L’État va-t-il dire adieu à BNP Paribas ?


Alors que l’État belge est à la recherche de plusieurs milliards d’euros pour renforcer son budget défense dès cet été, il est question de vendre une partie des bijoux de famille, à commencer par les 5,6% qu’il détient dans la banque française BNP Paribas. Mais est-ce souhaitable… et possible ? Explications.
Vendre des participations publiques dans des entreprises pour remplir le fonds d’investissement dans la défense ? L’État est à la recherche de plusieurs milliards et la cession d’une partie des actions dans les banques Belfius et BNP Paribas pourrait aider.
Les rumeurs vont même bon train chez nous au sujet de la cession de la participation de l’État fédéral dans BNP Paribas, voire d’une partie de Belfius. Le patron de cette dernière, Marc Raisière, ne s’en est d’ailleurs pas caché lors de la présentation des résultats annuels du bancassureur : il est prêt à céder jusqu’à 25% du capital à des investisseurs institutionnels, comme un fonds de pension, qui accompagneraient Belfius dans sa stratégie. “Ce serait une grande fierté pour Belfius et tout son personnel de pouvoir contribuer aux besoins de la population belge en termes de défense”, a déclaré Marc Raisière.
Compte tenu de la valeur de Belfius aujourd’hui, l’opération rapporterait plus de deux milliards d’euros à l’État fédéral, toujours actionnaire à 100% du groupe de banque et d’assurance. Mais cette diversification du capital permettrait également d’augmenter le taux de distribution des bénéfices actuellement plafonné à 40%. Avec une cession d’une partie des actions, la BCE pourrait autoriser une distribution jusqu’à 50%. Ce qui permettrait de maintenir le niveau des dividendes versés à l’État par Belfius. Des dividendes qui se montent à 444,5 millions d’euros rien que pour cette année.
Transaction complexe
Bien sûr, rien n’est fait. Marc Raisière a beau évoquer l’avenir de son entreprise, ce n’est pas lui qui décide, mais bien son actionnaire public, l’État fédéral. Car ce dernier, via son bras financier, la SFPI, détient aussi une participation de 5,6%, héritée du sauvetage de Fortis, dans la banque française BNP Paribas, dont le cours de Bourse ne cesse de grimper depuis le début de l’année. C’est le bon moment pour vendre eu égard à la reprise des valeurs bancaires européennes sur les marchés. La capitalisation boursière du groupe bancaire français dépasse actuellement les 85 milliards d’euros. Traduction : les 5,6% que détient l’État belge dans le groupe dirigé par Jean-Laurent Bonnafé affiche actuellement une valeur de marché théorique de plus de 4,5 milliards d’euros. Soit bien plus que les 20% dans Belfius que Marc Raisière et son conseil d’administration proposent de privatiser.
Par ailleurs, le temps presse. Le nouveau gouvernement Arizona doit trouver 4 milliards d’euros dès cet été pour renforcer son budget défense et atteindre ainsi les 2% du PIB. Vendre les 5,6% de l’État belge dans BNP Paribas apparaît dès lors comme la solution la plus directe, la plus évidente et la plus rentable. Du moins sur papier. Car dans la réalité, c’est plus compliqué. Comment vendre en effet une telle participation dans un temps si court ? CEO de la filiale belge de BNP Paribas, Michael Anseeuw n’a pas éludé le sujet lors de la présentation des comptes de BNP Paribas Fortis pour l’année écoulée : un tel “block trade” est une transaction “complexe” qui doit être “managée”, nous a-t-il confié.
Une telle vente ne se fait pas à la légère, en effet. “C’est un gros paquet, et puis BNP Paribas voudra certainement que les actions soient placées entre des mains amies”, nous dit une source bien informée, qui évoque des accords de préemption au sein de l’actionnariat de BNP. Des accords dont pourraient bénéficier Amundi et BlackRock, deux géants de la gestion d’actifs qui détiennent déjà respectivement 5 et 6% de la banque française ? À voir…
Car du côté des banquiers d’affaires, on estime que vendre un tel paquet d’actions est quasiment impossible dans les circonstances actuelles, sans devoir accorder une décote considérable à l’acheteur, ce qui se traduirait par une perte de valeur pour l’État fédéral. Lequel devrait par ailleurs renoncer à de jolis dividendes. Cette année, BNP Paribas s’apprête à lui verser quelque 300 millions d’euros, ce qui représente un rendement annuel de 6,7% alors que l’État se finance à un taux d’intérêt d’environ 3% via ses obligations à 10 ans. Dernier élément : BNP Paribas est aussi une banque systémique, la première banque de la zone euro. L’institution financière a dégagé un bénéfice record de 11,7 milliards l’an passé. Un tel mouvement au sein de l’actionnariat de la première banque européenne ne risque-t-il pas de la fragiliser ?
Troisième scénario
Ce qui est sûr par contre, c’est que si la SFPI reçoit effectivement le mandat d’une vente, ce sera la troisième cession depuis 2009. Un premier paquet d’actions avait été vendu en 2017 et un deuxième en 2023. À chaque fois, c’était environ 2% du capital qui ont ainsi été cédés. La probabilité est donc grande, si le scénario se vérifie, qu’il s’agisse de nouveau d’une cession d’un bloc d’environ 2% et non de la totalité de la participation. “Ce qui, comme l’ont prouvé les précédentes cessions, n’aurait aucun impact sur la stabilité de la banque et sa capacité à participer activement au financement des ménages et des entreprises belges”, rassure Michael Anseeuw.
Reste que vu ces contraintes de marché et de timing, un troisième scénario circule en coulisses. Un scénario qui verrait Belfius verser à l’État un dividende exceptionnel d’environ deux milliards d’euros. Avec un ratio de solvabilité bien supérieur aux exigences réglementaires, la groupe de banque et d’assurance public dispose en effet d’un excédent de capital et se trouve dans une position favorable pour redistribuer une partie de ses fonds propres. L’État belge pourrait donc bénéficier de cette manne financière à hauteur de deux milliards d’euros.
L’opération pourrait également s’inscrire dans une stratégie plus large visant à préparer une privatisation partielle de Belfius, voire une introduction en Bourse, comme l’a évoqué le week-end dernier le ministre du Budget Vincent Van Peteghem (CD&V) sur les ondes de la VRT. Car une réduction de capital suivie d’une vente d’actions permettrait de maximiser la valorisation de la banque. Au total, ces deux opérations combinées du côté de Belfius pourraient rapporter jusqu’à quatre milliards d’euros, selon certaines estimations.
À moins que l’option retenue par le gouvernement De Wever ne prenne plutôt la forme d’une combinaison entre un super dividende de Belfius et la vente d’une partie des actions de BNP Paribas, là aussi pour un montant total de quatre milliards d’euros. Tout cela pour dire que l’équation du gouvernement est à la fois simple et compliquée.
L’équation du gouvernement est à la fois simple et compliquée.
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Belfius Bank
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