Matthias Baccino (Trade Republic): “L’industrie bancaire et la gestion active ont échoué dans leur mission d’éducation financière”

Matthias Baccino © DR
Sébastien Buron
Sébastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Une toute récente étude menée par iVOX pour Grégory Guilmin et Parlons Finance confirme que les Belges ne sont pas préparés aux exigences financières d’une vie longue, surestimant le montant nécessaire pour commencer à investir.

Nous avons pu échanger avec Matthias Baccino, directeur des marchés européens de la néobanque Trade Republic qui sponsorise Grégory Guilmin et Parlons Finance et contribue à plusieurs études en Europe ces derniers mois sur le rapport à l’argent et à l’investissement. La solution, selon Matthias Baccino ? “Désintoxiquer les épargnants des mensonges de l’industrie : voilà le vrai chantier de l’éducation financière”, affirme le patron de Trade Republic en Europe.

Préparer sa retraite dans un monde où l’on vit jusqu’à 100 ans : le défi reste en effet largement sous-estimé par la grande majorité des Belges. La récente étude iVOX supervisée par Grégory Guilmin, coach financier et chroniqueur bien connu des lecteurs de Trends-Tendances, confirme cette réalité.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 85 % des non-investisseurs doutent que leur future pension soit suffisante pour subvenir à leurs besoins. Mais dans le même temps, seuls 43 % investissent (aussi) pour leur pension future et 1 personne sur 4 n’a même pas encore commencé à préparer sa retraite. Paradoxalement, 95 % des non-investisseurs surestiment le montant nécessaire pour commencer à investir – un frein majeur alimenté par de fausses croyances, comme l’explique Matthias Baccino, patron de Trade Republic.

Pourquoi cette étude ?

Au-delà de l’approche commerciale qui est la nôtre en tant qu’entreprise, nous essayons aussi d’apporter un éclairage sur ce mouvement de société qui voit les gens petit à petit en Europe prendre leur argent en main.

Les chiffres vous étonnent-ils ?

Non, pas du tout. Ils m’attristent. Je sais qu’un changement est en cours. Dans d’autres pays d’Europe, les structures de diffusion de l’information sont différentes, et l’éducation financière y a déjà connu de véritables avancées, pour de nombreuses raisons. Je reste donc très optimiste : ces deux dernières années, j’ai observé de réels progrès en France, en Espagne, au Portugal, en Autriche… et aujourd’hui, l’Italie et la Belgique suivent ce mouvement d’éducation financière.

Pourquoi les Belges, bien qu’inquiets, tardent-ils à agir ?

Les Belges, pour tout un tas de raisons historiques, ont énormément de pensées limitantes dans tout ce qui concerne l’argent de manière générale, mais aussi l’épargne et aussi l’investissement. Cela les empêche d’avoir une gestion efficace de leur argent à long terme parce qu’ils ne savent pas comment faire et quand ils savent comment faire, ils ont des émotions négatives qui les empêchent de le faire.

Quels sont les profils les plus vulnérables ?

Les personnes âgées bien sûr, qui sont éloignées des réseaux sociaux et les femmes qui ont plus de difficulté à accepter de s’y mettre. À tort d’ailleurs, puisqu’elles investissent mieux que les hommes. Et ça, on l’a déjà démontré massivement. Les très jeunes qui tombent dans des arnaques. Ceux par contre qui ont la vie la plus facile du point de vue de l’éducation financière, c’est évidemment la classe plus aisée, les personnes qui ont été formés par leurs parents.

Il y a aussi une dimension psychologique ?

Quand vous savez que 60 % des gens en Belgique pensent qu’investir est réservé à ceux qui ont du temps et des connaissances, quand 52 % pensent qu’il faut déjà avoir beaucoup d’argent pour investir, le besoin d’éducation financière est évident. Si elle a fait davantage de progrès dans certains pays par rapport à la Belgique ces deux dernières années, c’est principalement dans les pays où les réseaux sociaux jouent un rôle important dans la diffusion de l’information. En France, en Espagne et au Portugal, vous n’avez pas un seul Grégory Guillemin, vous en avez des dizaines, qui font des dizaines de millions de vues, qui sont des professionnels du secteur financier, qui créent des contenus sur les réseaux sociaux toute la journée et qui font des chiffres de vues qui sont monstrueux.

A qui la faute ?

Les institutions financières belges ont échoué dans leur mission d’éducation financière. Aujourd’hui, de nombreuses personnes pensent qu’il faut être riche, extrêmement compétent ou avoir beaucoup de temps pour pouvoir investir. Mais cette croyance est le fruit d’un conditionnement : ce sont les mensonges véhiculés depuis des décennies par l’industrie bancaire et la gestion active, qui ont entretenu l’idée que l’investissement est complexe, réservé à une élite, alors qu’elles savent parfaitement que ce n’est pas vrai. On parle souvent de la nécessité d’éduquer financièrement les particuliers, mais la première étape, en réalité, c’est de les désintoxiquer de ces fausses croyances. Voilà le vrai défi.

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