Un expert des Nations Unies met en garde contre “l’économie mondiale basée sur l’exploitation”
David Boyd a été jusqu’en avril 2024 le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’environnement. Durant son mandat de six ans, il a parcouru le monde. Avec à la clé un constat aussi effrayant que décourageant. La course pour sauver la planète est entravée par une économie mondiale qui dépend de l’exploitation des personnes et de la nature. Et peu de gens semblent comprendre à quel point la situation est grave.
« Le droit humain à un environnement sain se heurte à une force encore plus puissante qui est l’économie mondiale. Un système qui repose absolument sur l’exploitation des personnes et de la nature. Et à moins que nous ne changions ce système fondamental, nous ne ferons que réorganiser les chaises sur le Titanic », précise David Boyd dans une longue interview à The Guardian.
Les subventions aux combustibles fossiles en hausse
Malgré de nobles intentions, les traités internationaux des trente dernières années n’ont eu que peu de résultats, principalement parce qu’ils ne prévoyaient pas de mécanismes pour rendre les États responsables de leurs engagements, selon Boyd. Ainsi, alors que les émissions de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter et la dégradation du climat s’accélère, les subventions aux combustibles fossiles n’ont pas baissé. Elles ont même atteint l’année dernière les 7 milliards de dollars.
« De puissantes élites commerciales et politiques interconnectées – la mafia du diesel – deviennent encore riches grâce au système existant. Les chasser nécessite un énorme mouvement à la base utilisant des outils comme les droits de l’homme, la protestation publique et tous les autres outils dans l’arsenal des agents du changement », dit un Boyd particulièrement remonté dans The Guardian.
Il prévient aussi : «Dans un monde confronté à une urgence climatique, les subventions aux combustibles fossiles violent les obligations fondamentales et contraignantes des États en matière de droits de l’homme ». Ce qui fait que les États qui ne prennent pas de mesures significatives contre le changement climatique et qui ne réglementent pas les industries polluantes pourraient bientôt être confrontés à une série de poursuites judiciaires. Le droit à un environnement sain est inscrit dans la constitution de pas moins de 161 pays dans le monde (le Royaume-Uni, les États-Unis et la Russie étant parmi les exceptions notables). Si l’on y rajoute les droits de l’homme, les plaignants peuvent désormais se baser sur un arsenal juridique solide pour contraindre les gouvernements à réduire les émissions de gaz à effet de serre et de mettre fin aux combustibles fossiles. Notamment en introduisant des réglementations et en s’assurant du suivi de ces dernières.
Enlever ses œillères
Pour Boyd, il est donc temps de les obliger à tenir à leur engagement et d’ignorer les différents lobbys. « Et je crois que le droit international des droits de l’homme est le moyen de le faire ».
Un autre levier selon Boyd est tout simplement d’enlever ses œillères. Il a ainsi beaucoup de mal à comprendre l’indifférence collective du monde face à la souffrance causée par des dommages environnementaux évitables. « C’est comme s’il y avait quelque chose qui clochait dans nos cerveaux et que nous ne pouvions pas comprendre à quel point la situation est grave. Je pense que le droit à un environnement sain est en fait le fondement dont nous avons besoin pour jouir de tous les autres droits de l’homme. Si nous n’avons pas une planète Terre vivante et saine, alors tous les autres droits ne sont que des mots sur papier. »
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici