La méga-panne du 28 avril a eu une origine multifactorielle ressort-il d’un rapport d’une commission d’enquête spécialisée, sept semaines après cet incident d’une ampleur inédite.
La méga-panne survenue le 28 avril dans la péninsule ibérique a été provoquée par des “surtensions” ayant entraîné “une réaction en chaîne”, selon un rapport publié mardi par le gouvernement espagnol, qui pointe des erreurs d’appréciation du gestionnaire du réseau électrique et de certaines entreprises.
“La coupure du 28 avril a eu une origine multifactorielle”, a expliqué la ministre de la Transition écologique Sara Aagesen, en détaillant à l’issue du conseil des ministres les conclusions de ce rapport d’une commission d’enquête spécialisée, sept semaines après cette panne inédite.
Les experts mobilisés pour analyser les causes de cet incident ont ainsi identifié “un phénomène de surtensions”, qui a entraîné “une réaction en chaîne”, les déconnexions de plusieurs installations décidées par les opérateurs ayant à leur tour “provoqué de nouvelles déconnexions”, a-t-elle précisé.
Une série de “phénomènes complexes”
Évoquant une série de “phénomènes complexes”, la ministre a épinglé, sans les nommer, le rôle de certaines entreprises énergétiques, qui ont déconnecté leurs centrales du système de “façon inappropriée (…) pour protéger leurs installations” face aux surtensions, ce qui a aggravé le problème.
En outre, “le système ne disposait pas d’une capacité suffisante de contrôle de la tension” ce jour-là, a poursuivi la ministre, en pointant le rôle du gestionnaire du réseau électrique espagnol REE, qui avait prévu ce jour-là son dispositif “le plus faible depuis le début de l’année 2025”.

Selon REE, deux fortes oscillations électriques avaient été repérées dans les 30 minutes avant la panne. Elles ont été suivies de trois incidents distincts en l’espace de 20 secondes dans des sous-stations électriques de Grenade (sud), Badajoz (sud-ouest) et Séville (sud), d’après les autorités.
En théorie, l’Espagne dispose d’un système suffisamment solide pour faire face à ce type de situation mais en raison de ces erreurs d’appréciations, “nous sommes arrivés à un point de non-retour, avec une réaction en chaîne incontrôlable”, a souligné Mme Aagesen, en rappelant que tout s’était joué en quelques secondes.
“Vulnérabilités”
La création de cette commission d’enquête, chapeautée par le ministère de la Transition écologique, avait été annoncée au lendemain de la panne par le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, qui avait invité les habitants à “ne pas spéculer” dans l’attente des résultats détaillés.
Le ministère avait ensuite précisé que l’identification des causes pourrait prendre plusieurs mois, au vu de la complexité de l’incident, qui a privé l’Espagne et le Portugal de courant pendant de nombreuses heures, provoquant le chaos – notamment – dans les transports et les écoles.
Selon le gouvernement, englué depuis plusieurs jours dans un scandale de corruption visant des proches de Pedro Sánchez, le calendrier s’est finalement accéléré ces derniers jours. La commission d’enquête s’est ainsi réunie à trois reprises depuis vendredi pour permettre la publication du rapport.
Désormais, “nous avons une connaissance des faits qui est solide” et “une explication vérifiée qui nous permet à tous de réfléchir, mais aussi d’agir” pour améliorer le système, a avancé Sara Aagesen, disant vouloir mettre à profit cette connaissance pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise.
Pas un jugement
Après l’incident, plusieurs hypothèses avaient été avancées pour expliquer la panne, dont celle d’une cyberattaque – rapidement écartée par les autorités – et celle d’une défaillance du réseau générée par un excès de production d’énergie solaire, qui s’est fortement développée en Espagne ces dernières années.
Des pistes formellement écartées mardi par Sara Aagesen, qui a toutefois précisé que des “vulnérabilités” et des “carences” avaient été repérées dans le dispositif de sécurisation du réseau électrique espagnol, pour lesquelles des mesures correctives vont être proposées.
Interrogée par des journalistes, la ministre a précisé que ce rapport ne constituait pas un “jugement” et a exclu à ce stade d’exiger des démissions, estimant que les données disponibles n’étaient pas encore suffisantes pour établir les “responsabilités” exactes.
D’autres enquêtes ont en effet été ouvertes après la panne, à l’initiative notamment du Réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité (Entso-E) et de l’autorité de la concurrence espagnole (CNMC). Leurs conclusions, à ce stade, n’ont cependant toujours pas été communiquées.