“Le retour du nucléaire sans changer la loi de 2003, c’est comme investir dans des baraques à frites en interdisant la pomme de terre”
Damien Ernst, professeur à l’ULiège, souligne combien le Sommet nucléaire d’Alexander De Croo, organisé ce jeudi à Bruxelles, reste symbolique tant que la législation belge continue à interdire tout nouveau projet. “Cela n’a pas de sens!”
Le nucléaire revient à l’agenda économique et politique, cette semaine. Ce mercredi, le secteur et les industriels se mettent autout d’une table pour évoquer la nécessité d’avancer dans le nucléaire du futur. Jeudi, le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), rassemble au Heysel, à Bruxelles, des chefs d’Etat du monde entier pour insister sur l’importance du nucléaire dans le mix énergétique du futur. Damien Ernst, professeur à l’ULiège, regarde cela de façon critique.
Que pensez-vous de ce retour du nucléaire à l’avant-plan?
C’est très bien, mais soyons d’abord conséquents. Avant de convoquer un tel sommet, Alexander De Croo ferait bien de modifier la loi de 2003 qui empêche toujours de lancer de nouveaux projets nucléaires. C’est comme si l’on annonçait la volonté d’investir dans des baraques à frites, mais en interdisant la pomme de terre! Cela n’a pas de sens.
La prolongation des centrales de Tihange 3 et Doel 4 a déjà dû être obtenue au forceps. Quant aux cent millions investis dans la recherche sur les SMR, c’est bien trop peu pour redévelopper une filière nucléaire dans ce pays. C’est à peine le montant de trente éoliennes.
Paul Magnette, président du PS, déclarait sur Bel RTL cette semaine que le gouvernement a “fait le job”.
Mais bien sûr que non, il n’a pas “fait le job”. C’est mentir aux gens de dire cela. Pour envisager relancer une filière nucléaire, le travail à faire est colossal: il faut identifier les sites où l’on pourrait installer de nouveaux réacteurs, négocier avec les constructeurs de SMR, relancer la sous-traitance locale…
Or, pour le moment, il est impossible d’avancer tant que le cadre législatif ne le permet pas. On peut évidemment avoir des contacts avec une entreprise, mais il y aura toujours bien quelqu’un au sein du conseil d’administration pour dire que le nouveau nucléaire reste interdit en Belgique. Tant que la loi de 2003 restera de mise, c’est impossible.
En attendant, la concurrence a bien débuté entre les Américains et les Chinois. TerraPower, fondée par Bill Gates, entamera en juin la construction d’un réacteur qui devrait être opérationnel en 2030. Nous sommes à nouveau en retard sur un développement énergétique crucial pour un avenir décarboné.
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