Marc Buelens
‘Quand la bulle éclatera-t-elle ? Fin 2018, vous feriez mieux d’avoir du cash en devises fortes…’
Le monde se laisse volontiers tromper. Certainement avec les produits financiers, estime Marc Buelens, professeur émérite à la Vlerick Business School.
Je m’en souviens comme si c’était hier. Autour des années 2000, les bourses étaient d’humeur euphorique. Une nouvelle économie dénuée de frictions allait voir le jour. Les marchés financiers ne devaient surtout pas être régulés. Car les marchés sont transparents et par là même efficients. L’allocation de capital ne peut pas être plus efficiente que via les marchés financiers. Si l’État s’aventure sur ce terrain, c’est le moyen le plus sûr d’échouer. Il faut surtout laisser jouer les forces du marché libre. Les banques ne doivent pas être limitées dans leurs activités. Les arbres allaient pousser jusqu’au ciel. L’État a commencé prudemment à investir ses fonds de pension en bourse, ensuite moins prudemment. Car ceux-ci ne pouvaient que grimper. Pourquoi je m’en souviens encore aussi bien ? Parce que, lorsque la petite fête fut terminée, j’ai écrit un livre à ce sujet, Managementshock, qu’on ne parvient même plus à trouver en seconde main.
Chaque jour, je pense un petit peu plus à cette époque. Comment, en quelques semaines, des milliards d’euros de valeur boursière ont été détruits dans les secteurs des télécoms, des dotcoms, et autres technologies. Cela s’est avéré n’être qu’une répétition générale de ce qui allait arriver sept ans plus tard, lorsque la crise dans l’immobilier, les banques et les assurances a presque causé un effondrement de l’ensemble du système économique. Personne n’était bien sûr fautif, le contribuable en a payé les pots cassés, et après quelques mois, on a à nouveau plaidé pour des bonus élevés, des mesures moins strictes et surtout davantage de liberté. On voulait à nouveau mettre une petite fête sur pied.
Fin 2018, vous devrez veiller à avoir du cash dans des monnaies fortes…
Et depuis lors, la fête bat son plein. La musique va très fort, de telle sorte que personne n’entend plus qu’au dehors de la discothèque des sirènes hurlent. Donald Trump considère que les banques doivent être libérées de leur carcan. Elles doivent pouvoir entreprendre librement. Les banques entendent cela volontiers, et la bourse leur donne raison. Je lis à nouveau que l’on investit massivement dans du capital à risque, pas comme sous-ensemble d’une stratégie d’investissement, mais simplement parce que l’on sait que l’on fera, c’est garanti, du profit sur les actions. Le Dow Jones en route vers les 40.000 points ? Au minimum. On disait cela aussi il y a quinze ans. On parlait même alors du Dow Jones à 100.000…
Et la cupidité ne connaît bien sûr pas de limites. Si vous avez un peu d’argent, investissez-le dans ce cas auprès d’un gestionnaire de fonds actifs. 87% des fonds actifs britanniques ont des performances inférieures à une moyenne de marché aveugle. Qui croit encore ces personnes ? Le monde se laisse volontiers duper. Certainement avec les produits financiers. Des systèmes pyramidaux gigantesques circulent avec des chiffres toujours plus grands dans les enveloppes. Jusqu’à ce que ça s’arrête. Jusqu’à ce que l’on s’aperçoive de la valeur correspondante dans l'”économie réelle”.
Avec le Brexit, l’Europe et le Royaume-Uni se trouvent devant un énorme problème. Les aspects pratiques prennent des tournures grotesques. On sait maintenant avec certitude que les systèmes informatiques dont les Britanniques ont besoin ne fonctionneront pas. Le rapport des experts donne, après une adaptation pour 2019, un code rouge au logiciel. J’ai lu cela dans un journal pro-Brexit. Ce n’est que l’un des innombrables problèmes de management. Les Britanniques ne seront pas prêts lorsqu’il s’agira de faire devenir réalité leur rêve bizarre de ‘nouvelle indépendance’. Si un Brexit dur devait avoir lieu, celui-ci serait très… dur pour les Britanniques et pas tendre pour le reste de l’Europe. Il ne faut en outre pas grand-chose dans le climat actuel pour faire exploser les négociations de la sortie du Royaume-Uni. On bluffe et on menace au point que c’en est grotesque. Mais une fois que l’on menace ou bluffe trop… Guy Verhofstadt n’aidera pas les Britanniques. Il a une mémoire particulièrement aiguisée pour ce qu’ils lui ont fait.
Le monde se laisse volontiers duper. Certainement avec les produits financiers.
Entre-temps, la nouvelle la plus importante est que, dans certaines banques, vous pouvez à présent choisir la forme de genre utilisée pour s’adresser à vous ou que les toilettes sont de plus en plus accessibles à tous les genres. La dernière forme de ségrégation est brisée. Tout cela pour les transgenres, une très petite minorité de la population.
Donnez-moi alors seulement la possibilité de coller, sur certains produits, l’étiquette: ‘fabriqué sans robots’. Voudriez-vous voler dans un avion qui porte ce label ? Désireriez-vous manger des produits surgelés sur lesquels on trouve la mention ‘à aucun point de la chaîne de fabrication, un ordinateur a contrôlé cette qualité’ ? Moi pas.
Cela explosera-t-il dans quelques semaines ? Dans quelques mois ? Dans quelques décennies ? Je vais me risquer. Fin 2018, ou même avant, vous devrez veiller à posséder du cash en monnaies fortes, ainsi qu’un bout de terrain pour cultiver des pommes de terre.
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