Les banques ont 1.350 milliards d’actifs fossiles: “ces dix prochaines années seront cruciales”
Pour Julia Symon, directrice de la recherche et du plaidoyer auprès de l’ONG Finance Watch, les banques devraient couvrir davantage leur exposition aux risques liés au financement des activités fossiles.
1. Finance Watch s’est penchée sur le bilan des 60 plus grandes banques mondiales, dont 22 sont situées en Europe. Quel est le résultat de cette étude?
Nous avons essayé d’estimer l’exposition de ces banques à des actifs liés aux énergies fossiles. La plupart de ces actifs sont des crédits octroyés pour financer l’extraction et la production de ces énergies. Il n’y a pas de réelle communication des banques sur le sujet. Nous voulions comprendre quelle était la taille du risque. Nous avons donc regardé les bilans et le résultat est que ces 60 institutions sont exposées à hauteur de 1.350 milliards de dollars à ces actifs fossiles. Cela représente 1,5% environ du total des actifs de ces banques.
2. Vous parlez de risque. Quel est-il?
Si nous voulons atteindre la neutralité carbone pour 2050, nous devons arrêter les activités d’exploration d’énergie fossile et réduire la consommation de ces énergies. Cela signifie que ces actifs fossiles vont perdre graduellement de leur valeur et que les banques ont ce risque sur leur bilan. Il est donc nécessaire qu’elles augmentent leurs fonds propres, et il est important de le faire aujourd’hui pour couvrir ces pertes qui vont s’accroître avec le temps. Pour le changement climatique, ce sont ces 10 prochaines années qui seront cruciales. De plus, les événements climatiques sont “non linéaires” ; un jour ou l’autre, un risque majeur peut se matérialiser. Cela concerne d’ailleurs non seulement les banques mais aussi les assurances.
3. Vous proposez de pondérer le risque fossile à 150% pour les actifs fossiles existants. Qu’est-ce que cela signifie?
Il existe une pondération des risques dans la régulation financière. Une pondération à 100% signifie que pour un actif qui vaudrait 100 euros, vous en mettez 8 euros de côté (8% est en effet le ratio de pondération “plein”, Ndlr) et ces 8 euros couvrent une perte potentielle. Un ratio de 150% signifie que vous mettez 12 euros de côté. En réalité, c’est un peu plus parce qu’il y a des “tampons” supplémentaires. Nous proposons en outre une pondération beaucoup plus importante (1.250%) pour les nouveaux crédits qui seraient octroyés. Les banques peuvent tout à fait supporter cet effort, qui représente une augmentation comprise, selon les modes de calculs, entre 150 et 210 milliards de dollars pour l’ensemble des 60 établissements que nous considérons. Cela représente en moyenne trois à cinq mois de bénéfices. C’est donc non seulement nécessaire, c’est aussi réalisable.
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