Famille Gersdorff, un filon d’entrepreneurs hôteliers
Dans la famille Gersdorff, il y a les parents, notamment fondateurs de l’hôtel NE5T, à Namur. Mais aussi le fils, cuisinier. Et enfin la fille, Camille, qui, à seulement 26 ans, swingue de projets en projets.
Elargir son horizon. Aujourd’hui, bon nombre de millennials multiplient les voyages et les expériences hors de nos frontières avant de se poser. Camille Gersdorff, bientôt 26 ans, fait partie de cette génération de globe-trotters. Elle s’est d’ailleurs installée à Paris, il y a deux ans. Mais ses attaches restent bien belges. “Je suis à Namur pour l’instant, confie-t-elle durant notre entretien téléphonique. Nous avons rendez-vous demain avec les architectes pour le restaurant.”
Fille de restaurateurs, Camille baigne dans le secteur horeca depuis sa naissance. Ses parents, Christine et Benoît Gersdorff, ont travaillé dans plusieurs restaurants étoilés à Paris et dans le sud de la France, avant d’ouvrir leur première table, L’Essentiel, à Temploux, près de Namur. Un an après, en 1996, Benoît décrochait sa première étoile Michelin. “Mes parents ont ensuite continué à monter d’autres établissements, soit en tant que consultants externes, soit en tant que gérants”, poursuit Camille.
En 2002, nouvelle étape : le couple rachète une ferme totalement délabrée près de la citadelle de Namur, qu’il décide de rénover pierre par pierre et de transformer en hôtel. “Mon père adore acheter des ruines et les retaper, sourit la jeune fille. C’est sa seconde grande passion.” En 2012, après 10 ans de travaux, le NE5T Hôtel & Spa est inauguré.
Entre-temps, Christine et Benoît Gersdorff se sont aussi investis dans d’autres projets. Dès 2005, ils s’occupent par exemple du restaurant gastronomique la Plage d’Amée, le long de la Meuse, à Jambes. Une adresse renommée notamment depuis que son chef, Julien Wauthier, a été demi-finaliste du concours télévisé français Top Chef, avant de décrocher une étoile Michelin l’an dernier. En 2007, les Gersdorff cèdent ensuite L’Essentiel, leur premier restaurant, à Raphaël et Bénédicte Adam, un couple qui a fait ses armes dans cet établissement.
C’est aussi dans ce restaurant que Camille et son frère Guillaume ont passé une grande partie de leur enfance. Adolescents, ils se sont naturellement eux aussi tournés vers les métiers de l’horeca, mais via des parcours différents. Il y a d’abord Guillaume qui, après avoir raté sa troisième secondaire, s’est vu forcé par ses parents de les aider à la Plage d’Amée. “A force d’être puni, il a adoré travailler au restaurant”, raconte sa soeur. A 16 ans, le jeune homme entame donc des études de cuisine à l’école hôtelière Ter Duinen, près de Coxyde. Deux ans plus tard, il part en France et travaille notamment pour le chef étoilé Jean-François Piège. En mars 2018, il lance finalement Kookin, un restaurant bistronomique qui revisite la pâte de l’entrée au dessert, à Thorembais-Saint-Trond.
De Shanghai à New York
C’est ensuite au tour de Camille de se diriger vers des études d’hôtellerie, mais version management. Après un séjour de six mois en Irlande pour apprendre l’anglais, elle intègre en 2012 une des meilleures écoles du secteur, l’Institut Glion, à Montreux, en Suisse. Un master en hospitality management qui va l’emmener jusqu’à Shanghai où elle réalise son premier stage à l’hôtel Ritz-Carlton. Elle travaille à la réception de l’hôtel, supervise le service de nettoyage des chambres, etc. Camille atterrit ensuite à The London NYC, un quatre étoiles de New York, pour un autre stage de six mois, où elle tâte du marketing et des ventes.
Puis vient le premier “vrai” job, chez CBRE, à Londres, une entreprise immobilière qui joue les intermédiaires pour des investisseurs de groupes hôteliers souhaitant faire évoluer leur portfolio d’établissements. “La dernière année de mes études, je m’étais spécialisée en finance et conseil d’investissements hôteliers, explique Camille. Travailler à la City dans des énormes buildings, conseiller de grands groupes sur leurs investissements, ce n’était pas du tout le dream job que j’imaginais. Mais c’était une très bonne expérience.”
La jeune fille ne restera d’ailleurs pas très longtemps à Londres. A cette époque, Xavier Rambaud, un de ses amis, souhaite en effet monter une agence de voyage en ligne, à Paris. Intéressée, elle se lance elle aussi dans l’aventure, basée sur le constat suivant : face à la multitude d’hôtels présents sur le Web, médiocres ou de qualité, les clients s’y perdent. D’autant que certains établissements peinent à être visibles et subissent une concurrence féroce d’acteurs comme Airbnb ou Booking.com. Le duo décide donc de sélectionner des hôtels avec des identités bien marquées, qu’il rassemble dans une appli, Triptwin, sorte de “Tinder des hôtels”, lancé sur le marché en mars 2018. “En fonction des envies et du profil des clients, nous leur proposons l’hôtel qui leur correspond le mieux”, explique Camille. La recherche s’effectue selon divers critères : budget, raison du voyage, esprit (seul, en couple, entre amis, en famille, etc.). L’application propose ensuite une série d’hôtels, que les clients likent ou non. Et prélève une commission à chaque réservation passée par son intermédiaire.
De triptwin à “Pépite”
Pour Camille, l’aventure Triptwin se double de la découverte de la vie parisienne, qui finit par servir un projet plus personnel : Pépite, un recueil compilant 40 de ses meilleures adresses de bars, restaurants et hôtels branchés, qu’elle met en vente en ligne depuis décembre dernier. “Un kiff” qu’elle compte reproduire pour Bruxelles, en juin prochain.
C’est que la jeune fille est insatiable. En janvier 2019, après deux années passées à développer Triptwin, Camille laisse son associé seul à bord et rejoint avec son frère Maison Gersdorff, la société familiale fondée par leur père. Objectif : développer de nouveaux projets. Dont, par exemple, la création toute prochaine d’un hôtel en Normandie, qui marquera une nouvelle étape pour la famille : un premier établissement à l’étranger. Second projet : l’ouverture d’un nouveau restaurant dans la Maison de la culture de Namur, au mois de septembre. Un travail collectif et très complémentaire. Guillaume est chargé de concevoir les menus ; Camille élabore l’identité du lieu, la charte graphique, gère la communication et le marketing ; leur maman est responsable de la décoration et de la vaisselle ; leur père supervise les chantiers et les équipes.
Ce restaurant qui devrait mettre en avant les produits du potager, de saison, en circuit court, en vrac, sains, etc. n’aura pas qu’une vocation commerciale. Il intègre aussi parfaitement la philosophie d’une autre structure que la famille a créée : Fondation Maison Gersdorff. “Nous travaillons sur ce projet de fondation depuis plusieurs années, explique Camille. Dans les jardins du NE5T, nous avons des potagers en permaculture et nous développons de l’aquaponie et de l’hydroponie pour trouver des solutions aux problèmes agroalimentaires. Nous travaillons aussi sur des programmes d’insertion sociale.”
Dans le même esprit, Camille et sa maman, Christine, suivent actuellement un cursus d’une durée de deux ans au CFNA (Centre de formation en nutrithérapie appliquée), à Namur, qui s’attache aux propriétés des aliments et apprend à les utiliser comme des médicaments.
Pour la jeune fille, une corde de plus à son arc. En vue, un jour, de peut-être reprendre l’entreprise ? “Ne parlez pas de fin de carrière à mon papa, élude Camille en souriant. Il a encore plein de projets, plein d’idées. Mais c’est vrai qu’il nous laisse de plus en plus la place. Sur les nouvelles ouvertures, nous avons incontestablement notre patte.”
Objectifs 2019 : la création d’un hôtel en Normandie et l’ouverture d’un nouveau restaurant dans la Maison de la culture de Namur.
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