Le volet énergétique de l’accord commercial entre l’Union européenne et les Etats-Unis n’est absolument pas crédible, souligne Damien Ernst (ULiège) dans notre Trends Talk. Voici pourquoi.
Damien Ernst, professeur à l’ULiège et grand expert en matière énergétique, souligne dans notre Trends Talk, qui passe en boucle ce week-end sur Trends Z, combien l’accord commercial entre l’Union européenne et les Etats-Unis n’est pas crédible. Ce “deal”, non formalisé par écrit, prévoit l’achat pour 750 milliards d’énergie aux USA.
“J’ai bien analysé cet accord, nous dit-il. Je suis en contact avec les meilleurs analystes du monde au niveau de l’énergie des groupes, via des groupes Telegram ou WhatsApp. Je peux vous dire que nous avons tous rigolé.”
Voici pourquoi.
“Un montant trop élevé”
“Déjà, 750 milliards, la somme est beaucoup trop élevée, argumente Damien Ernst. On ne va pas acheter des combustibles fossiles importés des USA pour un tel montant, c’est impossible.”
Ensuite, ajoute-t-il, “l’Union européenne est un marché libéralisé, elle ne peut pas contraindre les entreprises d’agir en ce sens. Si vous n’avez pas une centrale d’achat de l’Union européenne, vous pouvez faire des contrats bilatéraux avec le Qatar et l’Australie avec qui vous voulez. Donc, moi, franchement, je ne sais pas où on va aller acheter ces 750 milliards.”
L’expert dit “comprendre que l’Union européenne décide, par exemple, interdire l’achat du GNL, du pétrole ou du charbon russes”. Mais: “les entreprises vont faire ce qu’elles veulent et elles vont acheter au meilleur marché”.
Ce n’est pas tout. “On parle beaucoup du pétrole de schiste américain, mais il faut savoir que c’est un pétrole extrêmement léger. C’est le pétrole qui doit passer au travers des
roches de schiste. Donc, ce sont des petites chaînes pas très longues, avec peu d’atomes de carbone. C’est différent du diesel que l’on utilise pour les camions. Même avec la meilleure volonté du monde, je ne vois pas comment on pourrait importer autant de pétrole américain.”
La seule chose envisageable, estime-t-il, c’est une augmentation de l’achat de gaz liquéfié. Mais pas de nature à atteindre les 750 milliards…
Ne plus dépendre de la Russie
L’avantage de ce “deal”, par contre, c’est que cela permettra à l’Europe de ne plus dépendre de la Russie. “Au niveau du gaz, la diversification arrive, précise Damien Ernst. Il y a désormais beaucoup de productions LNG qui arrivent depuis le Canada, l’Australie, le Qatar et les Etats-Unis remettent des gros volumes sur le marché. Cette dépendance au gaz russe a complètement disparu.”
Il ajoute: “Le passage par l’Ukraine est fermé, celui par le North Stream 1 et le North Stream 2 est fermé par la Pologne… Donc, on n’importe plus de la Russie, du moins par les gazoducs. Cette dépendance à la Russie, je ne la vois plus se recréer, même si une paix venait être conclue.”