Energie, nourriture, pauvreté, croissance: quelle sera l’étendue de l’impact de la guerre en Ukraine?

Energie, agriculture, inflation, pauvreté… La guerre en Ukraine va aussi avoir des conséquences majeures sur l’Europe de l’est et le monde et un ralentissement de la croissance planétaire est probable, explique à l’AFP la cheffe économiste de la Banque européenne de développement (BERD), Beata Javorcik.

Combien coûtera-t-il de rebâtir l’Ukraine?

Beata Javorcik: Cela dépendra de la durée de la guerre (qui dure depuis déjà trois semaines). De vastes portions du pays fonctionnent – les infrastructures, le système bancaire, les entreprises sont encore ouvertes. Un chiffre de 100 milliards de dollars vient du gouvernement ukrainien (…) et correspond au coût des infrastructures et bâtiments déjà détruits. C’est l’équivalent de deux tiers du PIB. Cela montre que le coût économique va être significatif même s’il est trop tôt pour donner des chiffres. (Le FMI a estimé que le PIB ukrainien allait se contracter d’environ 10% minimum en 2022, ndlr).

Combien le conflit retarde le développement de l’Ukraine dépendra de la stabilité du pays et donc de l’accord trouvé pour la résolution du conflit. Et aussi de l’aide et des investissements d’autres pays. L’Ukraine a un accord de libre-échange avec l’Union européenne. Cela veut dire que l’Ukraine a accès au (vaste) marché européen. La BERD (qui a débloqué 2 milliards d’euros d’aide d’urgence pour l’Ukraine) peut aussi jouer un rôle pour co-investir dans le secteur privé. Nous servons de sceau de validation.

Quel sera l’impact de l’afflux de réfugiés dans les pays voisins?

Si le conflit continue, le nombre de réfugiés pourrait atteindre six millions de personnes. C’est énorme et difficile à gérer pour les pays qui accueillent. Mais au début de l’automne, les marchés du travail en Europe centrale bouillonnaient avec un chômage très bas (ce qui pourrait faciliter l’intégration des réfugiés ukrainiens).

Comment les sanctions vont-elle peser sur la Russie?

Il y a deux aspects aux sanctions. Un coût à court terme qui résultera de la perte d’échanges commerciaux internationaux, de la perte de confiance des consommateurs, du rouble qui se déprécie…etc.

Si après la fin du conflit, la Russie est perçue comme une destination risquée, s’il y a des nationalisations -nous avons entendu des déclarations (du président russe) Vladimir Poutine – cela nuira à la réputation de la Russie comme destination d’investissements.

Si les sanctions sur les exportations de produits de haute technologie durent, on perd l’accès à la connaissance qui vient de ces biens, et cela pourrait entraîner une attrition des mouvements de scientifiques et d’étudiants vers et depuis la Russie.

Quel sera l’impact sur l’économie mondiale?

Ce conflit se répercutera sur le monde et ses conséquences seront ressenties non seulement cette année mais l’an prochain au moins. La Russie et l’Ukraine représentent 30% des exportations mondiales de blé. Les agriculteurs ukrainiens n’ont pas encore vendu leur récolte de l’an dernier. Les acheminements par la Mer noire sont perturbés, et plus important encore, les fermiers ukrainiens ne sèment pas encore. En plus, la Russie et la Biélorussie sont producteurs d’ammoniaque et potasse, qui sont des composants d’engrais. Donc les prix des engrais montent ce qui affecte les agriculteurs en Asie et aux Etats-Unis.

Le nickel, le cuivre, le platine, le palladium, tous exportés de la région, sont des composants utilisés dans les énergies renouvelables. (Ils ont vu leurs cours s’envoler depuis le début du conflit à cause des risques sur l’approvisionnement, ndlr).

Le prix du gaz est à des records en Europe et les prix pétroliers sont très élevés, ce qui rend le charbon relativement bon marché et donc les incitations à ne plus utiliser(ce combustible très polluants) pourraient diminuer.

Tout cela va accélérer l’inflation, avec des conséquences plus graves sur les pays les plus pauvres, ce qui a des implications sur la pauvreté et la stabilité politique.

L’inflation en hausse va aussi forcer les banques centrales à réagir en augmentant leurs taux d’intérêt (comme certaines ont commencé à le faire) ce qui sera mauvais pour la croissance de l’économie mondiale. Un ralentissement est probable.

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