Les entreprises se ruent sur les cyberassurances
Les entreprises belges se jettent en masse sur les cyberassurances, selon les chiffres du consultant en assurances Aon. “ Les dommages économiques causés par la cybercriminalité sont plus conséquents que tous les dommages causés par les incendies, les tempêtes et les inondations rassemblés ”, explique Philip Alliet, CEO d’Aon Belgium.
Au cours des premiers mois de l’année, Aon Belgium, l’un des plus grands courtiers en assurances entreprise, a traité deux fois plus de demandes de cyberassurances qu’il y a un an. Un phénomène logique, selon le CEO d’Aon, Philip Alliet : “En 2020, un quart de plus d’entreprises belges ont été victimes d’une cyberattaque. Dans plus de la moitié des cas, les entreprises ont dû payer une rançon. J’estime le total de rançons payées en 2020 à un peu plus de 100 millions d’euros ;” À l’échelle internationale, le problème est encore plus important : “Selon nous, le coût de la cybercriminalité pour les entreprises du monde entier devrait atteindre 600 milliards de dollars cette année.”
Plus de 80 % des cyberdommages subis par les entreprises ne sont pas couverts par une assurance : “Nous sommes presque tous assurés contre les incendies, alors que le risque d’une cyberattaque est plus élevé et que les conséquences sont les mêmes, à savoir l’arrêt de l’activité.” Philip Alliet explique qu’avec une augmentation des cyberattaques associée à une augmentation des rançons, les primes des cyberassurances pourraient doubler cette année. En outre, les polices prévoient de plus en plus d’exceptions pour les risques que les entreprises doivent supporter elles-mêmes. “Les attentes des assureurs en matière de prévention et d’investissements des entreprises sont de plus en plus élevées. Les assureurs aujourd’hui beaucoup plus regardants quant aux risques qu’ils couvrent. Si ça continue, les cyberassurances seront bientôt inabordables.”
Nous sommes presque tous assurés contre les incendies, alors que le risque d’une cyberattaque est plus élevé et que les conséquences sont les mêmes, à savoir l’arrêt de l’activité’,” Philip Alliet, AON Belgique
Le monde à l’arrêt
Tout comme la pandémie actuelle, la cybercriminalité exerce une pression sur le modèle du secteur des assurances. Les assureurs se concentrent traditionnellement sur les dommages matériels, par exemple ceux causés par l’incendie d’une usine. Mais le coronavirus et les confinements n’ont pas causé de dégâts matériels, ils ont paralysé les entreprises. C’est ce qu’on appelle une “perte d’exploitation”. Une entreprise peut se protéger contre ce risque en optant pour une assurance spécialisée, mais plus de 95 % des polices ne couvrent pas ces dommages.
“Une perte d’exploitation peut également résulter d’une cyberattaque”, indique Philip Alliet. “Je pense donc que le terme “cyberassurance” est trompeur. De nombreuses entreprises pensent qu’il s’agit d’une assurance pour les dommages causés aux ordinateurs et aux logiciels, mais il s’agit avant tout d’une assurance contre les dommages financiers et économiques causés par une interruption d’activité. En 2020, Aon a traité des dossiers de perte d’exploitation pour un montant total d’environ 100 millions d’euros. La plupart de ces cas étaient dus à une cyberattaque.”
Outre la cybercriminalité, les entreprises doivent être particulièrement attentives à leur chaîne d’approvisionnement en tant que cause potentielle de perte d’exploitation. “La chaîne d’approvisionnement gagne en importance”, souligne Philip Alliet. “Fukushima, l’épidémie actuelle ou le navire bloqué dans le canal de Suez… chacun de ces événements nous montre que la mondialisation de la chaîne d’approvisionnement n’est pas sans conséquence. Il existe des assurances dans ce domaine, mais je m’attends surtout à ce que les entreprises fassent machine arrière en matière de délocalisation.
Ces cas impliquent des dommages immatériels, et les entreprises ont maintenant besoin de revoir leur système de gestion des risques, selon Philip Alliet. “Les entreprises devront se constituer elles-mêmes davantage de réserves, en créant des captives d’assurance, par exemple. Il est utile de pouvoir s’assurer soi-même en partie, notamment pour les risques difficiles à assurer, pour les entreprises avec un mauvais profil de risque ou pour les entreprises qui ne trouvent pas la capacité d’assurance nécessaire sur le marché.”
