Le secteur du cacao en mutation, pour un chocolat durable
La Conférence mondiale du cacao qui s’est déroulée à Bruxelles a mis l’accent sur la durabilité du secteur. Un objectif dans lequel s’inscrit pleinement le chocolat belge comme nous l’explique Philippe de Selliers, président de Choprabisco.
Ces derniers mois, le cacao fait régulièrement la une de l’actualité avec un cours qui ne cesse de battre des records. En l’espace d’un an, son prix a quadruplé et a franchi dernièrement la barre des 10.000 livres sterling (11.500 euros) à la Bourse de Londres.
“Le cours est resté relativement stable jusqu’en avril de l’année dernière, explique Philippe de Selliers, CEO de Leonidas et président de Choprabisco, la fédération des entreprises qui produisent et/ou commercialisent du chocolat, des pralines, des biscuits et des confiseries. Cette hausse s’explique en partie par une très mauvaise récolte en Côte d’Ivoire et au Ghana qui produisent quelque 60% du cacao mondial ainsi que par une demande croissante année après année. A cela, il convient d’ajouter la spéculation qui a littéralement fait exploser les prix depuis le début de l’année.”
Un rôle de leader à jouer
C’est dans ce contexte que s’est déroulée à Bruxelles la cinquième édition de la World Cocoa Conference organisée par l’ICCO (International Cocoa Organization). Cet événement majeur du secteur réunit l’ensemble des acteurs de l’industrie du cacao et du chocolat. Se sont ainsi croisés durant quatre jours les représentants des gouvernements, cacaoculteurs, négociants, fabricants, détaillants, institutions financières, sociétés logistiques, agences internationales d’aide et de développement, universitaires, etc.
Au menu de leurs discussions, outre quelques dégustations du savoir-faire local, la durabilité du secteur. Parmi les sujets évoqués figurent notamment le revenu et les moyens de subsistance des cacaoculteurs, les modèles agricoles, l’égalité des sexes, les droits de l’homme, la déforestation ainsi que d’autres questions environnementales. Sans oublier les nouveaux produits issus du cacao et les tendances et perspectives du marché et des consommateurs. Le tout sous le signe de la durabilité dans le prolongement de la précédente conférence qui s’est tenue il y a six ans à Berlin.
La Belgique n’a pas attendu cette année pour s’inscrire dans la durabilité. Dès 2018 avec Beyond Chocolate lancé par Alexander De Croo alors qu’il était ministre de la Coopération au développement, elle a posé les jalons d’une politique durable. “Notre pays est un leader dans le monde du chocolat en termes de qualité et d’innovation, souligne Philippe de Selliers. En Belgique, ce ne sont pas moins de 9.000 personnes qui travaillent directement dans ce secteur représentant un chiffre d’affaires de plus de 6 milliards d’euros en 2022. Par ailleurs, nous sommes après l’Allemagne, le deuxième exportateur mondial. C’est pourquoi nous avons un véritable rôle de leader à jouer en matière de durabilité. Beyond Chocolate rassemble des partenaires issus des secteurs privés et publics, du secteur financier, de la société civile et du monde académique qui se sont engagés à rendre le chocolat belge durable d’ici 2030.”
Les objectifs affichés sont ambitieux. Ainsi, en 2025, tous les chocolats produits et/ou vendus en Belgique seront certifiés ou se conformeront à un programme de durabilité et, au plus tard en 2030, les producteurs de cacao liés au marché belge obtiendront au moins un revenu vital et la déforestation causée par la culture du cacao pour le secteur du chocolat belge aura cessé.
La spéculation a fait exploser les prix du cacao depuis le début de l’année.
Construire le futur du chocolat belge
Afin d’atteindre ces objectifs, le chocolat belge compte s’appuyer sur trois piliers comme nous le détaille le président de Choprabisco : “D’abord, le talent. Nous avons dans le monde une réputation d’excellence pour notre chocolat et nous devons davantage le faire savoir. En Belgique, le secteur représente plus de 500 employeurs chez lesquels 800 jobs ouverts sont actuellement proposés. Aussi bien dans les usines que dans les magasins. Nous devons inspirer les jeunes talents et leur donner l’envie de rejoindre le monde du chocolat. Ensuite, l’innovation. Le secteur doit continuer à innover. De ce point de vue, nous avons la chance d’avoir dans notre pays, avec Callebaut, Cargill et Belcolade, trois couverturiers (producteurs de chocolat de couverture destiné essentiellement aux chocolatiers et pâtissiers) qui disposent d’un centre de R&D. De plus, ces innovations et les nouveaux produits qui sont développés ici sont régulièrement mis à l’honneur. Nous devons absolument communiquer sur les prix et récompenses remportés tant à l’échelon national qu’international. Enfin, troisième pilier et non des moindres : la durabilité. Ce pilier s’inscrit parfaitement à la fois dans notre volonté de rendre le chocolat belge plus durable, ainsi que dans la thématique de la Conférence mondiale du cacao qui est ‘Payer plus pour un cacao durable’. Dans ce cadre, trois projets sont principalement mis en avant : l’arrêt de la déforestation, la question du travail des enfants et le revenu vital pour les cacaoculteurs. En d’autres termes, ce n’est pas simplement et uniquement payer plus mais payer mieux.”
Il faut savoir qu’aujourd’hui pour de nombreuses familles qui dépendent du cacao dans les pays producteurs, l’activité n’est pas rentable pour de multiples raisons, notamment la superficie de la terre cultivée par un cacaoculteur qui s’étend, en moyenne, sur 2,3 hectares. Sans oublier le prix qui lui est payé et qui n’a rien à voir avec le cours affiché à Londres. C’est pourquoi il est essentiel de payer un prix juste au producteur tel que le préconise la World Cocoa Conference.
L’ensemble des acteurs du secteur dans notre pays nourrit l’ambition de profiler le chocolat belge comme un chocolat durable en s’appuyant sur les trois axes du développement durable : l’économique, l’environnemental et le social. Une durabilité que demande de plus en plus le consommateur même s’il rechigne parfois à payer un peu plus cher pralines, tablettes et autres moelleux. Il n’y a pas de secret, si l’on veut payer davantage le producteur de cacao, l’amateur de chocolat doit accepter également de payer plus. “Le chocolat est un moment de bonheur, il est juste que chacun en profite”, conclut Philippe de Selliers.
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