Vers un mariage entre Ethias et Belfius?

Ethias est une entreprise avec une forte position sur son marché et des résultats financiers solides. © BELGA/BELPRESS
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

L’idée d’un rapprochement entre le groupe d’assurance et la banque d’Etat est à nouveau dans l’air. Mais peut-on vraiment y croire cette fois-ci ? Eléments de réponse.

Vendre Ethias. C’est presque devenu un marronnier. Régulièrement, des rumeurs, plus ou moins fondées, de revente des participations publiques dans les institutions financières sauvées lors de la crise financière de 2008 (à l’époque, Fortis Dexia et Ethias) font les gros titres de la presse. Alors, nouveau galop d’essai ? A priori, non. Pas cette fois-ci. La reprise de l’assureur par Belfius figure en toutes lettres dans la déclaration de politique régionale wallonne où l’on peut lire qu’il “sera notamment proposé d’étudier l’opportunité d’une fusion entre Ethias et Belfius”.

En difficulté budgétaire, la Région wallonne envisage en effet de vendre certaines des participations qu’elle détient dans plusieurs entreprises (FN, Sonaca, Ethias, etc.). Objectif : réduire la dette wallonne et réinvestir dans les objectifs stratégiques du nouveau gouvernement MR-Les Engagés.

Ce sera sans tabou, nous disait à ce propos Pierre-Yves Jeholet (MR), ministre wallon de l’Economie, dans un entretien paru voici quelques jours dans Trends- Tendances. Cela ne veut évidemment pas dire que je souhaite vendre nos bijoux de famille. Ce sont des fleurons pour la Wallonie, qui sont dans le top européen. Mais il faut une stratégie claire, un maintien ou un développement de l’emploi.”

Pierre-Yves Jeholet ajoutait d’ailleurs que tout était ouvert : “Oui, Belfius ou pourquoi pas quelqu’un d’autre ? L’important, c’est de voir quel est le projet. Et dans le calcul, il ne faut pas oublier non plus que chaque entreprise génère des dividendes.”

Plusieurs candidats

Quoi qu’il en soit, ces intentions politiques liées à une éventuelle cession d’Ethias ne sont pas passées inaperçues dans le landerneau financier. Dans les colonnes du Soir, Hilde Vernaillen, patronne de l’assureur coopératif P&V s’est assez rapidement positionnée. “Ethias nous intéresse depuis toujours. Mais pas à n’importe quel prix, pas à n’importe quelles conditions. L’intention du gouvernement wallon est une intention forte. J’ai bien entendu ce qu’ont dit certains dirigeants politiques. Ethias est une entreprise qui a fait le choix comme P&V du belgo-belge. C’est un assureur direct mais avec de vraies personnes derrière les téléphones, une quarantaine de guichets aussi. Qui couvre une multitude de Belges, ça aussi, c’est important pour nous.”

Grand patron du bancassureur flamand KBC (CBC en Wallonie), Johan Thijs s’est lui aussi rapidement montré intéressé, voyant dans Ethias une occasion de renforcer son groupe au sud du pays. “Si Ethias est sur la table, nous, chez KBC, sommes certainement intéressés, cela pourrait être un beau dossier. Cela renforcerait notre position géographique sur le marché”, déclarait-il dernièrement dans le quotidien flamand De Standaard.

Quant à Marc Raisière, CEO de Belfius, il a une fois de plus réaffirmé son intérêt de voir Ethias se rapprocher de la banque d’Etat, déclarant fin du mois d’août à nos confrères de L’Echo que “Belfius serait très content d’un rapprochement avec Ethias” vu les complémentarités qui existent entre les deux institutions.

Ethias, il est vrai, est une entreprise avec une forte position sur son marché et des résultats financiers solides. L’an dernier, le groupe a vu ses encaissements de primes augmenter de plus de 15 %, ce qui lui a permis de dégager un bénéfice net de 200 millions d’euros, en hausse de 9 millions par rapport à 2022. De quoi réjouir les actionnaires du groupe, à savoir l’Etat fédéral (via la SFPI), la Région wallonne (via Wallonie Entreprendre), la Région flamande et EthiasCo, à qui Ethias a versé un dividende de 110 millions d’euros. Les trois premiers détenant chacun 31,66%. Au total, le dividende versé par Ethias à ses actionnaires depuis 2017 s’élève même à près de 700 millions d’euros. En termes de dividendes, “Ethias est la plus grosse participation en portefeuille tant de Wallonie Entreprendre que de la Flandre, et la deuxième de la SFPI”, soulignait en avril dernier Philippe Lallemand dans notre magazine.

Au-delà de ces chiffres qui valorisent l’assureur à environ deux milliards d’euros, Ethias a également su faire preuve d’une capacité à innover et à s’adapter aux changements. Via sa filiale informatique NRB, le groupe d’assurance a investi dans des solutions numériques pour améliorer l’expérience client, simplifier les processus de souscription et de gestion des sinistres, et répondre aux attentes d’une clientèle de plus en plus connectée (Flora by Ethias, par exemple). Plus largement encore, il a su aussi se montrer résilient face aux crises économiques et sanitaires. De même que face aux événements climatiques, à commencer par les inondations de 2021 qui ont ravagé la Wallonie.

Mise en Bourse

En fait, Ethias a bien redressé la tête depuis la chute de Dexia dont il était actionnaire. C’est un vrai succès sur le plan économique et commercial. L’entreprise marche bien et n’a pas besoin de Belfius pour assurer son avenir. Aux commandes d’Ethias depuis 2017, Philippe Lallemand a d’ailleurs toujours rejeté l’idée d’un rapprochement avec le groupe dirigé par Marc Raisière. Un tel rapprochement avec la banque d’Etat se traduirait selon lui par de la casse sociale et la perte d’un levier financier important pour la Wallonie. De plus, il se murmure que le courant ne passerait pas bien entre les deux hommes.

Il n’appartient toutefois pas au management en place mais aux actionnaires de décider de l’avenir de l’entreprise. Certes, la Wallonie veut voir Ethias quitter le giron public. Mais elle ne possède pas l’entièreté du capital de l’assureur liégeois. Un pacte d’actionnaires existe aussi pour maintenir le stand alone jusqu’en 2026. Mais le PS qui s’est toujours opposé à une vente d’Ethias est hors jeu à tous les niveaux de pouvoirs concernés. La Région wallonne pourrait donc s’entendre avec la Flandre qui dit-on ne verrait d’un mauvais œil une telle vente. Et donc dénouer le pacte qui tombe sous l’actuelle législature des prochains gouvernements fédéral et régionaux, lesquels pourraient être quasiment des majorités miroirs si les négociations aboutissent.

Alors, vendre à Belfius, histoire de garder un ancrage belge ? Peut-être mais cela reviendrait à voir l’Etat vendre de la main droite une participation qui serait rachetée, de la main gauche, par Belfius, banque dont il est propriétaire à 100 %. Et ce, tout en se privant au passage des généreux dividendes d’Ethias. Problème. Sauf que la volonté de certains partis, et en particulier de la N-VA, est aussi de voir Belfius faire son entrée en Bourse. Les caisses de l’Etat sont vides. Et il est par ailleurs à leurs yeux difficile pour lui d’être un régulateur business friendly mais non complaisant du secteur financier tout en étant simultanément l’actionnaire de l’un de ses principaux acteurs. Un rapprochement d’Ethias avec Belfius serait-il dès lors de nature à faciliter ou accélérer une telle introduction en Bourse, et donc de contenter tout le monde ? L’avenir le dira.

Il n’appartient pas au management en place mais aux actionnaires de décider de l’avenir de l’entreprise.

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