Céline Tellier – Conner Rousseau: quand les cartes politiques sont brouillées
La ministre écologiste wallonne et le président socialiste flamand sont dans une tourmente médiatique préélectorale qui brouille les cartes politiques. Deux actualités dont le cynisme n’est pas absent.
Démissionnera, démissionnera pas? Deux personnalités politiques sont dans la tourmente en cette fin d’année, alors que les élections de juin 2024 approchent à grands pas.
Tant la ministre wallonne de l’Environnement, Céline Tellier (Ecolo), que le président de Vooruit, Conner Rousseau, vivent des heures difficiles et, si les appels à la démission ne sont pas ouvertement exprimés parmi leurs partisans, leur position est fragilisée.
Les cas sont évidemment très éloignés, mais tous deux posent questions au sujet de la responsabilité politique. Et brouillent les cartes politiques, non sans cynisme parfois.
Laver plus vert que vert
Céline Tellier a-t-elle été informée directement des risques posés à la santé par la présence d’une concentration de Pfas dans l’eau dans une douzaine de communes wallonnes? La population a-t-elle été informée à temps? La ministre wallonne s’est défendue en commission parlementaire, mardi, mais n’a pas complètement convaincu. Des auditions de l’administration et de la Société wallonne des eaux (SWDE) sont organisées ce vendredi pour tenter d’éclaircir les zones d’ombre. Au sein même de la majorité PS-MR-Ecolo, on se pose des questions.
Politiquement, voilà les écologistes pris à leur propre piège: le “principe de précaution” sur le plan environnemental et de la santé est dans leur ADN. A-t-il été suffisamment mis en avant dans cet épisode? Une négligence coupable a-t-elle provoqué des risques pour des millions de Wallons? Pas question de démissionner pour autant: seul l’expert “eaux” du cabinet Tellier a payé le prix jusqu’ici. Les responsables verts multiplient les interventions pour rappeler que la lutte contre les nouveaux polluants a toujours été leur priorité et que ce sont les “conservateurs” – entendez les libéraux en tête – qui se sont opposés à des normes plus sévères. Voilà le fond du problème, plaident-ils.
Les mêmes libéraux veulent, en retour, démontrer la négligence écologiste. Ironie du sort, alors que de nouvelles normes élevées ont été constatées à Braine-le-Comte, le bourgmestre… libéral de la commune a passé la soirée de jeudi à distribuer des bouteilles d’eau en bouteille à la population. Comme s’il s’agissait de démontrer, non sans cynisme, que l’on peut laver plus vert que vert: avec les libéraux, le fameux “principe de précaution” est assuré.
Parler plus brun que brun
En Flandre, la sortie abondamment arrosée de Conner Rousseau, président de Vooruit et étoile montante du paysage politique flamand, fait couler beaucoup d’encre depuis le début de l’année. Tant parce que les expressions ouvertement racistes du jeune socialiste flirtent avec les limites, que parce que sa décision (confirmée en justice) de censurer la presse fait songer à d’autres régimes.
Le verbatim des propos alcoolisés de Conner Rousseau, publiés dans la presse flamande jeudi, ont de quoi provoquer la nausée. “Mon immeuble est raciste et je les comprends. Il faut être honnête : ce sont toujours ces hommes bruns (sic) », a-t-il notamment dit aux policiers, selon Het Nieuwsblad. « D’après moi, vous devriez vous en occuper plus durement. Vous devez utiliser votre matraque beaucoup plus. Je ne peux pas mettre toute cette racaille brune dehors (sic). » Le PS les a qualifié de “dégueulasses”. Mais s’il conserve le soutien en interne, pas question pour Conner Rousseau de démissionner.
Comble du cynisme: Tom Van Grieken, président d’un Vlaams Belang qui caracole dans les sondages au nord du pays, s’est exprimé dans Villa Politica pour dénoncer les propos de Conner Rousseau. Une façon pour l’extrême droite flamande de se la jouer “respectable”, façon Marine Le Pen.
En parlant plus brun que brun, Conner Rousseau pourrait toutefois… en tirer profit dans les votes, son parler désinhibé pouvant des classes populaires tentées par un vote de protestation. En lavant plus vert que vert, les libéraux francophones pourraient abimer davantage encore des écologistes mal en point dans les sondages.
Les cartes sont brouillées au départ d’erreurs coupables et pourraient fair basculer des voix. Qui sera vraiment dupe?
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