Philippe Gijsels (Fortis) : “Il y a des raisons de rester optimiste pour 2026”

Philippe Gijsels, chief Investment strategist de BNP Paribas Fortis © BELGA PHOTO CHRISTOPHE KETELS
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Le chief strategist de BNP Paribas Fortis, Philippe Gijsels, reste optimiste sur les performances des bourses l’an prochain, même si celles-ci ne devraient plus nécessairement être tirées par les « Magnificent Seven », les géants de la tech.

Voici un an et demi, Philippe Gijsels, le chief Investment strategist de BNP Paribas Fortis, et Koen De Leus, le chief economist de la banque, avaient publié un ouvrage qui décrivait « Les cinq tendances de la nouvelle économie mondiale ».

Cinq tendances – l’accélération de l’innovation, le vieillissement de la population, la lutte contre le réchauffement climatique, la mondialisation et la crise de la dette qui s’annonce -qui allaient façonner l’économie de demain. “Aujourd’hui, le monde va en effet dans cette direction”, constate Philippe Gijsels.

Un monde volatil

L’incertitude géopolitique et la fragmentation économique qui l’accompagne ont provoqué d’importants mouvements sur les marchés cette année. Celui qui désire avoir un œil sur son portefeuille d’actifs devra donc composer avec la fragmentation du monde, la volatilité grandissante, une inflation devenue structurelle, un dollar sur la pente descendante et une mise en vedette des actifs réels et des pays émergents.

Une fragmentation du monde ? « Les quatre plaques tectoniques, les États-Unis, la Chine, l’Europe, le Japon bougent désormais dans des directions différentes, note Philippe Gijsels. Il y a aux quatre coins du globe des tensions, des guerres, et dans les pays occidentaux, les partis dits du centre ont de grandes difficultés à prendre les mesures qu’ils devraient prendre, ajoute-t-il. Et cette volatilité géopolitique va créer beaucoup de volatilité dans les marchés. »

Une des grandes conséquences de cette tectonique des plaques est la fin de l’exceptionnalisme américain.

La fin de l’exceptionnalisme américain

Depuis la grande crise financière de 2008, aucun autre actif n’était capable de suivre les performances des actions américaines, et surtout des actions technologiques, et plus encore des « Magnificent Seven » les grands géants (Nvidia, Microsoft, Apple, Google …). Au point, rappelle le responsable de la stratégie de BNP Paribas Fortis, que les actions américaines pesaient 75 % de l’indice boursier mondial MSCI World, « une proportion qui n’avait rien à voir avec le poids de l’économie américaine dans le monde. Mais le processus qui faisait monter les actions américaines était comme une prophétie autoréalisatrice, explique Philippe Gijsels ». Il fallait aller dans les actions américaines parce qu’aucun actif ne pouvait battre leurs performances et dès lors, les actions américaines montaient.

« Un des grands points d’attention de cette année, c’est que cette tendance a changé : si l’on observe les performances des différents blocs, on voit que les valeurs européennes ne sont pas loin des américaines, que les valeurs technologiques chinoises font mieux que le Nasdaq et que les pays émergents sont de retour…. ».

La fin de l’exceptionnalisme américain s’explique aussi par les perspectives du dollar. L’inflation est en effet plus élevée aux États-Unis. « Or la Fed doit choir entre combattre l’inflation ou soutenir la croissance. Et elle choisira la croissance, observe Philippe Gijsels. Ce qui n’est pas mal vu du côté du Trésor américain, car  pour résoudre le problème de l’endettement des États-Unis, laisser filer l’inflation n’est pas en soi une mauvaise chose.

Davantage d’opportunités

Évidemment, cela affaiblit le dollar et cette faiblesse du billet vert complique la tâche des investisseurs et des gestionnaires d’actifs. « Si le dollar baisse, il faut diminuer un petit peu les actifs dollars, en sachant qu’il faut en garder parce que nous avons toujours besoin de dollars en portefeuille », observe Philippe Gijsels.

Mais pour la gestion d’actifs, cette nouvelle donne n’est cependant pas une mauvaise chose parce que jusqu’à présent les performances se concentraient sur un petit nombre d’actions dans la technologie américaine. Désormais, le cycle haussier est un peu plus équilibré. « Il y a davantage d’opportunités et c’est plus sain, souligne Philippe Gijsels. Pour moi, la hausse boursière n’est donc pas encore terminée, même si sa nature a changé ».

Une autre raison de continuer à croire aux actions est que dans un monde inflationniste submergé de mauvaises nouvelles, les gens ont tendance à se raccrocher à quelque chose de stable. « Et le premier élément stable, ce sont les biens réels, explique Philippe Gijsels : l’immobilier, l’or, les matières premières, mais aussi les actions, qui représentent des entreprises. Je pense que les investisseurs l’ont bien compris ».

Pas en manque de liquidités

En outre, les marchés restent soutenus par les injections de liquidités. « L’Allemagne a son plan d’investissement; les États-Unis abaissent leurs taux directeurs et ont arrêté de réduire le bilan de la banque centrale ; la Chine et le Japon stimulent leur économie. Dans tous les grands blocs, il y a suffisamment de liquidités ».

La résilience des marchés est d’ailleurs remarquable. « Depuis 2011, et on l’a vu avec le covid en 2020 ou le Liberation Day ((‘annonce des tarifs douaniers, NDLR)  … chaque fois que l’on assiste à une correction assez prononcée sur le S&P 500 qui ensuite se propage dans le monde, les indices se redressent très vite, note Philippe Gijsels. Deux éléments jouent, dit-il. D’une part, il y a une nouvelle génération d’investisseurs qui ont été conditionnés à acheter chaque fois qu’un titre tombe, parce que cela leur a rapporté de l’argent. Et puis, il y a les banques centrales et les gouvernements sont déjà dos au mur et la dernière chose qu’ils veulent est que le marché s’effondre. »

Philippe Gijsels ajoute un dernier élément, que ne renierait pas Schumpeter : « il y a toujours un peu partout beaucoup d’idées, d’innovations, dans le domaine technologique, en biotech,…. Le train de l’innovation ne s’arrête pas.  Et si les gouvernements sont fortement endettés, les entreprises ne le sont pas. Oui, les actions ne sont pas bon marché, mais on observe toujours une croissance de leurs bénéfices. Il y a donc pas mal de raisons pour rester optimiste en 2026 », conclut-il.

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