Sylvie Huret (Degroof Petercam) : “Indosuez n’est pas une banque où tout se décide à Paris”

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Sébastien Buron
Sébastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Désormais intégré à Indosuez Wealth Management, filiale du groupe Crédit Agricole, Degroof Petercam nourrit de nouvelles ambitions sur le marché de la gestion de patrimoine. Sylvie Huret, CEO de la maison d’investissement, s’en explique.

Propos recueillis par Sébastien Buron

Nommée CEO de Degroof Petercam fin 2024, Sylvie Huret, qui dirigeait jusque-là la division “asset services” dédiée à l’administration de fonds, a pris les rênes d’une maison secouée par des années de turbulences depuis la fusion avec Petercam en 2015. Quatrième dirigeante en cinq ans, elle est par ailleurs arrivée à la tête de la plus grande banque privée et d’affaires indépendante du pays alors que cette dernière basculait dans le giron d’Indosuez Wealth Management, filiale du géant bancaire français Crédit Agricole.

Un mariage compliqué

L’opération trouve son origine dans le mariage entre Degroof et Petercam signé en 2015. Un mariage censé à l’époque donner plus de poids au nouvel ensemble. Mais les synergies promises n’ont pas tenu toutes leurs promesses. L’intégration a été laborieuse, compliquée par une migration IT complexe, et la banque a connu en 2019 une lourde remédiation de ses procédures de contrôle interne en matière de prévention du blanchiment de capitaux. La reprise a pris du temps, freinant le développement commercial.

Pour autant, Sylvie Huret (ex-Petercam) refuse de parler d’échec. Selon elle, la fusion a aussi eu des effets positifs. “Regardez le développement de Degroof Petercam Asset Management (DPAM) et de notre salle des marchés. Ces activités ont beaucoup grandi, en taille comme en expertise. La banque aurait encore pu rester indépendante, mais en 2023, un acquéreur s’est présenté et les actionnaires ont saisi l’opportunité.”

Identité propre

Cet acquéreur, c’est donc Indosuez. Plusieurs ajustements ont été opérés depuis la finalisation de l’opération à l’été 2023 : les activités de banque privée en France et au Luxembourg ont été transférées à Indosuez, tandis que la succursale belge d’Indosuez a été intégrée à Degroof Petercam. Conséquence de cette réorganisation, les actifs sous gestion sont passés de 79,8 à 66,2 milliards d’euros et le bénéfice net consolidé de 78,3 à 67,5 millions, reflétant le périmètre belge. “J’ai accepté ce poste parce que je crois dans la vision et la stratégie du nouvel actionnaire”, plaide Sylvie Huret. “Indosuez veut devenir un leader européen en wealth management et jouer un rôle actif dans la consolidation du secteur. La Belgique est vue comme un marché clé. Degroof Petercam apporte une expertise complémentaire en gestion d’actifs, corporate finance et durabilité.”

Autre élément d’importance pour Sylvie Huret : la banque peut garder son identité. “Crédit Agricole est une organisation décentralisée qui laisse une large autonomie aux entités locales. Ce n’est pas une banque où tout se décide à Paris.” Elle insiste aussi sur la complémentarité avec Indosuez, à la différence de la fusion de 2015 qui doublonnait de nombreux métiers. “La culture d’entreprise a été alignée avec soin. La coopération avec d’autres entités du groupe est encouragée, mais pas imposée.”

Viser les grands clients

Pour les clients, la reprise par Indosuez se traduit surtout par un élargissement de l’offre, notamment en wealth management, destiné aux fortunes de plusieurs millions. “Nous pouvons accorder des crédits plus importants, par exemple pour financer de l’immobilier commercial. L’accès au private equity est élargi grâce à l’expertise mondiale d’Indosuez. Et nous allons poursuivre le développement des services aux family offices.”

La stratégie est claire : viser les grands clients aux besoins complexes : familles, entrepreneurs, PME familiales. “Degroof Petercam leur offre un écosystème complet, allant de la banque privée, à la gestion de fonds, en passant par la banque d’affaires et la salle de marché. Ces quatre métiers doivent fonctionner en synergie pour répondre à tous leurs besoins.”

Pour les clients plus modestes, la banque maintient une offre adaptée à leurs besoins, avec notamment le lancement d’une plateforme digitale de transactions. “Le service restera identique, mais nous allons le rendre plus efficace, pour eux comme pour nous”, indique-t-elle.

Croissance organique

Pour ce qui est de l’avenir, Sylvie Huret reconnaît que la croissance passera aussi par la Flandre, où Degroof Petercam dispose déjà de huit agences. L’actionnariat de la famille anversoise Cigrang (près de 20 %) constitue à cet égard un signal fort. Indosuez détient aujourd’hui 76,6 % du capital et la banque conserve 3,4 % en autodétention. “Nous allons investir davantage au nord du pays, avec des équipes renforcées et des banquiers ayant une affinité avec les PME familiales”, confirme-t-elle. La croissance ne se limitera pas aux encours sous gestion : Degroof Petercam veut aussi développer les crédits immobiliers, le private equity, le corporate finance ou encore le conseil en M&A.

Quant à la croissance externe, Sylvie Huret ne l’exclut pas : “Si une cible intéressante se présente en Belgique, nous l’examinerons. Avec le soutien financier d’Indosuez, nous avons la chance de pouvoir saisir les opportunités.”

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