Une première en Europe: de l’hélium extrait en France

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Pour la première fois en Europe de l’Ouest, de l’hélium, gaz rare jusqu’alors totalement importé, est extrait du sous-sol en pleine campagne en Bourgogne (centre) et les promoteurs du projet espèrent couvrir jusqu’à 15% des besoins de la France.

Pour la première fois en Europe de l’Ouest, de l’hélium, gaz rare jusqu’alors totalement importé, est extrait du sous-sol en pleine campagne en Bourgogne (centre) et les promoteurs du projet espèrent couvrir jusqu’à 15% des besoins de la France.

Entre prés à vaches et épaisses forêts, cette petite unité pilote de production d’hélium a été inaugurée cette semaine à Saint-Parize-le-Chatel (Nièvre), à environ 250 kilomètres au sud de Paris, et commencé à extraire ce gaz, non toxique et ininflammable, devenu incontournable dans l’électronique ou l’aérospatial. Le bien-nommé hameau des Fonts-Bouillants recèle depuis des millénaires des sources d’eaux gazeuses.

Un des tuyaux permentant la separtion des differents gaz issus du forage, ici le dioxide de carbone dans la premiere unite pilote de production d helium en Europe, a Saint Parize le Chatel, France, le 11 septembre 2024.

Selon la légende, des thermes romains y avaient été installés, après la guérison d’une Légion entière atteinte de la lèpre. Au XIXe siècle et jusqu’en 1975, ces eaux étaient exploitées en tant qu’eaux minérales. Mais la “Fontaine des vertus” était depuis longtemps tombée dans l’oubli. Jusqu’à ce que deux ingénieurs fondent en 2017 la société 45.8 Energy, basée à Metz (est) qui ambitionne de produire un “hélium européen et souverain”, selon leur credo.

“Un non-sens écologique et économique”

L’hélium constitue à la fois “un non-sens écologique et économique”, déplore la start-up: les 32 millions de mètres cubes consommés en Europe de l’Ouest, soit le deuxième marché mondial, sont totalement importés, principalement des États-Unis, du Qatar et d’Algérie.

Pour être transporté sur une longue distance, l’hélium doit être liquéfié à une température de -269° C degrés, “donc ça demande beaucoup d’énergie”, explique à l’AFP Antoine Petat, chargé d’exploitation chez 45.8 Energy. Et l’opération doit être inversée une fois le gaz arrivé chez les clients: “on le liquéfie, on le transporte et on le regazéifie pour l’utiliser”.

En revanche, en l’extrayant en Europe même, près des consommateurs et donc sur de courtes distances, 45.8 Energy peut transporter l’hélium à l’état gazeux. “L’empreinte carbone est incomparable”, assure Antoine Petat. Sans compter l’intérêt strictement économique, puisque le cours de l’hélium importé a triplé ces cinq dernières années.

Le ballon des JO

Ce gaz est devenu essentiel à nombre de secteurs. Bien plus que les usages de loisirs pour lesquels il est connu du grand public, comme la plongée ou les ballons, dont celui transportant la vasque des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, l’hélium est incontournable dans l’électronique, notamment les semi-conducteurs, la fibre optique, les laboratoires… “L’hélium est un gaz clef”, souligne Jacques Pironon, chercheur du CNRS au laboratoire GéoRessources de Nancy.

A tel point que l’Union européenne “l’a inscrit sur la liste des ressources critiques” en 2023, rappelle-t-il. D’ici à 2030, 10% de l’hélium devront être extraits localement dans l’UE, a décrété l’Union. “Il faut vraiment sortir de cette vision importatrice, car le bilan carbone est déplorable. Il ne devrait y avoir aujourd’hui qu’un seul mot d’ordre: recentrer la production”, estime ce spécialiste des ressources gazières.

Dans cette quête de “souveraineté”, 45.8 Energy découvre à l’été 2018, en étudiant des rapports géologiques de plus de 200 sources naturelles en France, que des gaz s’échappent des Fonts-Bouillants. “On a voulu venir voir par nous-mêmes et, effectivement, on s’est rendu compte que ces sources recrachaient bien de l’hélium en forte concentration”, se souvient Nicolas Pelissier, cofondateur et président de 45.8 Energy.

En 2021, un permis de recherches est accordé et, la société a réussi plusieurs levées de fonds (31,5 millions d’euros au total). “Aujourd’hui, c’est une unité pilote, donc c’est encore modeste. Mais on travaille déjà à une production industrielle”, précise Nicolas Pelissier, devant un forage en cours qui analyse les sols jusqu’à 1.300 mètres de profondeur en lisière d’un champ bordé de forêts. “On a identifié plusieurs gisements potentiels sur le territoire. L’objectif est que la production apporte jusqu’à 15% des besoins français en hélium”, selon le président. “C’est significatif”, juge Jacques Pironon. “Oui, il y a un potentiel en Europe, même si c’est encore difficile d’en avoir une vision claire.”

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