A quoi servent les cryptos ? A blanchir l’argent des trafiquants d’armes russes

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Certains se demandent à quoi peuvent donc servir les cryptoactifs sinon d’être une sorte de lingot numérique, un avoir de réserve un peu plus tendance que l’or. Mais on oublie aussi que c’est un instrument facile de blanchiment.

Ainsi, The Guardian et l’ICIJ (le consortium international des journalistes d’investigation) révèlent qu’une société britannique qui a aujourd’hui son siège social en Suisse, Copper Technologies, a transféré des actifs numériques d’une valeur de plus de 4,2 millions de dollars vers un portefeuille de cryptoactifs appartenant à un membre d’un réseau russe présumé de vente d’armes.

Jonatan Zimenkov

 L’année dernière, le Guardian avait déjà rapporté que Copper Technologies était impliqué dans une vente d’actions d’une valeur de plus de 19 millions de dollars qui a bénéficié à un banquier russe sanctionné par les États-Unis.

Aujourd’hui, une analyse de ces transactions met en évidence un lien entre Copper et Jonatan Zimenkov, un ressortissant russe de 29 ans, né en Israël, qui a été sanctionné par les États-Unis en février de l’an dernier pour avoir aidé l’armée russe à envahir l’Ukraine, dans le cadre du “réseau Zimenkov”, un réseau de vente d’armes et d’évasion des sanctions dirigé par son père, Igor Zimenkov.

Jonatan Zimenkov n’a pas été sanctionné au moment du transfert, mais le bureau de contrôle des avoirs étrangers du département du Trésor américain l’a ensuite placé sur liste noire et estimé que son réseau était actif “depuis plusieurs années” au moment où il a imposé des restrictions à 22 personnes et entités dans plusieurs pays.  Le Trésor américain affirme que le réseau Zimenkov a été impliqué dans de nombreuses transactions portant sur la cybersécurité russe et la vente d’hélicoptères à l’étranger, ainsi que dans des tentatives de fourniture d’armes à un pays africain dont le nom n’a pas été dévoilé.

Copper Technologie

Copper, selon l’enquête de l’ICIJ et du Guardian, a transféré des millions de dollars en cryptos en mai 2021 vers un portefeuille qui a depuis été identifié comme appartenant à Zimenkov. Ce dernier a été sanctionné 19 mois plus tard.

La nouvelle est bien embêtante notamment pour Philip Hammond, l’ancien chancelier de l’Échiquier (le ministre des Finances) du Royaume-Uni, qui a été embauché par Copper comme conseiller en octobre 2021, était basé à Londres à l’époque, mais a depuis déménagé en Suisse. Hammond est aujourd’hui président de la société.

“Copper prend très au sérieux ses obligations légales, réglementaires et de conformité, et a agi en pleine conformité avec toutes les normes réglementaires applicables, y compris toutes les interdictions de sanctions applicables, au Royaume-Uni”, a déclaré un porte-parole de l’entreprise.

Un trou législatif

Et c’est vrai, rien ne semble aujourd’hui indiquer que Copper ait enfreint des sanctions ou d’autres réglementations en vigueur au moment de la transaction parce que le portefeuille crypto n’appartenait pas alors officiellement au trafiquant d’armes russe. A priori, donc, Zimenkov n’était pas client de Copper, et la société britannique n’avait pas l’obligation de vérifier son identité.

« Cependant, cette révélation met en lumière le monde opaque des crypto-monnaies et l’anonymat qu’elles peuvent offrir, et soulève des questions sur la manière dont les actifs numériques et les transactions d’actifs numériques devraient être réglementés dans le cadre plus large du système financier », conclut l’ICIJ.

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