La folie GameStop, quand les petits porteurs montent au créneau
Des raids de millions de très jeunes boursicoteurs pourraient transformer la Bourse en un terrain de jeu aussi dangereux qu’un réseau social.
“Let the people trade.” Que tout le monde puisse investir en Bourse. C’était le mantra de Baiju Bhatt et Vladimir Tenev, les deux fondateurs de l’application Robinhood, qui rend l’investissement boursier aussi facile qu’écrire un tweet ou laisser un like sur la page d’un réseau social. Mais les deux fondateurs étaient loin d’imaginer que leur application allait ébranler Wall Street à ce point.
Grâce à Robinhood, une horde de plusieurs millions (six ou sept) de très jeunes boursicoteurs (ils sont encore en général aux études), essentiellement américains, ont en effet commencé à cibler certaines sociétés. En se donnant rendez-vous sur “WallStreetBets”, un forum du site web Reddit où ils se partagent leurs meilleurs coups et leurs tuyaux, ils décident voici quelques semaines de s’attaquer aux spéculateurs qui parient sur la faillite de GameStop, une chaîne de magasins de jeux vidéo implantée aux Etats-Unis, et qui détient aussi en Europe la chaîne Micromania. Leurs motivations sont diverses. Certains veulent s’attaquer au système, d’autres trouvent la Bourse aussi amusante qu’un jeu vidéo, d’autres sont simplement des day traders (spéculateurs à très court terme).
En quelques jours, l’action de GameStop atteint des sommets stratosphériques. GameStop, qui ne valait plus que 200 millions de dollars en avril 2020, a affiché une valorisation de 24 milliards le 27 janvier, avant de retomber aux alentours de la dizaine de milliards ces derniers jours.
Vingt milliards évaporés
Les hedge funds qui avaient vendu à découvert et spéculé sur la baisse du titre se retrouvent coincés. Ils accusent une perte de 20 milliards de dollars. Deux jours plus tard, diverses plateformes de courtage se vengent. Elles décident de limiter les transactions sur GameStop et certains autres titres ciblés par ces Robin des Bois, comme la chaîne de cinéma AMC, Nokia ou BlackBerry. Cela provoque une chute des cours. Mais face aux menaces de recours judiciaires et à l’indécision des autorités de marché, ces restrictions doivent rapidement être levées. Et les Robin des Bois continuent leur croisade, s’attaquant ces derniers jours à l’argent métal.
Robinhood elle-même, la plateforme de trading, est également victime de ce coup de folie. Face à cet afflux d’achats d’options sur GameStop, elle a été obligée de gonfler le “collatéral”, c’est-à-dire les sommes versées pour garantir le bon dénouement des transactions. Avec l’explosion des volumes négociés en Bourse, Robinhood a dû mettre en garantie des montants records, obligeant ses actionnaires à réaliser deux augmentations de capital totalisant 3,4 milliards de dollars.
Les autorités américaines (banque centrale, gendarme boursier, etc.) regardent tout ceci comme le lait sur le feu. Car si ces raids de petits actionnaires devaient se multiplier, ils transformeraient la Bourse en un terrain de jeu aussi dangereux qu’un réseau social où certains thèmes font le buzz, puis s’essoufflent rapidement. Certes, le phénomène est très américain, mais s’il devait se généraliser, “cela pourrait influencer la décision des épargnants d’investir dans les petites ou grandes entreprises, les actions ou les obligations”, avertit William De Vijlder, chief economist du groupe BNP Paribas.
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