Lire la chronique d' Amid Faljaoui
NewB et la schizophrénie du citoyen consommateur
C’est une triste histoire que celle de la banque coopérative NewB. Cette banque éthique, qui devait apporter un souffle et un regard nouveau dans le monde bancaire, n’a donc pas pu réunir les 40 millions d’euros nécessaires à la poursuite de son activité.
Quarante millions, c’est le montant demandé par la Banque Nationale de Belgique à NewB pour pouvoir continuer ses activités. Malgré les appels à l’aide, malgré le capital sympathie de cette banque, la somme en question n’a pas pu être trouvée dans le délai imparti. Aujourd’hui, la question de l’avenir de cette banque se pose, et cette question sera sans doute tranchée en décembre lorsque les coopérateurs seront réunis en assemblée générale.
C’est une triste histoire, car l’idée de base est belle, mais elle était sans doute bancale dès le départ. D’abord, parce que lancer une banque aujourd’hui nécessite beaucoup de capitaux ; que ce soit en informatique, mais aussi pour répondre, point par point, à toutes les exigences juridiques des gendarmes financiers nationaux. La banque est sans doute l’un des secteurs les plus réglementés de nos économies. C’est normal, c’est notre épargne qui s’y trouve logée. Ensuite, cet enthousiasme pour cette banque est juvénile. Dans le sens où c’est un enthousiasme fragile, friable comme le sont les amours de jeunesse. La preuve, il y a énormément de coopérateurs, mais nettement moins de clients.
Comment expliquer ce fossé, pourquoi tous ces coopérateurs ne sont pas devenus clients ? Quand j’ai posé la question à un coopérateur, il m’a avoué qu’il avait mis quelques dizaines d’euros, mais n’est pas devenu client pour autant. Face à mon étonnement et mon insistance, il finit par me dire qu’il est déjà client ailleurs et que donc c’est difficile pour lui de domicilier ses avoirs chez NewB. Franchement, je n’ai pas été convaincu par sa démonstration. Je pense que lorsqu’on croit dans un projet, il faut y aller à fond. Et aujourd’hui, quitter une banque pour une autre est infiniment plus facile qu’il y a quelques années.
En fait, pour moi, c’est le paradoxe de la vie économique. Les mêmes, qui veulent relocaliser les usines en Europe pour ne plus dépendre de la Chine, sont les mêmes à refuser qu’une usine s’implante dans leur commune. Les mêmes, qui sont pour les énergies alternatives, sont les mêmes à ne pas vouloir avoir des éoliennes gâcher leur paysage et surtout la valeur de leur bien immobilier. Les mêmes, qui veulent revaloriser de 25% les salaires des travailleurs dans la restauration, sont les mêmes qui se plaignent du montant de l’addition alors qu’ils oublient que 70% du prix de revient est dans les salaires ! Les mêmes, qui veulent sauver la planète, sont parfois aussi les mêmes qui sont dingues de Bitcoin, une activité hautement polluante, et c’est sans doute les mêmes, qui aujourd’hui boycottent les produits BIO.
Car on ne le dit pas, mais c’est la catastrophe pour les produits bio en ce moment. Le pouvoir d’achat a forcé le consommateur à faire des arbitrages, à acheter malin, et visiblement le bio ne rentre plus dans ses priorités. Là aussi, c’est dommage. C’est exactement comme le discours du “il faut ramener les activités délocalisées vers l’Europe” ; beau discours, auquel je souscris en effet. Mais expliquez-moi quel industriel va le faire alors que le prix de l’énergie explose surtout en Europe et que les coûts salariaux vont flamber ?
Donc, oui, au risque d’étonner, voire d’irriter, je pense que dans les débats qui nourrissent les médias aujourd’hui, on oublie juste la schizophrénie entre le citoyen électeur, qui dit une chose, et le citoyen consommateur, qui en dit une autre. Je vous ai cité des tas d’exemples, dont celui de la banque éthique NewB. Comme disait ma grand-mère dans son infinie sagesse : “une fois est un hasard, deux fois est une coïncidence, trois fois, c’est une habitude”.
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