Le gouvernement a finalement trouvé un accord sur la privatisation partielle de la banque-assureur Belfius. Cette décision a été actée ce vendredi lors d’une réunion du “kern”.
Le cabinet restreint du gouvernement belge a finalement trouvé un accord sur la privatisation partielle de la banque-assureur Belfius. Cette décision a été actée ce vendredi lors d’une réunion du conseil des ministres restreint.
Cette annonce constitue une véritable surprise politique. La semaine dernière encore, plusieurs journalistes politiques affirmaient que la privatisation de Belfius n’était plus à l’ordre du jour. Pourtant, le gouvernement Arizona a profité de sa réunion consacrée aux dernières zones d’ombre budgétaires pour finaliser ce dossier bloqué depuis l’été dernier.
“Le gouvernement fédéral autorise Belfius à franchir la prochaine étape dans la préparation de l’ouverture du capital à concurrence de maximum 20 %. Parallèlement, il est demandé à la SFPI de commencer également ses propres préparatifs en vue d’une telle ouverture de capital”, confirme Caroline Dujacquier la porte-parole du cabinet de Jambon dans un communiqué .
Une demande portée par la banque elle-même
Belfius est actuellement entièrement détenue par l’État fédéral belge, mais elle demande depuis longtemps à vendre une participation minoritaire à des investisseurs privés. Son CEO Marc Raisière avait révélé en août dernier, lors de la publication des résultats semestriels, que le ministre des Finances lui avait déjà demandé, via la SFPIM, de préparer l’ouverture du capital à un ou plusieurs investisseurs extérieurs. La décision finale était initialement attendue pour octobre, afin que l’opération puisse être menée fin 2026.
Le management de Belfius s’est toujours montré très favorable à une privatisation partielle pour pouvoir davantage se développer, notamment par des acquisitions à l’étranger.
Les détails de l’opération
Cette opération, prévue pour l’automne 2026, pourrait rapporter approximativement deux milliards d’euros à l’État belge en une seule fois. La valeur comptable actuelle du bancassureur atteint 12,4 milliards d’euros, bien qu’une réduction de prix soit probable lors de la cession d’un cinquième du capital à un investisseur privé.
Cependant, à l’avenir, l’État recevra des dividendes plus faibles. Depuis le rachat de Dexia Bank Belgique, Belfius a déjà rapporté près de 3,5 milliards d’euros de dividendes au gouvernement. En tenant compte de la valeur actuelle de Belfius, l’opération s’avère donc largement bénéficiaire pour l’État.
Le compromis politique : la piste Ethias
Le gouvernement a également chargé la SFPIM de produire une étude concernant l’assureur Ethias. Ce compromis a permis de rallier Georges-Louis Bouchez, président du MR, qui subordonnait son accord sur la vente de Belfius à l’exploration d’une éventuelle fusion entre les deux entités. À terme, celui-ci aurait plus de valeur et serait donc plus rentable en cas de vente éventuelle.
Pas si simple que cela en a l’air puisque comme l’écrit De Standaard, “la direction de Belfius ne peut pas passer par la même porte que celle d’Ethias”. L’analyse des scénarios possibles se fera en collaboration avec les entitées fédérées devenues actionnaires d’Ethias au lendemain de la crise financière. L’État fédéral, la Flandre et la Wallonie détiennent en effet chacun 31,66 % d’Ethias, le reste étant entre les mains d’une holding communale
Qui sera l’acheteur ?
A ceci s’ajoute encore une question centrale: quels investisseurs privés seront attirés par l’acquisition d’une participation minoritaire de 20% dans une banque destinée à rester majoritairement publique ? Selon des sources proches du dossier, les candidats potentiels seraient nombreux et variés, allant de fonds de pension néo-zélandais à des fonds de capital-risque américains.
Toutefois, la nature hautement réglementée et la complexité du secteur bancaire européen pourraient décourager certains investisseurs, malgré la rentabilité exceptionnelle actuelle du secteur. Dans ce contexte, l’hypothèse d’une offre émanant d’une grande banque internationale semble plus plausible. Pour un tel acteur, cette participation initiale constituerait une stratégie d’entrée progressive, avec la perspective d’acquérir la totalité du capital dans les années à venir. Quelle que soit l’identité de l’acquéreur, toute prise de participation égale ou supérieure à 10% devra recevoir l’aval de la Banque centrale européenne.
Goldman Sachs a déjà été engagé par Belfius comme conseiller dans ce dossier. Reste maintenant à déterminer qui sera chargé du placement des actions.
La banque n’a pas souhaité commenter à ce stade.
Une histoire mouvementée
L’histoire de Belfius remonte à 1860, année de création du Crédit Communal, dont l’objectif principal était de financer les administrations locales. À chaque emprunt, ces dernières devaient également acheter des actions, ce qui a créé des liens financiers étroits entre presque toutes les communes de Belgique et la banque.
En 1996, il fusionne avec le Crédit local de France pour former le groupe Dexia, une institution financière belgo-française. Le groupe s’introduit en bourse en 1999 et poursuit son expansion en rachetant notamment Crediop en Italie et, en 2001, le groupe financier Artesia – fusion de l’assureur DVV et de la BACOB, la banque du mouvement ouvrier chrétien ACW.Entre 2008 et 2011, la crise financière frappe durement le groupe Dexia. Début octobre 2011, suite à plusieurs nouvelles négatives, une véritable panique bancaire se déclenche, les clients menaçant de retirer massivement leurs fonds. Pour éviter ce scénario catastrophe, le Premier ministre en affaires courantes Yves Leterme (CD&V) prend une décision drastique : le 10 octobre 2011, le gouvernement belge extrait Dexia Bank Belgique du groupe Dexia et la transforme en banque d’État.
L’État fédéral devient l’actionnaire unique du bancassureur en novembre 2011, suite au naufrage du groupe Dexia. Il rachète alors Dexia Banque Belgique pour 4 milliards d’euros, afin de protéger les épargnants, les clients et le personnel.Le 29 février 2012, pour effacer tout lien avec le nom Dexia, la banque prend le nom de Belfius. Depuis, elle fonctionne comme une institution indépendante qui, à l’instar de l’ancien Gemeentekrediet, accorde des crédits aux administrations locales, tout en offrant des services financiers aux particuliers et des produits d’assurance.
Un premier projet de privatisation, au travers d’une introduction en bourse, avait été lancé en 2017 par l’ex-ministre Johan Van Overtveldt (N-VA), mais il n’avait pas abouti en raison de conditions de marché défavorables, et surtout à cause de blocages politiques résiduels liés au dossier des anciens coopérateurs d’Arco, qui auraient dû être potentiellement indemnisés.