L’éolien wallon se porte un peu mieux, mais ça reste insuffisant: “Le ministre s’attache trop aux avis des communes”

Éolienne de Vestas.

Les temps ne sont pas simples pour l’éolien belge. En Flandre, les demandes de permis chutent drastiquement. Mais ça ne profite pas à la Wallonie, où les obstacles dénoncés de longue date par le secteur persistent.

57 demandes de permis pour des projets éoliens terrestres en 2025, contre une moyenne de 127 les cinq années précédentes. Les chiffres publiés par De Tijd ce mercredi sont particulièrement inquiétants pour la Flandre. A priori, ils s’expliquent en partie par un resserrement décrété par le ministre flamand de l’Environnement Jo Brouns (CD&V) relatif aux règles de distance des grandes éoliennes (200 mètres et plus) par rapport aux habitations.

“Les autorités ont pris une décision unilatérale. La Flandre étant très densément peuplée, c’est forcément une mesure qui a eu un impact assez fort sur le climat d’investissement dans la région”, confirme Fawaz Al Bitar, directeur général d’Edora, la fédération des énergies renouvelables.

Les développeurs se sont-ils dès lors retournés vers la Wallonie ? “Il y a inévitablement une certaine proximité de marché. Cependant, je ne remarque pas spécialement qu’on ait pu en profiter. En réalité, le marché wallon est déjà très actif. On a énormément de projets dans le pipeline. Pour environ 1500 MW installés, on en a quasiment 4000 MW dans les cartons. Cela représente 1 à 2 milliards d’euros d’investissements potentiels“, répond-il.

Octroi de permis éolien : toujours pas la panacée

Bien sûr, nombre de ces projets wallons n’iront pas au bout. L’an dernier, 28 éoliennes ont été érigées. Cela a permis d’ajouter 105 MW de capacité : trop peu pour remplir les objectifs de production, fixés à 6.200 GW/an en 2030. Si Edora patientera encore un bon mois avant de dresser un bilan chiffré de 2025, son directeur général peut déjà observer quelques tendances.

“Je pense que le secteur éolien a été en partie entendu par les autorités wallonnes. Heureusement, car la situation de 2024 était intenable et totalement contraire aux directives européennes, qui ont conféré aux énergies renouvelables le statut d’intérêt public majeur. Cependant, les deux principaux obstacles sont loin d’être surmontés. L’octroi des permis et la vétusté du réseau restent problématiques“, commente Fawaz Al Bitar.

Selon le représentant du secteur, le ministre wallon du Territoire François Desquennes (Les Engagés) reste encore trop réticent à octroyer des permis. Contrairement à la précédente législature, où les permis d’environnement et d’urbanisme dépendaient de deux ministres, il semble pourtant avoir toutes les cartes en main pour les délivrer plus efficacement.

“L’intérêt collectif ne prime toujours pas suffisamment sur l’intérêt individuel. Les citoyens opposés à un projet éolien ont évidemment le droit de le faire savoir à leur bourgmestre qui, très souvent, se fonde sur leur opposition pour émettre un avis négatif. En soi, c’est un processus assez sain. Le vrai problème, c’est que le ministre ne s’oppose qu’à de très rares exceptions à l’avis de la commune. Or, c’est contraire à ce que demande l’Europe : réaliser une balance des intérêts en tenant compte de l’intérêt public majeur conféré aux éoliennes. Quand il y a 13 feux verts et 2 feux rouges, l’autorité régionale doit davantage réfléchir au poids des feux rouges. Si elle suit systématiquement l’avis de la commune, ça anihile toute approche stratégique régionale“, regrette le directeur général d’Edora.

Le second feu rouge évoqué ici proviendrait généralement du Département de la Nature et des Forêts. “Alors que le DNF était déjà à la pointe concernant les études d’incidence environnementale, il se radicalise, déplore-t-il. Leurs avis sont de plus en plus souvent négatifs. Par exemple, ils ont longtemps tenu compte de l’impact des éoliennes sur la mortalité des chauves-souris. Maintenant qu’on a pu améliorer la technologie pour réduire fortement cet impact, le DNF étudie les effets sur le ‘dérangement’ des chauves-souris. C’est un cercle vicieux qui, une fois encore, s’oppose aux demandes de l’Europe.”

L’autre point noir majeur pointé par Edora concerne le réseau. “Les capacités d’accueil du réseau belge sont insuffisantes. Il faut les renforcer au plus vite, sans oublier de prévoir un système de connexions privilégiées et plus rapides pour le renouvelable. Dans le cadre de l’instauration d’un système de plus en plus flexible, il faut aussi faciliter la connexion des batteries au réseau et créer des marchés de flexibilité au niveau local pour éviter les congestions. Bien sûr, ce sont des solutions qu’on ne peut pas déployer en deux temps trois mouvements. Mais il faut se dépêcher. La Belgique ne doit surtout pas devenir comme les Pays-Bas, où le réseau est sursaturé”, épingle Fawaz Al Bitar.

La confiance est toujours là, mais pour combien de temps ?

Malgré ces défis majeurs, le secteur de l’éolien reste dynamique et continue de croire en la Wallonie, estime Edora. Selon lui, le souci d’acceptabilité pourra être surmonté, notamment grâce à la taille des éoliennes. “Plus les éoliennes sont hautes, plus elles doivent s’écarter des habitations. En outre, comme elles sont plus puissantes, il en faut moins au sein d’un même parc. Ce sont des arguments de nature à rassurer les opposants. On constate d’ailleurs que les détracteurs se font entendre au tout début des projets, mais beaucoup moins après. Ils se rendent compte que, in fine, ce n’est pas si gênant que ça. La meilleure preuve nous vient des zones où l’on fait du repowering : remplacer d’anciennes éoliennes par des nouvelles. Là, ça ne pose quasiment jamais problème. Généralement, les riverains soutiennent même les projets”, fait valoir Fawaz Al Bitar.

D’après lui, le secteur de l’éolien a les moyens de répondre aux objectifs. Il suffit au politique de l’accompagner de manière efficiente. “Les écueils sont là, mais la montée en puissance du renouvelable est inévitable. Les développeurs le savent très bien et c’est pour ça qu’ils restent confiants. Cela ne signifie pas pour autant que la situation actuelle peut perdurer. Si ça se traîne, il ne faut pas oublier que la Wallonie est bien entourée. Il n’est pas à exclure que certains acteurs finissent par réorienter leurs décisions d’investissement vers les pays voisins. Ce n’est pas une menace, mais un fait. Et une crainte pour la Wallonie, évidemment”, conclut-il.

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