Le patron d’Ethias, Philippe Lallemand, balaie les spéculations sur un rapprochement de l’assureur avec Belfius.
On le sait, la nouvelle coalition wallonne a inscrit dans son accord de gouvernement une vente de sa participation dans Ethias. Georges-Louis Bouchez, président du MR, l’a quant à lui encore répété cet été : il estime qu’Ethias devrait fusionner avec Belfius afin de former un géant belge de la bancassurance.
Mais vendredi dernier, le patron de Belfius a fait savoir que le gouvernement fédéral lui avait demandé d’étudier l’éventualité d’ouvrir le capital à des investisseurs extérieurs. Ce qui montre que le dossier bouge, sachant que le gouvernement devra trancher sur cette ouverture du capital au cours du mois d’octobre.
De quoi alimenter encore un peu plus les spéculations des médias autour de l’avenir d’Ethias, alors que le CEO Philippe Lallemand poursuit résolument son job en se concentrant sur un scénario en mode stand alone.
Lire aussi| Pourquoi Belfius a moins besoin d’Ethias
TRENDS-TENDANCES. Que pensez-vous de toutes ces spéculations autour de l’avenir d’Ethias ?
PHILIPPE LALLEMAND. Le sujet revient régulièrement, presque comme un marronnier. On commente, on écrit des articles, mais au fond, il n’y a rien de concret. Ce sont des rumeurs qui reviennent chaque année. Un peu comme quand, chaque saison, on se demande si le Standard de Liège sera champion. Ça fait vendre du papier. En attendant, de mon vivant, je n’ai vu le Standard être sacré champion que deux fois.
Plusieurs grandes institutions financières belges, dont KBC, se disent néanmoins prêtes à une éventuelle acquisition : celui qui rachètera Ethias dominera le secteur financier belge dans les années à venir.
Ce n’est pas faux, mais l’avenir dépend avant tout de nos actionnaires et du pacte qui les unit. Ils sont conscients de la valeur d’Ethias pour l’économie belge et pour le secteur public. Bien sûr, il doit y avoir une logique économique et financière, mais ils savent qu’ils peuvent compter sur nous. Mais, pour l’instant, il n’y a rien de nouveau. En ce qui me concerne, il n’y a pas de “dossier Ethias”.
Certains estiment que vos récents choix stratégiques (comme le nouveau logo) relèvent d’une logique défensive visant à compliquer un éventuel rachat.
Non, ce n’est pas défensif. Un actionnaire peut toujours décider de vendre, c’est la règle. Mais le rôle du CEO, c’est d’exécuter la stratégie fixée avec les actionnaires. Aujourd’hui, nos quatre actionnaires – le fédéral, la Flandre, la Wallonie et les collectivités locales – ont validé un plan de croissance sur cinq ans baptisé Values 29 visant à faire passer le bénéfice net de 212 à 300 millions d’euros et notre chiffre d’affaires à plus de 4 milliards d’ici 2029, avec un ratio de solvabilité supérieur à 200%. Globalement, cela doit nous permettre de distribuer 700 millions d’euros de dividendes entre 2025 et 2029. Nous voulons aussi réaliser des acquisitions et nous avons déjà concrétisé deux opérations cette année.
Pouvez-vous donner les noms de ces récentes acquisitions ?
Non, nous sommes toujours soumis à un accord de confidentialité à ce jour. Mais il s’agit typiquement d’assureurs à vocation coopérative ou mutualiste, qui servent souvent des catégories professionnelles spécifiques mais qui n’ont pas l’envergure nécessaire pour réaliser les investissements requis, par exemple dans le cadre de la directive européenne DORA qui impose des obligations en matière de cybersécurité, difficiles à atteindre et très coûteuses pour un assureur de plus petite taille.
On a un peu le sentiment que les actionnaires attendent parfois plus de vous qu’une simple distribution de dividendes…
Notre modèle repose sur trois piliers : nous collectons plus de 3,5 milliards de primes chaque année, que nous réinjectons dans l’économie belge. Nous distribuons des dividendes et quand les pouvoirs publics ont besoin d’un partenaire solide, nous sommes là. C’est un modèle unique en Belgique car il associe fédéral, Régions et collectivités locales. C’est, selon moi, une vision moderne : la cohabitation économique entre tous les niveaux de pouvoir.
Précisément ?
Mes actionnaires me demandent tantôt de soutenir un projet d’infrastructure comme le ring de Gand, de participer à Cityforward à Bruxelles ou encore de soutenir le fonds de résilience de la Défense via des investissements dans la protection de data centers. Ce sont des choix d’intérêt public, et tant qu’il y a une logique économique, Ethias peut jouer ce rôle de partenaire fiable et proche.
Vous avez donc confiance dans la capacité d’Ethias à poursuivre sa vie en solo ?
Je suis le CEO, pas le propriétaire d’Ethias. Avec mon équipe, nous avons parcouru un long chemin depuis 2017. Mais, en définitive, ce sont les actionnaires qui décident. Ils m’ont toutefois demandé de mettre en œuvre un plan d’affaires sur cinq ans, alors qu’auparavant nous travaillions sur des plans de deux à trois ans. C’est cela qui compte pour moi. Toutes les supputations autour d’Ethias n’ont jamais empêché la société d’avancer.
“Toutes les supputations autour d’Ethias n’ont jamais empêché la société d’avancer.”
La presse qui s’interroge beaucoup sur l’avenir d’Ethias, cela vous dérange-t-il ?
Les médias sont toujours à la recherche d’une histoire qui se vend. Je regrette qu’on accorde moins d’attention à des sujets plus importants, ayant un impact bien plus grand sur le secteur de l’assurance : le changement climatique, l’intelligence artificielle, le vieillissement de la population… Ces changements n’affectent pas seulement notre quotidien, mais aussi le modèle économique de l’assurance. Les primes de réassurance facturées à Ethias ont augmenté de 50% ces dernières années. Par ailleurs, les clients ressentent le besoin d’un contact humain. Pour y répondre, nous sommes en train d’étendre notre réseau pour le faire passer de 40 à 50 agences. Nous nous développons surtout en Flandre, mais nous allons bientôt ouvrir également un business center à Charleroi.
Pour terminer, un mot sur vos résultats au premier semestre ?
La première moitié de l’année a été très bonne. Le résultat net a progressé de 4% au premier semestre par rapport au premier semestre de l’année passée. Nous avons renouvelé un emprunt de 300 millions qui a rencontré un vif succès, avec une souscription cinq fois supérieure au montant de l’émission. Notre notation s’est encore améliorée pour passer à A+, perspective stable. Et notre croissance a dépassé les prévisions de notre business plan, avec une solvabilité améliorée. Bref, ça roule.
Suivez Trends-Tendances sur Facebook, Instagram, LinkedIn et Bluesky pour rester informé(e) des dernières tendances économiques, financières et entrepreneuriales.