Les citoyens de Watermael-Boitsfort ont récemment lancé une interpellation citoyenne contre le chauffage au bois, jugé trop dangereux. La Fédération belge du bois-énergie (Febhel) plaide néanmoins pour une approche plus nuancée: son coordinateur, Jean-Yves Saliez, défend un meilleur usage du bois énergie plutôt que son interdiction.
S’il y a bien une chose pour laquelle le coordinateur de la Febhel et le lanceur d’alerte bruxellois sont d’accord, c’est le manque d’informations claires auprès des citoyens. “Il y a beaucoup d’informations qui circulent, mais aussi beaucoup d’amalgames. Or, le bois énergie est un sujet très complexe, et l’information scientifique est parfois instable. Bref, ce n’est pas facile d’y voir clair”, reconnaît Jean-Yves Saliez.
L’interpellation citoyenne et le retour du froid en Belgique sont donc l’occasion pour lui de remettre l’église au milieu du village, ou plutôt la bûche au milieu du foyer. Non, interdire le chauffage au bois n’est pas une solution, il faut éduquer la population à un “meilleur usage de ce combustible”. Et surtout éviter de miser uniquement sur l’électricité… Explications.
Tout électrifier? Un danger sous-estimé
“Aujourd’hui, avec le basculement des énergies renouvelables, on vit un réel dérapage…”, explique Jean-Yves Saliez. “Derrière les différents vecteurs énergétiques, vous avez des lobbys. Je caricature, mais le lobby électrique est en train de gagner. Pourquoi? Parce qu’il est fort et qu’il bénéficie de la hausse de la consommation d’électricité. Il tend dès lors à pousser pour une solution unique: tout électrifier.”
Une solution unique serait pourtant dangereuse pour le pays et les citoyens belges, estime le coordinateur de la Febhel. Un danger déjà mis en lumière par la crise en Ukraine: une dépendance énergétique peut entraîner une hausse des coûts en cas de conflit, et des difficultés en approvisionnement peuvent à leur tour mener à des pénuries.
Si vous arrivez à couper le chauffage d’un million d’habitants simplement en cassant une centrale électrique, quelles sont les alternatives?
“Imaginons que Bruxelles soit chauffée ou alimentée uniquement en électricité. C’est tellement simple d’aller tirer la prise. Chez nous, on n’a pas encore des hivers très rudes. Mais n’empêche, si vous arrivez à couper le chauffage d’un million d’habitants simplement en cassant une centrale électrique, quelles sont les alternatives? C’est relativement grave.”
La solution? Miser sur une mixité des sources d’énergie. “Toutes les énergies sont complémentaires. Dans les pays du Nord, la majorité des gens ont des pompes à chaleur mais aussi des poêles à bois. Pourquoi? Parce que la pompe à chaleur permet d’offrir une base de chaleur dans un bâtiment. Mais quand l’hiver est vraiment rude chez eux, à -15 ou -20°C, cette base ne leur suffit pas. On ajoute donc la couche du bois énergie. Quand on combine des vecteurs, on gagne énormément à titre individuel, en termes de confort, mais aussi à titre collectif.”
Ce n’est pas le bois qui pollue, mais les vieux appareils
Ensuite, on pointe du doigt une source d’énergie dite “sale”, mais ce n’est pas le combustible le problème, insiste Jean-Yves Saliez. “On dit que le bois énergie dégage des particules fines. Mais il n’est pas polluant par essence: une bûche ne crée pas des particules, un pellet non plus. Cela dépend de la technologie de conversion utilisée.” En résumé: c’est l’appareil de chauffage le problème. “On tire sur le combustible alors qu’il faut tirer sur les appareils. Vous voyez la différence?”
Selon lui, le chauffage au bois offre toute une série d’avantages: il rend des services de convivialité, mais aussi d’indépendance énergétique. Et puis, utilisé correctement, cela reste une source d’énergie renouvelable.
On tire sur le combustible alors qu’il faut tirer sur les appareils. Vous voyez la différence?
La solution? Éduquer les citoyens à un meilleur usage de ce type de combustible. “Là où les gens qui protestent à Watermael-Boitsfort ont raison, c’est de dire : ‘Il y a plein de vieux appareils qui traînent et des vieilles cheminées’. Il faudrait interdire l’usage d’un feu ouvert, certainement à Bruxelles. Il faut combattre l’usage des appareils anciens. Mais il ne faut certainement pas interdire le bois énergie. Il faut promouvoir le bois énergie moderne. Le secteur doit réinventer son image et doit réinventer sa place dans notre société, dans notre inconscient collectif.”
Les mesures sont incomplètes
Et enfin, le problème découle aussi de données souvent incomplètes. Et là encore, Jean-Yves Saliez rejoint l’avis du lanceur d’alerte bruxellois. C’est une bonne idée d’ajouter des mesures, estime-t-il, à condition de le faire correctement. “Avec des mesures incomplètes, on est en train de réaliser une sorte de procès à charge ou à décharge de certains secteurs: comme le chauffage au bois ou la mobilité. Mais on n’est pas en train de gérer la pollution de l’air.”
La solution? “Si on veut faire des mesures additionnelles, c’est super, mais il faut tout mesurer dans les détails, et ensuite faire des déductions scientifiques.”
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