Marché plus complexe
“Toutefois, les entreprises doivent avant tout éviter les risques”, ajoute Philip Alliet. “Tout d’abord parce que les risques sont difficiles à faire accepter aux assureurs, et ensuite, car cela permet d’instaurer une autre culture d’entreprise. Cela vaut également pour les captives : comme vous supportez vous-même une partie du risque, vous vous impliquez davantage dans la gestion de votre entreprise dans ce domaine.”
Si les entreprises ne font pas preuve de davantage de prudence, certains risques pourraient devenir impossibles à assurer, et les primes d’assurances, inabordables. “Cela fait quelques années que le marché se complexifie”, explique Philip Alliet. “Cela signifie que les assureurs sont moins disposés à prendre des risques et facturent des prix plus élevés. Ces trois dernières années, nous avons remarqué des augmentations de prix de 10 à 40 % par an au niveau international. Et la situation ne s’améliorera pas dans les années à venir.”
Selon Philip Alliet, trois éléments contribuent à cela : tout d’abord, le réchauffement climatique, qui entraînera une augmentation des tempêtes, des tornades, des incendies de forêt et des inondations. Ensuite, la responsabilité, qui engendre une augmentation des poursuites judiciaires. “La culture du litige provenant des pays anglo-saxons prend de l’ampleur”, explique Philip Alliet. “On remarque également une augmentation des plaintes contre les administrateurs et les dirigeants d’entreprises. Les actionnaires osent s’exprimer davantage, et lancent de plus en plus de recours collectifs.” Et en troisième lieu, la cybercriminalité : “Les dommages économiques causés par les cyberattaques sont plus importants que tous les dommages causés par les incendies, les tempêtes et les inondations.”
Ces trois éléments entraînent une perte de rentabilité pour les assureurs spécialisés dans les entreprises. Ils doivent payer pour des dommages de plus en plus conséquents et répercutent maintenant ces coûts. “Nous devons également nous attendre à une hausse des prix des assurances entreprise dans les années à venir”, affirme Philip Alliet.
Quels risques les entreprises belges peuvent-elles éviter ?
La prévention est en passe de devenir le département le plus chargé des entreprises belges. Cela engendre la création d’une meilleure culture interne du risque et devrait permettre d’assurer les autres risques sur le marché, déclare Philip Alliet, CEO d’Aon Belgium. Celui-ci nous présente cinq risques auxquels les entreprises belges peuvent s’attaquer le plus facilement.
1. Les assurances groupe pour les pensions “La responsabilité du taux d’intérêt minimum légal pour la pension complémentaire des travailleurs incombe à l’employeur. En période de taux d’intérêt bas, ce taux de 1,75 % est difficile à maintenir. Pour l’instant, de nombreux assureurs ajoutent une participation aux bénéfices. Mais cette technique n’est pas viable sur le long terme. Passer à des produits de la branche 23 pourrait être une solution.”
2. Le bien-être des collaborateurs “On estime à 400 000 le nombre de malades de longue durée en Belgique, dont beaucoup souffrent de problèmes psychologiques, et ne sont plus capables de reprendre le travail. Le bilan humain est lourd, mais il est également très coûteux pour les entreprises. Je m’attends à ce que la crise sanitaire exacerbe ce problème. Protégez le bien-être de vos collaborateurs.”
3. La cybercriminalité “Misez sur la sécurité, investissez suffisamment dans l’informatique et couvrez-vous autant que possible contre les conséquences d’une perte d’exploitation. En tant que courtier, nous accompagnons nos clients dans différents domaines : la prévention, l’assurance, la réponse immédiate en cas d’attaque, la négociation des rançons et la justification du sinistre auprès de l’assureur.”
4. La chaîne d’approvisionnement “Regardez à quel point une chaîne d’approvisionnement peut être fragile. Si possible, faire revenir vos fournisseurs et vos usines en Europe.”
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici