Plus que quelques jours pour bénéficier de l’amnistie fiscale en Belgique
La loi organisant une régularisation fiscale et sociale prendra fin le 31 décembre 2023. Il ne reste donc plus que quelques jours à ceux qui détiennent encore des capitaux non déclarés pour en profiter.
Pour “ceux qui détiendraient encore des capitaux non déclarés, l’introduction d’une DLU quater avant la fin de l’année 2023 me paraît vivement conseillée”, prévenait Denis-Emmanuel Philippe (Bloom Law). “Il en va particulièrement ainsi pour ceux qui auraient encore des capitaux fiscalement prescrits”. Deux mois plus tard, ce conseil reste de mise puisqu’après 20 ans et quatre cycles, le temps de l’amnistie fiscale semble révolu. Après la suppression en 2021 de l’amnistie sur les impôts régionaux, tels que les droits de succession ou les droits d’enregistrement, c’est en effet au tour du “point-contact régularisation” de fermer définitivement ses portes le 31 décembre.
Qu’est-ce une DLU quater ?
« Jusqu’au 31 décembre 2023, tout contribuable belge peut introduire auprès d’un service particulier de l’administration fiscale, dénommé « point-contact régularisation », intégré au sein du service des décisions anticipées, une demande tendant à régulariser une situation fiscale problématique ou à réparer certains oublis. Ce que l’on appelle communément une « DLU quater », même si le terme n’est pas adéquat » stipule Thierry Litannie, avocat fiscaliste dans une opinion parue sur Trends Tendances. « Pour être recevable, cette demande doit être spontanée, c’est-à-dire être introduite avant tout questionnement écrit de l’administration fiscale ou pénale au sujet des avoirs ou revenus problématiques. Le dossier doit être parfaitement documenté, et il convient tout d’abord d’établir les impôts dont l’établissement n’est pas encore prescrit. Ces impôts subiront leur régime normal, variable selon la nature des revenus auxquels ils se rapportent, majorés d’une pénalité de 25 points de base. Ainsi, un revenu soumis au précompte mobilier de 30 % subira une ponction de 55 %. », dit-il encore.
Le quatrième cycle de régularisation a débuté en août 2016. Les taux de pénalité ont augmenté chaque année pour éviter toute envie de procrastination. Une stratégie payante puisqu’après un début en fanfare, les déclarations spontanées ont diminué d’année en année. Avec cependant un pics ces deux derniers mois avec plus de 60 demandes introduites par mois. En décembre, il y en avait déjà 38 après 11 jours, précise De Standaard. Au total pas moins de 3 512 dossiers ont été déposés, pour un montant de 2,53 milliards d’argent noir, selon le SPF Finances. Cela aurait aussi rapporté 919 millions d’euros en impôt au Trésor public.
Le problème des capitaux prescrits
Quelle peut-être l’utilité de régulariser des capitaux fiscalement prescrits, c’est-à-dire des capitaux que le fisc ne peut plus taxer ? «Pour capitaux prescrits, la loi est claire » précise de son côté Thierry Litannie : « si le contribuable est capable de démontrer, preuves écrites et documents bancaires à l’appui, que tout ou partie de ces capitaux et les revenus qu’ils ont générés précédemment ont toujours été déclarés et que les impôts y afférent ont été payés rubis sur l’ongle, pas de problème. Malheureusement, cette situation est rarissime vu l’ancienneté de certains placements ou patrimoines et la disparition des pièces justificatives qui les concernent ». Il en résulte une impossibilité matérielle de fournir les preuves exigées dans « une majorité stalinienne des cas rencontrés sur le terrain. » Avec pour conséquence un « prélèvement de 40 % des capitaux dont on ne peut démontrer la parfaite virginité fiscale ». Une chose qui peut être évitée si on introduit et mène à bonne fin une procédure de régularisation fiscale. Un distrait aurait donc presque intérêt à se faire passer pour un fraudeur.
« La réponse relève aussi du droit pénal », dit encore Denis-Emmanuel Philippe. « Même si les capitaux sont fiscalement prescrits, des poursuites pénales pour blanchiment restent théoriquement possibles. La DLU quater offre en effet une immunité fiscale et pénale, ce qui signifie que le fisc ne pourra plus venir taxer les revenus régularisés, et que le contribuable qui se sera repenti bénéficiera d’une exonération de poursuites pénales pour fraude fiscale, faux fiscal et blanchiment des avantages tirés de ces infractions ».
Attention à l’obligation de régularisation
Ce serait aussi sur les qualifications pénales (infractions de fraude fiscale ordinaire ou grave, organisée ou non, les infractions de faux, d’usage de faux et de blanchiment) qu’entre en lice « le gigantesque problème bancaire qui aboutit déjà, dans de nombreux cas, à une obligation de régularisation », selon Thierry Litannie. « Elles semblent avoir créé chez les acteurs du monde bancaire une terreur collective et parfois irrationnelle en raison de l’absence de prescription et donc du risque de poursuites pour les auteurs, coauteurs ou complices de l’infraction. Au rang desquels se trouvent les banques et les banquiers qui accueilleraient ou auraient accueilli des fonds dont ils n’auraient pas chirurgicalement vérifié la parfaite virginité fiscale, dès leur origine. Les services de compliance des banques pratiquent dès lors une politique de risque zéro aboutissant au refus de l’accueil de tous capitaux provenant de l’étranger, voire à leur blocage jusqu’à parfaite régularisation, assortie souvent de la rupture de toute relation future avec les clients concernés. Une DLU bis ou ter antérieure (ne portant pas sur les capitaux), l’ancienneté de la relation avec le client ou l’importance des patrimoines n’entrent pas en ligne de compte. La banque se protège, point à la ligne ». (…) « Et donc, si vous ou vos clients détenez des capitaux à l’étranger et que vous souhaitez les rapatrier pour les utiliser pour vous-mêmes ou, ce qui est très fréquent, les donner à vos enfants en vue de planifier votre succession, ou encore si vous vendez un immeuble à l’étranger et souhaitez rapatrier le produit de la vente, cela risque d’être mission impossible à compter du 1er janvier 2024 si les problèmes évoqués ci-avant se posent et qu’une régularisation fiscale n’est plus possible faute d’une législation adéquate » conclut Thierry Litannie.
Et que peuvent faire les détenteurs d’argent noir après le 1er janvier ? Il leur reste une possibilité qui existe déjà. Ils peuvent se dénoncer au parquet où un procureur peut proposer un arrangement à l’amiable. Cet arrangement (réalisé en concertation avec l’inspection spéciale des impôts) se base sur les arriérés d’impôts sur les capitaux noirs auquel on ajoute une amende de généralement 60 %. Celle-ci peut cependant fluctuer en fonction de la gravité de l’affaire.
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