Voilà pourquoi l’idée d’une fusion entre BNP Paribas et ABN AMRO tient la route
La banque française BNP Paribas voudrait bien acquérir sa collègue ABN AMRO, mais les Néerlandais n’ont pas (encore) dit oui. Il n’empêche que les raisons de cette éventuelle fusion tiennent la route et que le projet est fiable.
Cela peut paraître surprenant que, quatorze ans après la crise financière de 2008, des projets de fusion entre deux grandes banques européennes refassent surface. Mais dans le cas de BNP Paribas et ABN AMRO, il y a une logique aussi bien entrepreneuriale que commerciale.
Les “pour”
BNP Paribas possède l’argent pour une acquisition majeure
Ces dernières années, les banques européennes ont réduit leur présence internationale. ABN AMRO a par exemple mis fin à ses activités bancaires commerciales en dehors de l’Europe et a fermé plusieurs bureaux. BNP Paribas a quant à elle vend Bank of the West, qui exerce des activités bancaires dans l’ouest des États-Unis, et a empoché 16 milliards de dollars en espèces. Cet argent est plus que suffisant pour, au cas où, racheter ABN AMRO. Selon le cours actuel de son action, la banque néerlandaise vaut environ 10 milliards d’euros. Une reprise semble donc réalisable : le bilan total de BNP Paribas est six fois plus important que celui d’ABN AMRO, soit 2.500 milliards contre 400 milliards d’euros.
Il existe une complémentarité géographique
BNP Paribas veut se concentrer davantage sur les marchés européens et les entreprises du Vieux Continent. ABN AMRO s’inscrit donc parfaitement dans cette logique. Aux Pays-Bas, ABN AMRO reste une banque qui propose une offre complète de services tant pour les particuliers que pour les entreprises. Tandis que dans le reste de l’Europe du Nord-Ouest, elle se concentre principalement sur les entreprises et les clients fortunés. En ce qui concerne le secteur private banking, ABN AMRO est particulièrement bien implantée aux Pays-Bas, en Allemagne, en France et en Belgique.
Pour BNP Paribas, une fusion signifierait une expansion significative en Europe du Nord, une région où la banque est moins présente que sur ses “marchés domestiques” que sont la France, l’Italie et la Belgique. La combinaison “BNP Paribas Fortis et ABN AMRO” permettrait au groupe français d’avoir une activité de banque de détail de premier plan au Benelux. Dans le domaine de la banque d’entreprise, BNP Paribas renforcerait son portefeuille clients d’entreprises en Europe du Nord. Enfin, dans le domaine de la banque privée et de la gestion de patrimoine, elle gagnerait des positions importantes sur le marché des Pays-Bas et de l’Allemagne.
Le prix est bas
ABN AMRO a perdu près de 60% de sa valeur boursière depuis le début de 2018. Cette perte s’explique par la faible rentabilité de la banque. Le PDG Robert Swaak, qui a pris ses fonctions en 2020, s’est attaqué à ce problème en cédant les activités bancaires hors Europe. Cette stratégie semble porter ses fruits. En 2021, la banque a réalisé un bénéfice de 1,2 milliard d’euros, contre une perte un an plus tôt. Toutefois, cette stratégie n’a pour l’instant pas encore suscité un regain d’optimisme auprès des investisseurs, puisque le cours de l’action oscille légèrement au-dessus de 10 euros.
Les perspectives sont bonnes
La BCE procédera à une série de hausses de ses taux d’intérêt au cours des prochains mois. Des taux d’intérêt plus élevés se traduisent généralement par une meilleure marge d’intérêt pour les banques, ce qui laisse entrevoir une plus grande rentabilité à terme. Cela pourrait contribuer à une consolidation du secteur bancaire européen, une évolution privilégiée par les régulateurs et les superviseurs.
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Les “contre”
Cependant, malgré la logique commerciale, une reprise n’est pas certaine. Les projets de fusion se heurtent à quelques obstacles.
