La Fed sur le point de rester sourde aux appels de Trump

Jerome Powell à l’Economic Club de Chicago. (Photo by KAMIL KRZACZYNSKI / AFP) (Photo by KAMIL KRZACZYNSKI/AFP via Getty Images) © AFP via Getty Images

La Réserve fédérale américaine (Fed) devrait s’abstenir de bouger ses taux d’intérêt la semaine prochaine, en dépit de l’insistance du président Donald Trump, et parce qu’elle peine à évaluer les répercussions de ses politiques changeantes.

Les acteurs de la finance sont presque unanimes: la banque centrale la plus puissante du monde va opter pour le statu quo pour la quatrième fois d’affilée. C’est-à-dire qu’après deux jours de réunion à huis clos, mardi et mercredi, ses taux directeurs vont rester dans une fourchette comprise entre 4,25% et 4,50%, le même niveau depuis décembre.

De quoi raviver l’impatience du chef de l’exécutif américain.

Jeudi encore, Donald Trump a moqué le patron de la Réserve fédérale Jerome Powell, le qualifiant même de “neuneu”. Il a aussi dit qu’il n’allait “pas le virer” tout en ajoutant qu’il ne voyait pas en quoi ce serait un problème. Le chef de l’Etat a une nouvelle fois appelé le banquier central – un vote parmi 12 sur les décisions de politique monétaire – à baisser les taux d’intérêt face à une inflation selon lui “sous contrôle”. Le président américain a assuré qu’il serait tout à fait favorable à une remontée des taux plus tard, si les prix repartaient à la hausse.

Dans ce contexte de pressions constantes, “le fait que la Fed ne fasse rien voudra déjà dire quelque chose” pour les marchés, remarque dans une note l’expert de High Frequency Economics, Carl Weinberg. Les responsables de la banque centrale ont jusqu’ici montré qu’ils étaient d’abord concentrés sur le risque d’augmentation des prix du fait des nouveaux droits de douane que les Etats-Unis imposent au reste du monde. Et qu’ils tenaient à rester crédibles en matière de lutte contre l’inflation.

Les initiatives de la Fed peuvent doper ou ralentir la première économie mondiale en fixant le coût du crédit, influer sur le dollar et par là sur tous les marchés financiers.

“Faux espoir”

La Réserve fédérale “veut être sûre de bien interpréter sa boule de cristal avant de baisser les taux d’intérêt”, décrit à l’AFP Ryan Sweet, spécialiste de l’économie américaine chez Oxford Economics. Les derniers chiffres de l’inflation montrent une modération (avec un indice de référence PCE à +2,1% sur un an, quasiment la cible de la Fed). Cela risque de nourrir un “faux espoir”, selon Ryan Sweet.

“La première phase de la politique douanière” – des annonces spectaculaires de surtaxes massives sur les produits importés – “a été désinflationniste”, explique l’économiste. “Cela a alimenté les craintes d’une récession et fait baisser les prix du carburant ou encore des billets d’avion.”

La deuxième phase nourrira l’inflation “pendant l’été”, poursuit Ryan Sweet, car les droits de douane “mettent généralement trois ou quatre mois à être répercutés sur les prix” payés par les consommateurs.

Faire la sourde oreille

Il ajoute que les responsables de la Fed “vont sûrement faire la sourde oreille” aux appels de Donald Trump, concentrés sur leur mission: que l’économie américaine connaisse peu d’inflation et de chômage. “Tant qu’ils n’ont pas la certitude que l’inflation ne va pas rebondir, ils ne peuvent pas bouger”, analyse l’économiste de KPMG Diane Swonk, auprès de l’AFP. A l’inverse, considère-t-elle, “dans un monde sans droits de douane, la Fed aurait sans aucun doute réduit les taux”.

En l’absence de suspense sur la décision de mercredi, les investisseurs vont surtout guetter l’actualisation des prévisions de la Réserve fédérale pour l’économie américaine. Et ils commencent déjà à s’interroger sur l’identité de la personne qui prendra la tête de l’institution à la fin du mandat de Jerome Powell, dans moins d’un an.

Le nom de Scott Bessent, ministre des Finances de Donald Trump, a circulé mais celui-ci a démenti, assurant qu’il souhaitait rester au Trésor “jusqu’en 2029”, soit la fin du mandat présidentiel.

Partner Content