Attaques des Houthis en mer Rouge, véritable risque d’inflation ?
Les attaques des Houthis sur les navires en mer Rouge font exploser les prix des conteneurs. Les transporteurs d’hydrocarbures ne semblent pas impactés de la même manière. Quels sont les risques pour un regain d’inflation ?
Depuis un mois environ, les attaques des rebelles Houthis en mer Rouge mettent le commerce maritime mondial sens dessus dessous. Au début, l’impact économique ne semblait pas encore clair. Mais petit à petit, différentes tendances commencent à se discerner.
La semaine dernière, il s’est avéré que le prix des conteneurs explose de plus en plus. Depuis la mi-décembre, le prix d’un voyage de Shanghai à Gènes ou à Rotterdam (références en la matière) ont été multipliés par plus de deux (Shanghai – New York et Shanghai – Los Angeles augmentent aussi, mais moins fortement. Il est passé de respectivement 1.967 dollars le conteneur de 40 pieds 4.178 à et de 1.447 à 3.577 dollars. C’est ce que montre le World container index de Drewry, mis à jour toutes les semaines (dernière publication le 4 janvier).
Les prix sont encore inférieurs aux records atteints lors de la pandémie, mais c’est déjà une forte augmentation. Et comme il n’y a pas de solution immédiate en vue, les porte-conteneurs vont devoir continuer à contourner le continent africain au lieu de prendre la route de la mer Rouge. Aux dernières nouvelles, 95% des porte-conteneurs prenaient cette déviation, qui prend 10 jours (24 au lieu de 14, du Golfe à l’Europe) et 9.000 kilomètres de plus.
Cette hausse des prix est en tout cas un risque inflationniste. Il reste à voir comment les entreprises vont répercuter les prix du transport sur les prix de vente, mais elles sont en tout cas mises sous pression. Cela alors que ces deux dernières années, l’inflation a déjà été très élevée. Elle était en forte chute ces derniers mois, mais en décembre, elle est repartie à la hausse en Belgique et en Europe. De nouveaux risques ne sont donc pas une bonne nouvelle, surtout que différentes institutions (Bureau du Plan, BNB…) misent déjà sur un regain d’inflation en 2024.
Pétrole et gaz – pas un “événement majeur”
Si les conteneurs sont un risque pour l’inflation, l’énergie l’est encore aussi. Mais de ce côté-là, pour l’instant, la situation reste positive, et elle pourrait le rester. La majorité des pétroliers, méthaniers et autres transporteurs en vrac continuent de passer par la mer Rouge, écrit John Conrad, journaliste et CEO de gCaptain, média spécialisé en commerce maritime, sur X. BP et Shell ont cependant prix le choix de contourner l’Afrique, par précaution. Les prix restent d’ailleurs stables, autant pour le gaz (malgré une vague de froid en Europe) que pour le pétrole.
“Les attaques contre les pétroliers commerciaux de la mer Rouge par les mandataires yéménites de l’Iran, le mouvement Houthi, constituent un risque d’inflation, via des coûts de transport plus élevés, dans la mesure où elles allongent la durée des voyages pour tout navire contraint d’éviter le détroit de Bab el-Mandeb”, écrit Bob Ryan, expert en matières premières et énergie pour BCA Research, dans une note consultée par Trends Tendances. Mais il reste optimiste : “Le risque d’une expansion de ces attaques est, à notre avis, limité, étant donné l’incapacité de l’Iran à projeter sa puissance navale dans la région.” Le détroit d’Ormouz dans le Golfe Persique, encore plus crucial pour les flux de pétrole, ne devrait pas être visé par les attaques.
Il précise qu’environ 9% des flux mondiaux de pétrole et de produits raffinés passent par la mer Rouge. Pour le GNL, l’Europe importe 5% de ses besoins depuis le Qatar (selon Ryan, mais 13% selon la Commission européenne), et les navires qataris ne sont pas attaqués pour l’instant. Les États-Unis sont eux devenus un fournisseur très important. “Si, pour une raison quelconque, les expéditions de GNL via la mer Rouge s’arrêtaient, les États-Unis reprendraient probablement une part supplémentaire du marché dans l’UE”, analyse Ryan. Il ajoute que pour le pétrole aussi, les importations depuis les États-Unis sont en hausse. Là aussi, Washington et le Brésil pourrait répondre à l’appel et envoyer davantage de pétrole vers l’Europe.
Dans tous les cas, une déviation via le Cap de Bonne espérance ne serait “pas un événement majeur”, résume Ryan. Il ne verrait pas de grand impact sur les prix du marché du pétrole et du gaz. Seuls les marges des coûts des transports augmenteraient – ce qui pourrait cependant faire augmenter les prix à la pompe, par exemple. Mais il avertit que c’est une situation qui peut évoluer rapidement, dans un contexte de tensions géopolitiques fortes. Il faut donc rester aux aguets et continuer à estimer les risques, au fur et à mesure.
Inflation énergétique
La crise énergétique hante encore les esprits, et des hausses des prix de l’énergie pour raison de conflit armé peuvent rappeler de mauvais souvenirs. On a pu le constater avec la guerre en Ukraine, une hausse des prix de l’énergie peut vite se répercuter sur l’économie en général, et faire augmenter l’inflation. C’est que les hydrocarbures sont utilisés pour toute une série de choses : transport, chauffage et matière première pour une multitude de produits.
Depuis la guerre en Ukraine, les prix de l’énergie ont fortement baissé, jusqu’à un niveau plus ou moins normal. Voilà d’ailleurs l’élément qui fait que l’inflation a baissé ces derniers mois, en glissement annuel. Mais le fait qu’ils ont atteint un point bas est une aussi une faiblesse : ils ne peuvent plus tirer l’inflation vers le bas. Ainsi, une nouvelle hausse des prix devrait se ressentir plus rapidement.
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