Loi de restauration de la nature: l’heure de vérité à Strasbourg

Greta Thunberg (à droite), militante suédoise pour le climat, participe à une manifestation avec des activistes en faveur de la loi sur la restauration de la nature devant le Parlement européen, à Strasbourg. GETTY

Les eurodéputés décident mercredi du sort d’une loi visant à restaurer les écosystèmes, texte-phare du Pacte vert de l’UE auquel la droite s’oppose farouchement et devenu l’emblème d’une bataille politique à un an des élections européennes.

Cette législation proposée mi-2022 par Bruxelles imposerait aux Etats membres des objectifs contraignants de restauration des terres et espaces marins abîmés par la pollution ou l’exploitation intensive pour préserver la biodiversité, dans la lignée de l’accord de la COP15 à Montréal.

Faute d’accord en commission parlementaire, l’ensemble des eurodéputés réunis à Strasbourg doivent se prononcer à la mi-journée sur une motion de rejet, vigoureusement défendue par le Parti populaire européen (PPE, droite), première force de l’hémicycle.

Comme pour d’autres textes du Pacte vert, les conservateurs disent s’inquiéter de l’impact pour l’agriculture, la pêche ou les énergies renouvelables.

Restaurer la nature ne doit pas signer l’arrêt de mort de toute production économique, industrielle, forestière et agricole en Europe”, a martelé l’élue française Anne Sander (PPE), rapporteure du texte en commission Agriculture.

Elle fustige notamment l’objectif de “particularités topographiques à haute diversité” (haies, fossés, zones humides…) sur 10% des surfaces agricoles d’ici à 2030.

Bruxelles “estime que geler purement et simplement 10% de nos terres agricoles ne représente pas un danger pour notre sécurité alimentaire”, critique-t-elle. “Nous diminuerons peut-être nos émissions mais il faudra importer notre nourriture des quatre coins du monde, où les standards de production sont bien éloignés des nôtres“.

Des arguments repris par la puissante organisation agricole Copa-Cogeca, qui manifestait son opposition mardi devant le Parlement au nom d’une approche productiviste.

Dans une manifestation concurrente, une centaine de militants pour le climat emmenés par Greta Thunberg ont au contraire défendu le projet.

“Pour atténuer crise climatique et perte de biodiversité, nous devons restaurer davantage la nature. La science l’a prouvé”, a déclaré à l’AFP la jeune militante suédoise, espérant un vote “le plus large possible” en faveur du texte.

“Un vrai problème”

A l’approche du scrutin européen de juin 2024, la stratégie du PPE est taxée d'”électoraliste” par les partisans du texte, qui dénoncent “des contre-vérités” et s’alarment d’un rapprochement avec l’extrême droite (ID) et les eurosceptiques (ECR).

“Historiquement, la droite avait la conservation de la nature dans sa philosophie. Aujourd’hui, elle préfère s’aligner sur l’extrême droite et les lobbies, c’est une rupture”, a déploré l’écologiste Yannick Jadot auprès de l’AFP.

“Les fameux 10% des terres agricoles gelées, cela n’a tout simplement jamais existé”, abonde Pascal Canfin (Renew, centristes), président de la commission Environnement.

Il s’agit d‘une cible indicative à l’échelle de l’UE qu’on peut atteindre en plantant des arbres fruitiers ou via des rotations de cultures, a-t-il rappelé. Sans compter que cela pourrait renforcer les rendements agricoles (moindre érosion des sols, pollinisation accrue, retour d’oiseaux s’attaquant aux parasites…).

“On est très en colère contre l’impossibilité d’avoir un débat rationnel. D’habitude, ce genre d’argument est porté par l’extrême droite, jamais le PPE. On a un vrai problème“, s’alarme cet ancien ministre français.

Le strict minimum

Pourtant, avec plus de 80% des habitats naturels européens déjà dégradés, “il s’agit du strict minimum, qui n’est même pas à la hauteur des enjeux pour être dans les clous de l’Accord de Paris” sur le climat, insiste Manon Aubry (GUE/NGL, gauche radicale).

Si la gauche se montre très favorable au texte, les centristes de Renew restent divisés, avec un tiers d’élus réticents, ce qui augure d’un vote se jouant à quelques voix sur la motion de rejet.

Si cette dernière est adoptée, la présidente du Parlement Roberta Metsola demandera à Bruxelles de retirer son texte. La Commission européenne a déjà prévenu qu’elle ne soumettrait pas de proposition alternative.

Les Etats membres, qui ont déjà adopté leur position en juin, pourraient décider de confirmer leur approche, mais sans soutien du Parlement. “Ce serait game over” pour l’avenir politique du projet, selon M. Canfin.

Si la motion de rejet n’est pas adoptée, les eurodéputés examineront un compromis correspondant exactement à la position commune des Etats, laquelle a d’ailleurs été soutenue par une majorité de gouvernements appartenant au PPE.

Puis ils voteront sur quelque 136 amendements pour déterminer la position du Parlement en vue des négociations avec les Etats.

“L’ambition pourrait être très profondément affaiblie, mais ce sera mieux que rien”, estime Pascal Canfin.

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