Gobelets réutilisables à Tomorrowland : la poubelle intelligente de la start-up wallonne Neurogreen à la rescousse
Chaque année, le festival de musique électro belge Tomorrowland met en œuvre des initiatives environnementales. Pour l’édition 2024, une “smart bin” spécialement conçue par la start-up wallonne Neurogreen a été installée à Dreamville, le camping. Ce dispositif encourageait les festivaliers à trier et jeter correctement leurs déchets. Carlos Kiala, le concepteur, nous présente un premier bilan de cette expérience et propose des solutions pour l’introduction future des gobelets réutilisables, absents cette année malgré la législation.
La greentech montoise Neurogreen a été sélectionnée par EntertainmentLAB, un programme d’accélération lancé par Startup.Flanders pour tester son concept de poubelle boostée à l’IA à Dreamville, le camping du festival Tomorrowland lors de l’édition 2024 qui s’est clôturée le week-end dernier.
“Nos poubelles intelligentes ressemblent à des poubelles classiques, mais avec une couche technologique supplémentaire. A Tomorrowland, nous avons adapté notre technologie interactive au look and feel du festival pour capter l’attention des festivaliers et les sensibiliser aux bonnes pratiques de tri. L’idée sous-jacente était de tenir compte des nombreuses nationalités présentes, car les habitudes de tri diffèrent dans chaque pays”, nous explique son concepteur, Carlos Kiala, CEO de Neurogreen.
“Recycle club”
La smart bin installée devant le “Recycle club”, le point central de collecte et de tri des déchets du camping a attiré les festivaliers de toutes nationalités venus déposer leurs déchets – plus ou moins – bien triés. Lors de cette expérience, une attention spéciale a été portée à la gamification, l’aspect fun du recyclage. L’îlot qui reconnaît les déchets, habillé aux couleurs du festival, émettait du son et diffusait des images, afin de capter au maximum l’attention des festivaliers. “La gamification est cruciale pour motiver les utilisateurs à trier correctement”, souligne Carlos Kiala. Par ailleurs, des challenges entre nationalités ont été organisés pour savoir lesquelles triaient le mieux. Des “récompenses “rewards” (récompenses) ont aussi été octroyées aux campeurs en échange de boissons ou de goodies.
Le pouvoir de la gamification
Plusieurs métriques, comme le nombre de personnes utilisant le système et la qualité du tri des déchets sont encore en cours d’analyse au terme des deux week-ends de fin juillet. Carlos Kiala nous livre un premier bilan. “En général, les festivaliers trient assez correctement. Mais, dans ce contexte international, on a quand même remarqué pas mal d’erreurs de tri, plutôt dans la poubelle PMC, avec les tétrapacks notamment, parce qu’il n’y a pas forcément ce genre de berlingots dans tous les pays. Par contre, en ce qui concerne le “general waste” (ndlr: les déchets généraux), c’était vraiment catastrophique. Là, le tri n’était vraiment pas bon. Des matériaux organiques avaient l’apparence du papier, cela a compliqué la donne. On s’est dit qu’on aurait pu rajouter une poubelle de déchets organiques.”
L’aspect ludique de la poubelle a aussi eu son petit succès. “De manière naturelle, les gens ne restent pas plus de quelques secondes devant la poubelle. On a constaté que l’aspect interactif et ludique interpelle davantage les utilisateurs, notamment quand la smart bin émet du son ou diffuse un visuel”, commente le CEO de Neurogreen.
“C’est dommageable, en 2024, on aurait dû avoir du réutilisable à Tomorrowland”
Carlos Kiala, CEO de Neurogreen
L’édition 2024 du festival de musique électro a été marquée par une polémique sur l’utilisation de millions de gobelets en plastique jetables alors que la législation impose de mettre en circulation des gobelets réutilisables avec, dans la plupart des cas, un système de consigne. La désobéissance aux règles environnementales en vigueur a engendré de vives critiques et des préoccupations légitimes concernant l’impact environnemental du festival qui se veut précurseur dans de nombreux domaines. Ce dernier risque une amende salée – elle peut atteindre 2 millions d’euros – pour ne pas s’y être conformé.
Les organisateurs ont-ils eu raison d’écouler leur stock de 3 millions de gobelets jetables en plastique ?
A cette question, Carlos Kiala donne son avis: “Pour moi, en 2024, on aurait dû avoir du réutilisable. Tous ces gobelets qui jonchent le sol, c’est dommageable pour l’image du festival. Mais, d’un point de vue logistique, une fois que le stock de gobelets jetables est sur les bras, il faut pouvoir le gérer au mieux. Je ne vois donc pas trop d’autres solutions que de les utiliser. La décision était en grande partie influencée par cette nécessité de gérer un stock important de gobelets déjà produit avant l’instauration de la nouvelle législation. L’idée était de réduire le gaspillage en utilisant ces gobelets plutôt que de les jeter ou de les détruire.”
Carlos Kiala soulève une autre problématique concernant le recyclage de ce type de contenants, car de nombreux gobelets jetés au sol sont trop sales que pour être recyclés correctement et doivent être incinérés.
Des gobelets neutres
Par ailleurs, de nombreux gobelets réutilisables, même consignés, disparaissent, car les festivaliers les ramènent comme souvenir. Il y a eu 18 % de perte au camping de Tomorrowland en 2023 selon Debby Wilmsen, la porte-parole. Face à ce problème, la solution serait de mettre en circulation des gobelets neutres. “Plus le gobelet est attrayant, plus les festivaliers vont vouloir le ramener chez eux. Cela cause une perte de la plus-value car le gobelet n’est pas réutilisé à son plein potentiel dans l’événement. Un gobelet uniforme permet de diminuer ce taux de perte”, commente Carlos Kiala.
Un “déconsignation” plus efficace
“Maintenant que le stock est écoulé, il n’y a pas lieu de repasser à du jetable”, estime le CEO de Neurogreen. Les organisateurs du festival déclarent vouloir se conformer à la législation pour l’édition 2025, ce qui inclura l’instauration d’un système de caution pour les gobelets réutilisables. La start-up Neurogreen pourrait, dans ce cadre, faire valoir sa technologie pour rendre le retour des gobelets et le remboursement de la consigne plus fluide et efficace, déchargeant ainsi le personnel des bars de cette tâche supplémentaire.
La mise en place d’une consigne comporte en effet des coûts supplémentaires et nécessite une importante réflexion logistique pour un festival d’une telle ampleur. “Dès que vous mettez en place ce type de consigne, vous devez rajouter en moyenne une personne par bar ou par point de collecte. Cette personne supplémentaire doit être rémunérée spécialement pour ce travail, et sans impact si possible sur le prix de vente des boissons.” Il ajoute: “Notre smart bin peut procéder à une ‘déconsignation’ et un remboursement automatiques, ce qui facilite le retour des gobelets et minimise les files d’attente aux points de collecte”, vante Carlos Kiala.
Un outil prometteur pour l’édition 2025
Le concept développé se révèle être une solution prometteuse. Il permettrait non seulement de simplifier le retour des gobelets, mais aussi d’automatiser le processus de remboursement, réduisant ainsi les erreurs humaines et les fraudes, souligne Carlos Kiala. Il donne un exemple: “Il peut y avoir plus de consignes retournées que de gobelets réellement comptabilisés. Il faut donc vérifier soigneusement pour s’assurer que, si 500 euros de consignes ont été remboursés, 500 gobelets ont bien été retournés. Imaginons qu’un évènement ait vendu des consignes pour 600 gobelets, mais qu’il n’y ait que 500 gobelets en stock. Cela signifierait une fraude de 100 euros”.
Haut standard de qualité
“D’un point de vue logistique, c’est crucial, car la gestion manuelle des consignes est complexe et peut entraîner des inefficacités”, souligne le CEO de Neurogreen. Les défis incluent le coût d’installation et de gestion de ces systèmes, ainsi que leur intégration dans divers contextes logistiques. Par exemple, dans des événements plus petits ou des stades, les besoins et les volumes peuvent varier, nécessitant une adaptation de la solution. “Nous travaillons sur des pilotes pour affiner ces systèmes et nous assurer qu’ils sont adaptés à différents types de rassemblements”, explique le Montois. Neurogreen collabore actuellement avec le Standard de Liège dans ce but. La société pourrait proposer son système à Tomorrowland l’année prochaine pour faciliter l’introduction de gobelets réutilisables, comme le veut la législation en vigueur. Avec un haut standard de qualité et d’expérience pour l’utilisateur, la marque de fabrique du giga-festival électro.
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