Peter Vanden Houte (ING Belgique): L’année 2023 sera marquée par une faible reprise
La récession, qui qui fait son nid en Europe, pourrait rester relativement modérée en 2023. Le revers de cette médaille est un redémarrage de l’économie tout aussi modéré. “En Europe surtout, la reprise restera faible en 2023”, estime Peter Vanden Houte, économiste en chef d’ING.
Plusieurs facteurs rendent peu probable une reprise fulgurante.
Gaz naturel hors de prix
Les prix bien trop élevés de l’énergie continuent de peser sur la confiance et les dépenses des consommateurs. “Ne vous attendez pas à une baisse du prix du gaz naturel en 2023”, déclare Peter Vanden Houte. “Sans le gaz russe, il sera très difficile d’approvisionner l’Europe de manière adéquate. Le répit ne pourra venir que lorsque la capacité mondiale de gaz naturel liquide (GNL) augmentera, mais cela ne se produira pas avant 2025. Même pour une livraison en 2025, les prix du gaz naturel seront encore trois fois plus élevés qu’avant la crise énergétique. Les prix de l’énergie sont également structurellement plus élevés en Europe qu’aux États-Unis, par exemple, ce qui nous place dans une situation concurrentiellement très désavantageuse.”
Les politiques freinent
Les banques centrales n’ont pas non plus l’intention de coopérer à la reprise économique. La lutte contre l’inflation a pris le pas sur le soutien à l’économie. “Les banques centrales européennes et américaines continueront à resserrer leurs politiques monétaires malgré la récession. C’est une grande différence par rapport au passé, lorsque les banques centrales étaient en mesure de lutter contre la récession grâce à des politiques monétaires plus souples. Nous nous attendons à ce que la banque centrale américaine relève ses taux directeurs à 5 % et n’envisage pas d’assouplissement avant le quatrième trimestre de 2023. De la part de la Banque centrale européenne, nous attendons une nouvelle augmentation des taux de dépôt à 2,5%, et de continuer à le faire pour le reste de l’année”, déclare Peter Vanden Houte. “Les secteurs particulièrement sensibles aux taux d’intérêt, comme l’immobilier et la construction, contribueront donc peu à une reprise de notre économie. Dans le domaine de la construction, 2023 pourrait même être pire que 2022.”
Les gouvernements européens consacreront également moins de budget à la crise en 2023. Cette année, ils n’ont pas lésiné sur les moyens financiers pour protéger les ménages face à la crise énergétique. L’Allemagne, par exemple, a consenti un effort représentant 6 % de son produit intérieur brut (PIB). “Vous ne pouvez pas continuer ainsi éternellement. En 2023, les gouvernements adopteront une position budgétaire moins expansionniste”, estime Peter Vanden Houte.
États-Unis et Chine également dans la mouise
La combinaison d’une légère récession et d’une faible reprise impliquerait une croissance économique de -0,3 % en 2023 pour la zone euro et la Belgique. “L’économie américaine résiste un peu mieux pour l’instant, mais elle s’essouffle aussi. Le marché du travail montre des signes d’affaiblissement. Sur l’ensemble de l’année 2023, nous prévoyons une croissance de 0,1 % aux États-Unis”, affirme Peter Vanden Houte.
Derrière les prévisions de croissance pour la Chine se cache un point d’interrogation plus important. “La Chine est toujours aux prises avec une crise immobilière. Il reste également à voir quel sera l’impact d’un assouplissement de sa politique “zéro covid”. Si ces relâchements donnent lieu à davantage d’infections, les consommateurs pourraient spontanément rester davantage chez eux. Les choses pourraient alors empirer en Chine avant de s’améliorer”, prédit Peter Vanden Houte.
L’inflation atteint des sommets
L’économie quelque peu chahutée permettra une baisse de l’inflation au cours de l’année 2023. “L’énergie reste chère, mais il n’y aura plus de hausses des prix. Les produits de base sont devenus moins chers et les pénuries dans la plupart des chaînes d’approvisionnement sont en train d’être résorbées. L’inflation sur les produits alimentaires restera élevée pendant un certain temps encore. Dans le secteur des services, les augmentations de salaires entraînent une inflation légèrement plus persistante”, indique Peter Vanden Houte. “Aux États-Unis, l’inflation pourrait tomber à 2 % à la fin de 2023, mais en Europe, nous n’atteindrons pas encore cet objectif en 2023.”
Les obligations sont intéressantes mais attention aux actions
Que signifient un mauvais cycle économique et un gel de l’inflation pour les marchés financiers ? “L’explosion de l’inflation a tout changé. Les banques centrales n’ont plus les mains libres pour soutenir les marchés. Cela implique qu’en tant qu’investisseur, vous devez mieux faire vos devoirs, mais après la correction de 2022, vous avez la perspective d’un meilleur rendement pour les risques que vous prenez”, déclare Steven Vandepitte, stratégiste chez ING Belgique.
Cette année, le portefeuille classique, composé de 60 % d’obligations et de 40 % d’actions, a subi une baisse de valeur, tant dans le chef des actions que des obligations, ce qui est assez exceptionnel. “Ce portefeuille n’est pas mort. Cette correction donne de l’oxygène. Il existe un potentiel pour de meilleurs rendements. C’est donc un nouveau départ pour ce portefeuille”, déclare Steven Vandepitte.
En particulier pour les obligations de bonne qualité, l’analyste voit des possibilités de rendements plus élevés. “Ces obligations offrent aujourd’hui des rendements intéressants, qui récompensent les investisseurs pour les risques qu’ils prennent. La plus forte hausse des taux d’intérêt est derrière nous. Et lorsque les taux d’intérêt baissent, les choses peuvent bouger rapidement”, explique Steven Vandepitte.
Pour les actions, Steven Vandepitte est moins optimiste. “Les marchés boursiers prennent en compte un atterrissage tout en douceur de l’économie et sont donc trop optimistes. Selon nous, le rallye boursier de ces dernières semaines était un autre rallye de marché baissier. Ces reprises dans un marché en baisse sont souvent de courte durée et peuvent donner l’impression erronée d’un retournement de tendance plus global”, déclare M. Vandepitte. “Les valorisations sur les marchés boursiers américains sont encore assez élevées, surtout avec des taux directeurs qui se dirigent vers 5 %. Ajoutez à cela une chute des bénéfices, lorsque l’économie américaine entrera en récession plus tard en 2023. Dans ce cas, une nouvelle baisse est certainement possible. Nous privilégions donc les valeurs défensives tant que le cycle économique ne montre aucun signe de reprise.”
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