Marek Hudon (ULB): “Le statut d’acteur modèle de Belfius est en train de vaciller”

Marek Hudon est professeur à la Solvay Business School. © Isopix
Sébastien Buron
Sébastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Changement de cap complet pour Belfius qui a longtemps exclu le secteur de l’armement dans sa politique d’investissement : la banque publique va à nouveau investir dans ce domaine. Un choix qui touche aux fondamentaux de l’institution financière, selon Marek Hudon, professeur à la Solvay Brussels School.

Début de cette année, Belfius avait déjà assoupli sa politique de crédit pour les entreprises belges actives dans l’industrie de la défense et de l’armement. Désormais, elle va autoriser les investissements dans le secteur de l’armement : un choix contestable, selon vous ?

Ce qui est sûr en tous cas, c’est que la démarche pose beaucoup de questions. A quoi sert encore une banque publique et que devrait être sa politique d’investissement, voire sa stratégie ? Belfius se comporte-t-elle encore comme une banque publique soucieuse du bien commun ou bien comme une entreprise déjà privatisée ? A l’inverse, on peut se demander si elle ne joue pas un rôle de “crowding in” qui vise à rassurer les investisseurs privés pour les attirer dans des secteurs liés à l’armement. Etc.

La question du rôle d’une banque publique se pose donc encore plus aujourd’hui que par le passé ? 

Belfius est un acteur qui avait presque de manière identitaire et dans ses valeurs l’intérêt général et plus particulièrement une sensibilité par rapport à l’exclusion du secteur de l’armement dans sa politique d’investissement en général, et pas uniquement durable. Investir à nouveau dans les secteurs de la défense et de l’armement, ici visiblement aussi aux armes nucléaires, touche aux fondamentaux de l’institution. 

A vous entendre, il serait nécessaire de clarifier le cap choisi par Belfius ?

Absolument. On est clairement à un tournant pour les entreprises publiques en Belgique, et plus largement en Europe. Entre la guerre en Ukraine et Trump qui bouscule le monde, il y a un besoin de repositionnement du rôle des entreprises publiques chez nous et ailleurs sur le Vieux Continent. C’est indispensable si on veut éviter des dérives.

L’avenir de la banque et ses projets de privatisation partielle sont-ils remis en cause ?

A priori, non. L’impact de la décision prise n’aura pas vraiment d’impact sur son projet de privatisation. Loin de là. Par contre, il est clair que sa ligne directrice est en train d’être progressivement remise en cause. On peut penser à la sortie du de la certification climatique SBTI qui avait fait beaucoup de bruit en juin 2024. Je dirais même que son statut d’acteur modèle et exemplaire de l’économie belge est en train de vaciller.

Lire plus de:

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content