Traité contre la pollution du plastique: un défi “immense” mais “pas insurmontable”
La première journée de la session de négociations destinée à avancer vers un traité pour mettre fin à la pollution plastique s’est terminée lundi dans “un certain optimisme”.
Les représentants de 175 nations aux ambitions divergentes se sont retrouvés au siège de l’Unesco pour une deuxième session du comité international de négociation (CIN), sur les cinq prévues pour aboutir à un accord historique couvrant l’intégralité du cycle de vie du plastique. Les premiers échanges ont permis d’élire les membres du bureau devant présider aux négociations, mais “maintenant il faut vraiment entrer dans le fond du sujet”, a expliqué Jyoti Mathur-Filipp, la secrétaire executive du CIN lors d’un point presse lundi soir.
Elle a reprécisé le calendrier: après Paris, trois autres sessions de négociations sont encore prévues, la prochaine en novembre puis deux autres l’année prochaine, avant une adoption du traité “lors d’une conférence diplomatique à la mi-2025”. “L’objectif de cette semaine est d’amorcer les discussions” pour “savoir quels sont les éléments qui doivent être inclus dans le traité, (…) identifier les points de convergence, ceux qui demandent plus de discussions et de recherches et sans doute aussi les points plus délicats”, a expliqué Gustavo Meza-Cuadra Velasquez, le président du CIN. “Nous savons que ce ne sera pas une tâche aisée mais nous sommes animés d’un certain optimisme“, a-t-il ajouté. “Nous sommes sur la bonne voie, nous avons un sprint à réaliser (…) mais nous pouvons le faire et nous y arriverons”, a conclut Mme Mathur-Filipp.
A l’extérieur, les ONG ont maintenu la pression, protestant notamment contre la présence de représentants des entreprises du plastique – “Dégagez les industriels“, pouvait-on lire sur des banderoles – au sein des discussions. “On ne nous fera pas taire”, a martelé Jane Patton du Center for International Environmental Law (CIEL).
“Bombe”
Il y a un peu plus d’un an à Nairobi (Kenya), un accord de principe a été trouvé pour mettre fin à la pollution plastique dans le monde, avec l’ambition d’élaborer d’ici à la fin 2024 un traité juridiquement contraignant sous l’égide des Nations unies. Le président français Emmanuel Macron a appelé dans une vidéo diffusée en ouverture lundi à “mettre fin à un modèle globalisé et insoutenable” de la production et de la consommation du plastique, mettant en garde contre une “bombe à retardement”.
L’enjeu est de taille alors que la production annuelle a plus que doublé en 20 ans pour atteindre 460 millions de tonnes (Mt). Elle pourrait encore tripler d’ici à 2060 si rien n’est fait. Or les deux tiers de cette production mondiale ont une faible durée de vie et deviennent des déchets à gérer après une seule ou quelques utilisations. 22% sont abandonnés (décharges sauvages, incinérations à ciel ouvert ou rejet dans la nature) et moins de 10% sont recyclés.
“L’objectif premier doit être de réduire la production de nouveaux plastiques et d’interdire dès que possible les produits plus polluants – comme les plastiques à usage unique – et les plus dangereux pour la santé”, a souligné Emmanuel Macron. “Il y a un consensus sur les enjeux et la volonté d’agir”, s’est félicité auprès de l’AFP Diane Beaumenay-Joannet, de l’ONG Surfrider Foundation.
Réticences
La réduction de la production est portée par la Coalition pour la haute ambition, conduite par le Rwanda et la Norvège et composée d’une cinquantaine de pays, dont l’Union européenne, le Canada, le Chili et, depuis quelques jours, le Japon. Son espoir: “mettre fin à la pollution plastique d’ici à 2040”. Mais d’autres nations se montrent plus réticentes, insistant sur le recyclage et une meilleure gestion des déchets: c’est notamment le cas de la Chine, des Etats-Unis, de l’Arabie saoudite et plus généralement des pays de l’Opep, qui entendent protéger leur industrie pétrochimique.
Le plastique est partout: emballages, fibres de vêtements, matériel de construction, outils médicaux… Des déchets de toutes tailles se retrouvent au fond des océans, sur la banquise, l’estomac des oiseaux et même au sommet des montagnes. Des microplastiques ont été détectés dans le sang, le lait maternel ou le placenta.
Le plastique pose aussi un problème pour son rôle dans le réchauffement climatique: il représentait 1,8 milliard de tonnes de gaz à effet de serre en 2019, 3,4% des émissions mondiales, chiffre qui pourrait plus que doubler d’ici à 2060 selon l’OCDE.