Voilà un plan pour relancer la filière nucléaire en Belgique

"Le nucléaire est à nouveau en odeur de sainteté et va se redéployer", se félicite Serge Dauby, directeur du Forum Nucléaire. © Belgaimage
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

L’organisation représentant le secteur a organisé une première rencontre pour inciter les acteurs économiques à s’investir dans l’énergie du futur. Le Forum Nucléaire planche sur une programmation de son redéploiement. En voici les détails.

Le vote de la loi abrogeant la législation de 2003 qui interdit le nucléaire a été accueilli comme un soulagement par le secteur. Mais il convient de se pencher rapidement sur la suite. Concrètement, le Forum Nucléaire a réuni, le mercredi 11 juin, une centaine d’entreprises susceptibles d’être concernées. Une première étape.

“Le nucléaire est à nouveau en odeur de sainteté et va se redéployer, c’est positif, souligne Serge Dauby, directeur du Forum nucléaire. Mais cela signifie que nous allons avoir énormément de travail ! Il faut y aller, dès maintenant… Avant, nous défendions un secteur que certains jugeaient moribond. Pour reprendre les termes de l’actuel ministre de l’Énergie, le nucléaire était devenu un gros mot, à tort. Nous nous sommes battus avec succès contre cette tendance négative. Mais si le nucléaire est aujourd’hui redevenu incontournable, nous avons perdu 20 ans dans l’aventure. Nous devons, en très peu de temps, rattraper ce retard.” Un plan existe pour y arriver.

“Redynamiser la chaîne d’approvisionnement”

C’est la raison de la rencontre de cette semaine avec les acteurs économiques. “Le savoir-faire nucléaire est toujours bien présent en Belgique, constate Serge Dauby. Notre pays est un pionnier dans le domaine et reste un centre de compétences reconnu. Mais pour pouvoir reconstruire de nouveaux réacteurs, nous aurons besoin de davantage de bras ! Il faudra engager du monde, de toute la panoplie des ingénieurs, mais aussi de soudeurs, d’électromécaniciens, de plombiers… Or, ce sont des profils très prisés.”

Voilà pourquoi le Forum nucléaire a organisé ce 11 juin une réunion avec plus d’une centaine d’entreprises invitées. “Nous devons redynamiser la chaîne d’approvisionnement en intégrant de nouvelles sociétés, souligne le directeur de l’organisation chapeautant le secteur. Il y a déjà des acteurs actifs dans le nucléaire, il y en a qui souhaiteraient l’être, mais il y en a aussi qui ne savent pas qu’ils pourraient l’être. Notre logique, c’est de mettre tous ces gens ensemble pour leur expliquer les réalités du secteur, ses règles et ses rigueurs, mais aussi et surtout, ses opportunités.”

“We Want You !”

“Ce qui me réjouit, ajoute Serge Dauby, c’est que nous pourrons donner un emploi à des milliers de personnes, ce qui tombe bien à l’heure où on veut remettre les gens au travail. Ceux-ci auront un emploi pour des dizaines d’années, d’aujourd’hui à 2060. La durée de vie d’un réacteur, c’est une centaine d’années. Cela vaut donc pour les jeunes actuellement aux études secondaires : nous aurons besoin d’eux.”

On croirait une campagne de l’armée américaine pointant du doigt : “We Want You !”.

Cela dit, il n’y a pas encore de décision ferme sur la volonté de construire de nouveaux réacteurs nucléaires, par-delà la prolongation de ceux de Doel 4 et Tihange 3. Le ministre fédéral de l’Énergie, Mathieu Bihet (MR), précisait récemment, dans un entretien à Trends-Tendances, qu’il prépare un plan ambitieux pour le mix énergétique du futur, en partenariat avec le Premier ministre, Bart De Wever (N-VA).