Il est difficile de réaliser des économies
Comme il s’agit d’une fusion transfrontalière, il n’est pas facile de réaliser des synergies. Par exemple, les possibilités de réaliser des économies, en fusionnant les réseaux de bureaux et d’agences, sont limitées. En outre, ABN AMRO possède à peine 60 succursales aux Pays-Bas.
De plus, l’union bancaire n’est toujours pas achevée en Europe, par conséquence, bien souvent, une entité bien distincte continue d’exister dans chacun des pays, une banque avec son propre bilan et sa propre supervision nationale. Les deux banques auraient donc ainsi chacune leurs propres services et frais généraux.
Les Pays-Bas perdraient encore un autre siège social
Un rachat d’ABN AMRO par BNP Paribas impliquerait inévitablement le transfert du siège social vers Paris. Cela serait un coup dur pour les Néerlandais. En 2020 déjà, Unilever a décidé de déplacer son siège social à Londres, suivi par Shell l’année dernière. Pour de nombreux Néerlandais, ABN AMRO est le symbole de la florissante nation commerçante que les Pays-Bas étaient et voudraient rester. Voir ce joyau de leur couronne partir à l’étranger peut également donner lieu à des discussions houleuses.
Les différences de culture d’entreprise suscitent également des inquiétudes. Les Néerlandais ont particulièrement mal vécu la fusion entre KLM et Air France. La direction et les actionnaires sont en désaccord sur bon nombre de questions depuis de nombreuses années. Les observateurs ne voient pas les fiers banquiers d’ABN AMRO se plier dans un rôle de subordonnés à Paris. Ils mettent en garde contre un “risque d’exécution” si une fusion devait se concrétiser.
Le prix est trop bas
Le sauvetage d’ABN AMRO en 2008 a coûté 21 milliards d’euros à l’État néerlandais. En 2015, le gouvernement a décidé de reprivatiser partiellement la banque par le biais d’une introduction en bourse. Elle détient toujours 56 % des actions. Pour récupérer le montant total du sauvetage, le gouvernement néerlandais devrait obtenir 26 euros par action, a calculé Het Financieele Dagblad. Avec un cours actuel de 10 à 11 euros, il y a peu de chances que BNP Paribas soit prêt à payer ce prix de reprise nettement plus élevé. Toute la question est de savoir si les Pays-Bas choisiront de clore le dossier ABN AMRO avec une perte ?
Les perspectives ne sont pas bonnes
L’inflation galopante et la hausse des taux d’intérêt pourraient mettre l’économie sous pression. En même temps, il existe un risque que de plus en plus d’entreprises et de ménages ne soient plus en mesure de rembourser leurs prêts. La combinaison de la baisse de la demande de crédit et de l’augmentation des pertes de ce crédit pourrait entraîner un effondrement de la rentabilité des banques.
David contre Goliath
BNP Paribas possède plusieurs banques, marques et participations dans notre pays. Avec BNP Paribas Fortis, le groupe français possède la plus grande banque du pays. Indirectement, elle contrôle également 25% d’Ageas, le plus grand assureur de Belgique. Les autres marques de BNP Paribas chez nous sont bpost bank (services bancaires dans les bureaux de poste), Hello bank ! (services bancaires mobiles pour les jeunes), Fintro (services bancaires chez les courtiers d’assurance) et Nickel (services bancaires dans les magasins de journaux). Le groupe compte plus de 12 500 employés en Belgique.
ABN AMRO a liquidé la banque d’épargne Internet Moneyou il y a quelques années et n’est plus active que dans le segment des clients fortunés et des entreprises en Belgique. Son activité de banque d’entreprise a été reconstruite, en mettant l’accent sur les grandes et moyennes entreprises. Mais ABN AMRO a particulièrement bien progressé dans le domaine de la banque privée. Grâce à l’acquisition de Société Générale Private Banking Belgium en 2018, les actifs sous gestion ont doublé pour atteindre 13 milliards d’euros. ABN AMRO emploie 350 personnes en Belgique.
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