Sergio Ermotti, le nouveau patron d’UBS qui rêvait d’être footballeur

Rappelé aux commandes d’UBS pour mener à bien la méga-fusion avec Credit Suisse, Sergio Ermotti, 62 ans, est un banquier au parcours hors normes, passé d’apprenti à deux fois patron de ce qui va devenir un colosse bancaire.
Surnommé le “George Clooney de la Paradeplatz”, le quartier des banques à Zurich, ce patron toujours élégant et impeccablement coiffé, s’est forgé une solide réputation pour avoir redressé UBS après la crise financière de 2008. Il va reprendre une seconde fois la direction d’UBS à l’issue de l’assemblée générale annuelle le mercredi 5 avril.
Enfant il “rêvait d’une carrière dans le football”, mais s’est imposé “comme un des banquiers les plus talentueux de sa génération”, a commenté le quotidien zurichois NZZ à l’annonce de son retour. A 15 ans, il avait quitté l’école, non pas pour chausser des crampons, mais pour entrer comme apprenti à la banque Cornèr à Lugano, sa ville d’origine, près de la frontière avec l’Italie.
Tout en haut
Dès lors, il a connu un parcours fulgurant, qui fait la fierté du système d’apprentissage suisse où un doctorat n’est pas le seul sésame d’une grande carrière.
Après un passage chez Citigroup, il gravit les échelons de la banque américaine Merrill Lynch entre 1987 et 2004, complétant sa formation au fil de sa carrière par un programme de management à l’université britannique d’Oxford. En 2005, il rejoint pendant cinq ans la banque italienne UniCredit, où il dirige notamment la division de marchés et de banque d’investissement, avant de se voir confier la direction d’UBS, la plus grande banque de Suisse, de 2011 à 2020. En 2021, il est élu président du réassureur Swiss Re.
L’homme est “taillé pour la reprise de Credit Suisse”, juge La Tribune de Genève. “Habitué à jouer les pompiers”, M. Ermotti parlait en 2020 de son poste de patron d’UBS comme d’un “job de rêve” mais va retrouver “un siège nettement moins confortable”, note le quotidien suisse.
Le 19 mars, UBS a accepté sous la pression des autorités suisses de racheter sa rivale Credit Suisse afin d’éviter son effondrement qui aurait potentiellement risqué de déclencher une crise financière mondiale. Ce mariage forcé s’annonce complexe, ce qui a poussé le conseil d’administration d’UBS à rappeler M. Ermotti. Il apparaît comme le “meilleur pilote” pour mener à bien la fusion, a expliqué Colm Kelleher, le président d’UBS.
Quasi-inconnu avant UBS
Le fait qu’il soit de nationalité Suisse “a aidé, à la marge”, a concédé M. Kelleher, précisant toutefois que la décision de le rappeler a surtout été dictée par la difficulté de la tâche qui l’attend. Il va devoir faire fusionner deux banques déjà considérées comme trop grosses pour faire faillite avant même leur rapprochement. M. Ermotti a, lui, dit être revenu “par sens du devoir” pour réaliser cette fusion.
En 2011, M. Ermotti étant pourtant un quasi-inconnu en Suisse, sa carrière s’étant jusqu’alors surtout faite à Londres, New York et Milan.
UBS faisait alors l’objet de vives critiques après son sauvetage par l’Etat pendant la crise financière de 2008. Mais les pertes en 2011 d’un trader voyou qui avait englouti 2,3 milliards de dollars dans des transactions hasardeuses avait été le scandale de trop.
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Les têtes étaient tombées et la banque avait choisi ce Suisse revenant au pays après avoir quitté UniCredit où le poste qu’il briguait lui avait échappé. Il avait alors procédé à des coupes dans la banque d’investissement, recentré UBS sur la gestion de fortune et réglé les litiges accumulés par la banque, dont les scandales de manipulations du Libor et des taux de change. A son départ en 2020, subsistait toutefois le procès en France pour démarchage bancaire illégal et blanchiment aggravé de fraude fiscale, encore en cours.
Dans un entretien en 2014 avec le Financial Times, M. Ermotti avait dit vouloir qu’UBS redevienne une société “admirée” après être passée par “de sévères difficultés”, comme cela avait été le cas pour “Apple ou IBM”.
Mais John Plassard, analyste chez Mirabaud, cité dans la Tribune de Genève, note que son retour chez UBS ressemble plutôt à celui de “Bob Iger chez Disney” ou “de Steve Jobs aux commandes d’Apple”, deux patrons suppliés de rester ou de revenir à la barre pour naviguer dans la tempête.