De plus en plus d’entreprises investissent dans des batteries intelligentes pour optimiser leur consommation d’énergie. Mais derrière les promesses de rentabilité se cachent complexité technique, contrats piégeux et risques de mauvais calculs.
De plus en plus d’entreprises envisagent un investissement dans une batterie intelligente pour optimiser leur consommation d’électricité. C’est en soi un composant précieux dans une stratégie énergétique réfléchie. Mais uniquement si l’on sait prendre en compte les bons facteurs, avertit Chris Elbers, CEO du spécialiste en energy accounting Odot. Et ce n’est pas une mince affaire. « Par exemple, toutes les batteries ne sont pas capables de produire un rendement optimal et il est essentiel d’avoir la bonne gestion énergétique et le bon pilotage. Le contrat d’énergie est également déterminant pour le rendement final. Nous voyons en ce moment que les entreprises sont inondées d’offres qui sont basées sur des prix et des délais de retour sur investissement datant d’années passées. Donc, là aussi, la prudence est de mise. »
Un marché en plein essor mais complexe
Le spécialiste en energy accounting Odot, qui accompagne environ 2.000 entreprises belges dans leur stratégie énergétique, constate qu’environ une entreprise sur cinq envisage actuellement un investissement dans une batterie intelligente. Ce pourcentage est même encore plus élevé chez les grands acteurs. Logique en soi, puisqu’une batterie offre différentes possibilités pour optimiser sa consommation d’énergie. Chris Elbers, CEO d’Odot : « Vu les nombreuses questions de nos clients à propos de la technologie des batteries, nous avons analysé en profondeur l’offre sur le marché. Qu’en est-il ressorti ? Il s’agit d’une matière très complexe et technique qui exige une analyse totale – des possibilités technologiques jusqu’au contrat d’énergie. Et c’est souvent là que le bât blesse : les entreprises risquent alors d’entrer dans un scénario où elles ne peuvent pas exploiter pleinement le potentiel d’optimisation. Et ce serait évidemment dommage, puisque la technologie des batteries fait partie intégrante de la transition énergétique et a bel et bien le potentiel d’être un investissement rentable. »
Avec le bon choix de batterie, il existe en effet plusieurs possibilités d’optimisation :
• « Autoconsommation » : Les entreprises avec des panneaux solaires ou d’autres sources d’énergie renouvelable peuvent utiliser une batterie pour consommer l’électricité produite lorsque le soleil ne brille pas ou que le vent ne souffle pas. Elles maximisent ainsi leur propre consommation d’énergie verte, réduisent leurs prélèvements sur le réseau électrique et bénéficient de coûts énergétiques plus faibles.
• « Peak shaving » : Les entreprises peuvent utiliser une batterie pour absorber les pics de leur consommation. La batterie est chargée afin d’absorber ces pics, ce qui permet de réduire les coûts liés à la puissance de pointe.
• « Market based optimisation » : Une batterie permet aussi de réagir intelligemment au marché de gros (prix pour le lendemain), intraday (pendant la journée) et aux marchés des déséquilibres. L’énergie peut ainsi être achetée et vendue stratégiquement.
• « Équilibrage du réseau » : Les entreprises peuvent devenir fournisseur de puissance d’équilibrage aux gestionnaires de réseau. Elles mettent ainsi à disposition de leur batterie de la capacité pour Elia et/ou les gestionnaires régionaux, afin de contribuer à un réseau électrique plus stable.
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Chris Elbers : « Les batteries ont donc beaucoup de potentiel pour être un investissement rentable. La technologie est aussi encore en pleine évolution. Nous voyons qu’il se dessine actuellement, par exemple, des changements dans le rendement des différentes possibilités d’optimisation. Ainsi, l’année passée, le rendement lié aux déséquilibres était encore très intéressant. Ce n’est désormais plus vraiment le cas. »
Des business cases souvent trompeurs
Ce potentiel est toutefois contrebalancé par la complexité. En effet, les entreprises ne sont pas seulement approchées par une multitude de fournisseurs avec des business cases variés. Les constellations derrière ceux-ci sont aussi souvent complexes et peu transparentes. Ainsi, la vente et l’installation de la batterie sont souvent effectuées par des installateurs de panneaux solaires. Pour le pilotage proprement dit de la batterie intelligente, ils font appel à un fournisseur d’énergie. Celui-ci s’occupe entre autres du couplage avec les panneaux solaires et autres sources d’énergie, et de l’adaptation de l’utilisation de la batterie sur la base des prix de l’énergie et des prévisions météorologiques. Chris Elbers : « Dans nos analyses, nous avons vu passer beaucoup de business cases qui étaient basés sur des chiffres dépassés. Avec un peu de malchance, en tant qu’entreprise, vous pouvez vous retrouver dans un scénario où votre batterie n’atteint pas le délai de retour sur investissement sur lequel vous comptiez ou où vous êtes bloqué pendant dix ans ou plus dans des contrats défavorables. Pour obtenir un rendement maximal, il est essentiel d’avoir la bonne gestion énergétique ET le bon pilotage. Le contrat d’énergie est également déterminant pour le ROI. Il y a donc beaucoup de facteurs à prendre en compte. Et ce n’est certainement pas une tâche évidente. »