Voilà le programme proposé

Il n’y a donc pas encore de chantier prévu à l’agenda. “C’est exact, et c’est un dossier sur lequel le Forum nucléaire travaille de manière très précise avec KPMG et Tractebel, notamment, pour développer une approche programmatique, rétorque Serge Dauby. Nous ne pouvons que suggérer, cela reste une décision politique. Mais il s’agit de remettre l’industrie au centre du débat et trouver des solutions pour les craintes qu’elle exprime depuis longtemps. Elle réclame une sécurité d’approvisionnement, un prix abordable pour l’énergie, car elle paie le double de la France, et une option réaliste pour décarboner ses processus de production. Cela passera par une électrification massive, c’est clair, mais cela ne se fera pas en un claquement de doigts.”

Le nouveau nucléaire sera au centre du jeu, mais pas uniquement, insiste le Forum Nucléaire. “Il faut mettre en place toutes les énergies décarbonées possibles pour réussir ce défi. Cela passera par le renouvelable : ce n’est pas moi qui m’en occuperai, mais sans ça, la solution n’existera pas. Cela passera par la prolongation des centrales nucléaires actuelles, toutes celles que l’on peut prolonger et pour la durée la plus longue possible. Même l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) disait qu’il est contreproductif de mettre une date de fermeture à un réacteur nucléaire. Tous les 10 ans, une évaluation détermine ce qui doit être fait pour le ramener aux plus hauts standards existant au niveau mondial. Il n’est donc pas nécessaire de fixer une date de fin, au contraire, car cela freine les investissements nécessaires.”

Traduction : la saga vécue aujourd’hui avec Engie Electrabel, qui avance à reculons dans le prolongement des centrales ou refuse de futurs projets, est la conséquence du fait que, durant plus de 20 ans, on a préparé l’entreprise à cesser cette activité.

Le SMR, une formule idéale pour l’avenir

Cela étant, les petits réacteurs modulaires (SMR) sont présentés comme une formule idéale pour préparer l’avenir. “Il y a deux types de SMR, ceux de génération 3 et ceux de génération 4, souligne le responsable du secteur. Les premiers vont nous permettre d’aller le plus rapidement possible, d’ici 10 ans, pour offrir une réponse modulaire Permettant de stabiliser la situation. La technologie, refroidie par eau, est bien connue.

Puis, viendra la suite. “Les génération 4 pourront monter plus haut en température, ce qui est nécessaire pour l’industrie qui a besoin de chaleur dans ses fours. On parle, là, de réacteurs refroidis au plomb de type SCK CEN, de réacteurs fusion… autant de choses qui sont en développement. Cette nouvelle génération permettra également la réutilisation du combustible usé. L’idée devrait être, dès lors, de mettre en place une usine de traitement à cette fin. C’est ce que nous conseillons. Je le répète, cela reste une décision politique, mais le gouvernement a la volonté d’élaborer une vision à long terme et nous participerons aux discussions.”

Un manque d’énergie

Une étude va être réalisée avec l’industrie pour déterminer les besoins. Le programme, à long terme, pourrait impliquer une autre phase avec des centrales nucléaires plus imposantes. “Cela passera aussi, à terme, par des réacteurs de type EPR ou AP1000, acquiesce Serge Dauby. Mais nous, au Forum Nucléaire, avons l’habitude de dire qu’il faut réapprendre à marcher avant de courir. N’allons pas tout de suite à la course de fond consistant à construire un EPR, on a vu ce que cela donnait en France.” Retards et dérapages budgétaires à la clé.

Que ce soit clair : nous aurons besoin de toutes les sources d’énergie décarbonées disponibles. Il n’y en aura jamais trop. – Serge Dauby

Il y a, toutefois, une donne à ne pas négliger, conclut-il : “Nous consommons aujourd’hui 85 TWh d’électricité, cela figure dans les rapports d’Elia. Mais nous consommons plus de 400 TWh d’énergie. L’écart entre les deux, c’est l’énergie fossile que nous devrons remplacer. Que ce soit clair : nous aurons besoin de toutes les sources d’énergie décarbonées disponibles. Il n’y en aura jamais trop. Si l’on regarde l’étude d’Elia, à l’horizon 2050, en intégrant toutes les hypothèses de travail, il manque 80 TWh.”

Le retour du nucléaire est acté. C’est une nécessité. Il reste à concrétiser, vite.

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