Face aux sécheresses récurrentes, les fermiers canadiens cherchent des solutions
Planter plus tôt, conserver la neige, utiliser des graines plus résistantes à la chaleur… Les agriculteurs canadiens tâtonnent, à la recherche de solutions face aux sécheresses récurrentes, tout en restant conscients de leur marge de manoeuvre limitée.
Accroupi au milieu de l’un de ses immenses champs au coeur de l’Alberta, dans l’Ouest canadien, Ian Chitwood observe les petites pousses de canola (colza OGM canadien), qui viennent de sortir de terre en ce mois de mai, entre les longs sillons de terre noire.
Pour l’homme au large sourire et aux grandes lunettes noires, le combat contre la chaleur se joue en amont, “lors de la mise en sol des graines”.
En les plantant plus tôt dans la saison, il cherche à “déplacer la fenêtre de floraison“, durant laquelle la plante est la plus vulnérable, et ainsi la “protéger des chaudes journées de juin”.
Mais au final, les plants ont besoin d’un “climat tempéré et d’humidité”, souligne celui dont les terres peinent encore aujourd’hui à se remettre des séquelles laissées par l’été 2021.
“C’était la sécheresse du siècle”, raconte Curtis Rempel, du Conseil canadien du canola. Cette année-là, tout l’ouest du pays a connu un été historique avec un dôme de chaleur qui a fait monter la température jusqu’à 49,6°C, établissant un nouveau record national.
“Les rendements de canola des producteurs canadiens ont été réduits de moitié”, explique le chercheur. Ce qui a eu un impact considérable sur le marché international puisque le pays exporte 90% de ses récoltes, utilisées aussi bien pour l’huile alimentaire que pour du biodiesel ou à des fins industrielles.
Peu d’irrigation
Avec plus de 90% des champs de canola cultivés sans irrigation, le centre du Canada, appelé Prairies et coeur agricole du pays, est particulièrement sensible aux épisodes de sécheresses qui se sont intensifiés ces dernières années.
“Notre système de production repose sur l’eau qui s’accumule tout au long de l’année” et notamment la neige en hiver, explique Phillip Harder, spécialiste en hydrologie agricole.
Mais avec le vent qui souffle continuellement sur cette région aux champs à perte de vue et où seuls les silos à grains se détachent de l’horizon, les agriculteurs peinent à retenir la neige, emportée par les rafales.
Pour y pallier, certains ont choisi de conserver de la végétation autour de leurs plants, une technique datant des années 1930.
“En hiver, la neige s’accroche aux branches et s’imprègne lentement dans la terre, de sorte que les meilleures récoltes se trouvent proches de ces rangées”, explique Stuart Dougan, dont les arbres apparaissent comme un défaut dans la géométrie rectiligne des champs avoisinant.
“Ils empêchent le vent de souffler sur les cultures afin qu’elles ne perdent pas leur humidité”, ajoute le fermier de 69 ans aux traits burinés qui aime se décrire comme un “dinosaure”.
Les arbres “peuvent aider” reconnaît Phillip Harder, mais aujourd’hui “cela pose des problèmes de logistique: le matériel agricole est beaucoup plus volumineux que dans les années 1930”, précise-t-il.
Une solution consisterait à couper les plants plus haut lors de la récolte pour laisser les longues tiges, aussi appelées chaume, durant l’hiver afin “d’accroître la rétention de neige”, explique l’hydrologue.
Se tourner vers la science
“Nous avons toujours cherché à maintenir un maximum de chaume et de végétation pour capter la neige et réduire le taux d’évaporation”, déclare Rob Stone, fermier du centre de la Saskatchewan.
Au milieu de ses terres où n’apparaissent que les sillons laissés par les machines, quatre petits drapeaux rouges délimitent une zone d’expérimentation. On y teste de nouvelles graines génétiquement modifiées,qu’il juge porteuses d’espoir pour l’avenir du canola.
“Si nous trouvons des variétés plus tolérantes, nous les croiserons pour créer une nouvelle population” plus résistante à la chaleur, explique Gregory Gingera, chercheur en génétique végétale.
Il existe aussi des recherches pour développer “des bactéries ou des champignons que l’on ajouterait au sol ou que l’on pulvériserait sur la plante pour lui conférer une certaine résistance à la chaleur”, ajoute Curtis Rempel.
Mais il reste “encore sept à huit ans avant qu’un produit soit commercialisé et disponible à grande échelle”.