sa ratification du TICE (Traité d’interdiction complète des essais nucléaires).

Une nouvelle course à l’armement serait difficile à arrêter.

Rivalité tripartite

Selon le Pentagone, le stock d’armes nucléaires de la Chine passera de 500 ogives à plus de 1.000 d’ici à 2030. L’Amérique et la Russie respectent toujours les limites fixées par le traité New Start (un maximum de 1.550 ogives stratégiques déployées, sur des stocks totaux de 5.000 chacun). Mais après des décennies d’affrontements nucléaire bilatérales, la nouvelle rivalité tripartite fera pression sur le président Biden pour qu’il renforce les stocks américains. Pour l’instant, son administration se contente de moderniser les forces existantes. Un successeur républicain pourrait procéder à un test et étendre l’arsenal après l’expiration du Nouveau Traité START en février 2026, voire avant.

Quelle est la probabilité d’un essai ? Les simulations informatiques peuvent beaucoup de choses en utilisant les données des essais précédents. Mais elles n’offrent pas de certitude. C’est la Chine qui a le plus besoin de de données fraî­ches, n’ayant effectué que 45 essais, contre 1.030 pour l’Amérique et 715 pour la Russie. C’est probablement la Russie qui a le plus d’intérêt politique à tester une arme. Elle affirme que la révocation de la CTBT est d’imiter l’Amérique. Si tel est le cas, la Russie ne procédera pas à des essais si l’Amérique s’abstient de le faire. Mais le président Poutine a également déclaré que les ogives des nouvelles armes pourraient nécessiter des tests. Le facteur décisif pourrait être la guerre en Ukraine. Moins les forces russes performent sur le champ de bataille, plus Vladimir Poutine sera enclin à recourir à l’arme nucléaire.

Un essai souterrain serait la forme d’escalade la moins risquée. Une nouvelle course aux armements serait difficile à arrêter. Il est déjà difficile de compter les ogives. Mais il sera plus difficile encore de contrôler d’autres technologies telles que les missiles hypersoniques ou antisatellites, et l’intelligence artificielle.

Anton La Guardia, rédacteur au service diplomatique de “The Economist”
Traduit de « The World in 2024 », supplément de The Economist

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