Soucieuse de réduire son empreinte carbone, la Flandre expérimente, grandeur nature, l’introduction du béton sans ciment dans son secteur agricole.
Utiliser les dépenses publiques flamandes – 30 à 40 milliards d’euros par an – comme levier pour l’innovation : telle est la philosophie du Programma Innovatieve Overheidsopdrachten (en français : programme d’achats publics innovants). Initié en 2016, ce programme chapeaute aujourd’hui quelque 130 projets dans les domaines les plus divers, parmi lesquels la fabrication de béton sans ciment.
Matériau-roi de tout chantier de construction, le béton cumule néanmoins deux défauts : une empreinte carbone élevée et une demande en énergie qui l’est tout autant. Mélange de gravier et de sable, le béton a en effet besoin d’un liant. C’est le ciment, dont la production au départ de calcaire et d’argile nécessite des températures comprises entre 1.450 et 2.000 degrés.
Le béton cumule deux défauts : une empreinte carboneélevée et une demande en énergie qui l’est tout autant.
Dans notre pays, les 14 millions de mètres cubes de béton annuellement coulés produisent ainsi 4 à 5% des gaz à effet de serre et dans ce total, le ciment intervient pour environ 85%. D’où l’idée de “verduriser” ce dernier. Diverses expérimentations sont actuellement en cours chez les fournisseurs. La Flandre, toutefois, veut aller plus loin et vient d’entamer à Merelbeke, dans la ferme-pilote de l’Institut flamand pour la recherche en agriculture, pêche et alimentation (ILVO), la construction de 12 silos à fosse.
Des silos comme tests
Particulièrement nombreux en Flandre, où subsistent 22.500 exploitations agricoles, les silos à fosse ou à tranchée sont des constructions rectangulaires qui ne comportent que trois murs. On y stocke, généralement bâché, du maïs ou du fourrage. Quatre silos seront construits en béton classique, quatre en béton de démolition recyclé et quatre en béton sans ciment dont la production permet d’abaisser jusqu’à 70% les émissions de CO2 par rapport aux ciments classiques.
Ces derniers seront remplacés par des ciments géopolymères, c’est-à-dire des polymères inorganiques obtenus par activation alcaline d’aluminosilicates, dans le cas présent, des scories de haut fourneau. Les cendres volantes, présentes dans les fumées lors de la combustion de charbon dans les centrales thermiques, peuvent également être utilisées. Cinq mille mètres cubes de béton seront ainsi coulés au total et dans chaque silo. Des capteurs permettront de suivre en temps réel les performances des matériaux utilisés. Et ces derniers seront appelés à souffrir. La fermentation du maïs et de l’herbe libèrent en effet de l’acide qui, attaquant chimiquement le béton, en altère progressivement la solidité.
L’expérimentation prendra donc du temps, mais pourrait, si les résultats en sont positifs, entraîner un changement majeur. Si les bétons sans ciment donnent des résultats satisfaisants dans un milieu si hostile, ne peuvent-ils pas dès lors convenir partout ? Et cela, d’autant plus facilement que leur surcoût actuel – 30% – ne tient qu’aux faibles quantités produites ? S’y ajoute qu’à Merelbeke, commune fusionnée depuis le 1er janvier dernier avec Melle, sa voisine, les capteurs devraient confirmer que les bétons sans ciment ont une durée de vie trois fois plus longue que les ciments classiques.
Guillaume Capron
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