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“Le lanceur d’alerte constitue une menace pour la vie privée”

Beaucoup de voix se sont élevées pour critiquer la directive, récemment adoptée à une très large majorité par le Parlement européen, sur “la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués”.

Cette directive oblige les Etats membres de l’Union européenne à prendre des mesures pour permettre la poursuite des personnes qui divulguent de manière illicite des informations secrètes des entreprises.

Certains se sont inquiétés du sort des prétendus lanceurs d’alerte qui, souvent engagés dans une entreprise en tant que membres du personnel, informent des tiers, y compris la presse et la justice, quant à certains comportements de celle-ci.

Pourtant, une disposition du texte vise à protéger, dans certains cas, de telles personnes, et ce d’une manière peut-être excessive. Il en est ainsi, entre autres, lorsque ces personnes font un “usage légitime du droit à la liberté d’expression et d’information” ou encore lorsqu’elles révèlent “une faute, une malversation ou une activité illégale” de l’entreprise, et ce à la condition que l’obtention, l’utilisation ou la divulgation présumée du secret d’affaires ait été nécessaire à cette révélation et que cette personne ait agi dans l’intérêt public.

On peut certes comprendre que soit protégée la divulgation aux autorités judiciaires, mais seulement à celles-ci, d’une activité illégale, lorsqu’il s’agit d’infractions à des lois pénales. Le texte va toutefois au-delà puisque le dénonciateur peut également échapper à la sanction lorsqu’il démontre une faute du détenteur du secret d’affaires, ce qui est une notion beaucoup plus floue. Dans ce cas, il devra également justifier qu’il a agi dans l’intérêt public, ce qui est encore plus difficile à définir, chacun pouvant avoir une notion très différente de ce qui est réellement l’intérêt public.

Le lanceur d’alerte est non seulement quelqu’un qui trahit ses engagements de discrétion, mais il constitue aussi une menace pour la vie privée.

Il est en tout cas établi que ce texte ne permettra plus à des lanceurs d’alerte d’échapper aux sanctions, y compris à l’indemnisation du préjudice causé par eux, lorsqu’ils ont réussi ou tenté de tirer un profit personnel de leur divulgation. Ceux qui, par exemple, vendront à des tiers, y compris aux autorités, les secrets dont ils se seront emparés illégalement, ne pourront être considérés comme agissant dans l’intérêt public. Il en est probablement ainsi également de ceux qui auront recherché indûment la notoriété qu’ils espèrent retirer de leur comportement.

Or, l’on sait que c’est souvent le cas, notamment pour des employés de banques ou de fiduciaires qui ont vendu des informations à des autorités fiscales allemandes.

Le lanceur d’alerte est non seulement quelqu’un qui trahit ses engagements de discrétion, voire de secret professionnel, mais il constitue aussi une menace pour la vie privée. Parfois, ses actes relèvent de la criminalité organisée. Ainsi, le groupe espagnol d’extrême droite Manos Limpias, qui se flattait de provoquer des enquêtes sur les plus riches est aujourd’hui accusé de multiples extorsions en réclamant des sommes considérables pour ne pas divulguer ce qu’il savait.

Celui qui s’introduit illégalement dans un système informatique appartenant à autrui, et sans autorisation, est déjà susceptible de poursuites pénales, et il en est de même de personnes qui, travaillant dans des activités soumises au secret professionnel, enfreignent celui-ci en révélant des informations aux tiers.

Le texte, certes timide, voté par le Parlement européen, permet de rappeler que les entreprises, et encore davantage les personnes privées, ont droit à des secrets, et qu’il peut être nuisible que ceux-ci soient, sans justification, accessibles sans nuances aux autorités ou à l’ensemble de la population. En particulier, il est normal que soit sanctionné le vol de tels secrets, notamment de données informatiques et leur divulgation.

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