Daan Killemaes

“Trump risque d’empoisonner l’économie et les marchés boursiers”

Daan Killemaes Economiste en chef de Trends Magazine (NL)

Dans le contexte d’une poussée d’inflation, les récentes turbulences sur les marchés boursiers s’apparentent à une répétition avant la Grande Correction, estime Daan Killemaes, rédacteur en chef du Trends néerlandophone.

Tout est venu d’une hausse des salaires plus importante qu’escomptée, suivie d’une résurgence d’inflation aux États-Unis. Il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions, mais l’économie américaine subit une légère pression inflationniste pour la première fois depuis longtemps.

Les investisseurs vont donc devoir composer avec un nouvel environnement de reflation modérée. Après avoir d’abord pris peur et fait plonger les bourses de 10 %, ils se sont repris ces derniers jours. L’inflation est aux investisseurs ce que le sel est aux pommes de terre. Si on en met trop peu, on ne goûte rien. Et avec trop, on tue le goût. Bref, il faut un juste dosage.

Les investisseurs commencent dès lors à se faire du souci quant à l’évolution du cycle et la réaction qu’adoptera la Fed.

Budget

Aux États-Unis, le chômage a atteint son niveau le plus bas en près de vingt ans, de sorte que de nouvelles hausses des salaires ne sont plus à exclure.

Les investisseurs ont également des doutes sur les plans budgétaires du président Donald Trump. Une politique budgétaire expansionniste à cette phase du cycle aura pour effet de provoquer plutôt une poussée d’inflation qu’une accélération de la croissance.

Autrement dit, le risque de surchauffe de l’économie américaine s’accroît, ce qui obligerait la Fed à éteindre l’incendie au moyen d’une politique monétaire plus restrictive que ce que souhaitent les investisseurs.

Donald Trump risque d’empoisonner l’économie et les marchés boursiers

Dans le pire des cas, le cycle se terminera sur une récession et, dans cette hypothèse, les soubresauts qu’ont connus les marchés boursiers ces dernières semaines s’apparenteraient à une répétition générale avant la Grande Correction.

N’oublions pas que les valorisations sont assez élevées, surtout sur les plateformes américaines, et donc susceptibles de subir des revers comme une hausse des taux ou une récession. Ray Dalio, le célèbre gourou des fonds spéculatifs, investit d’ailleurs à tour de bras sur les marchés en baisse.

Or, même si les investisseurs font face à une hausse des taux saine et raisonnable, la récession ne se profile pas encore aux États-Unis.

L’expansion que nous connaissons depuis 8 ans et demi, particulièrement aux États-Unis, s’est déjà prolongée sur une période respectable, mais aucun indice ne laisse présager la chute de l’économie. Mais les récessions ne tombent pas du ciel. Il faut un revers sérieux ou une crise grave pour faire dérailler l’économie.

À cet égard, une forte hausse des cours du pétrole compte parmi les ennemis les plus redoutés de l’expansion. Presque toutes les récessions occidentales d’après-guerre ont été précédées d’un choc pétrolier. Les bulles sur les marchés financiers sont elles aussi souvent le signe précurseur d’une récession. L’éclatement de la bulle Internet en 2000 et, surtout, l’effondrement du marché immobilier américain en 2007 sont encore dans toutes les mémoires.

En l’occurrence, on peut épingler des erreurs humaines, comme la politique téméraire de la banque centrale américaine, qui a accéléré la création de bulles.

“Aucune expansion économique d’après-guerre n’est morte de vieillesse. C’est la Fed qui les a toutes tuées”, a un jour déclaré l’économiste Rudi Dornbusch.

Réserve fédérale

Alan Greenspan, ancien président de la Fed, avait d’abord été loué dans les années nonante pour l’adoption d’une politique monétaire souple, parce qu’il était l’un des rares à avoir compris que les gains de productivité brideraient l’inflation. Il est néanmoins tombé de son piédestal par la suite, quand il est apparu que cette même politique accommodante aurait concouru à l’apparition de la bulle immobilière.

Quant à Janet Yellen, l’histoire nous le dira. La désormais ancienne présidente de la Fed est aujourd’hui portée aux nues pour avoir compris qu’un faible taux de chômage ne créerait pas rapidement de l’inflation, puisque bon nombre d’Américains doivent encore retourner sur le marché de l’emploi.

Elle pourrait néanmoins connaître le même sort qu’Alan Greenspan si les marchés des actions ou des obligations venaient à s’effondrer lorsque son successeur Jay Powell devra relever soudainement les taux directeurs.

Les investisseurs sont d’ailleurs encore dans le brouillard quant à la politique qu’adoptera celui-ci dans ce nouveau contexte de reflation. Jay Powell tiendra-t-il compte des turbulences des marchés financiers au moment d’esquisser sa politique monétaire ? Ou décidera-t-il de s’attaquer mordicus à l’inflation si nécessaire ? L’enjeu est de taille pour les marchés.

Traduction : virginie·dupont·sprl

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