‘La dette belge est désormais mieux armée contre une crise’
Le Trésor belge a payé 2,6 milliards d’euros ces dernières années pour se couvrir contre une hausse du taux d’intérêt, les fameux swaps. “Mais bien plus essentiel encore fut l’allongement de la durée de la dette”, affirme Jean Deboutte, le directeur de l’Agence de la Dette.
Le Trésor belge a payé quelque 2,6 milliards d’euros ces deux dernières années pour se couvrir contre une hausse du taux d’intérêt. Était-ce davantage que prévu ?
Jean Deboutte: En 2015, la couverture nous a coûté 1 milliard d’euros, l’an dernier 1,55 milliard. C’était en effet plus que prévu. La raison en est que le taux d’intérêt a encore poursuivi sa diminution. Mais ce serait une erreur de considérer ces swaps de taux d’intérêt comme des coûts. C’est une assurance. Les coûts d’intérêts ont diminué de 4,7 milliards au cours de cette période. Les pouvoirs publics ont donc gagné plus de 2 milliards d’euros grâce à la diminution des taux d’intérêt.
En 2014, voyez-vous, lorsque nous avons souscrit les contrats, le taux d’intérêt venait juste de diminuer de moitié. Nous étions alors dans une situation intéressante où le taux d’intérêt était plus faible que la croissance de l’économie, ce qui signifie une diminution du taux d’endettement. C’est la raison pour laquelle nous avons à l’époque décidé de fixer ce taux d’intérêt faible pour longtemps par l’achat de certains instruments financiers. Car si le taux d’intérêt se mettait soudain à augmenter, nous aurions pu passer à côté de l’occasion de le faire. Le risque était que, en cas de poursuite de la diminution du taux d’intérêt, nous allions devoir payer la contrepartie de ces contrats. Mais c’était inclus dans le calcul.
Ne vous couvrez-vous pas contre une telle hausse du taux d’intérêt pour les prochaines années ?
En fait, nous ne révélerons rien à ce sujet. Ce ne serait pas malin de déclarer à l’avance si nous désirons acheter ce type de swaps ou pas. Le gouvernement n’annonce par exemple également pas qu’il va céder une partie de sa participation dans BNP Paribas. Ce ne serait pas intelligent, car vous influencez de la sorte le prix. Nous gardons par conséquent notre liberté de nous couvrir, et nous ne communiquerons à ce sujet qu’a posteriori.
Il est néanmoins exact que nous sommes à présent davantage convaincus que le taux d’intérêt ne rebondira pas subitement de manière significative. En 2014, la Banque Centrale européenne n’a pas acheté d’obligations pour comprimer le taux d’intérêt. Maintenant, elle le fait, et il est très clair qu’elle n’autorisera pas que le taux d’intérêt se mette à augmenter soudainement.
Devons-nous dès lors craindre une augmentation du taux d’intérêt ?
Non, absolument pas. Nous paierons un jour à nouveau un taux d’intérêt plus élevé. Mais si celui-ci se normalise progressivement, grâce à une croissance plus rapide de l’économie, nous pourrons également payer celui-ci. L’allongement des durées est en outre bien plus important que la couverture contre une hausse à court terme. L’an dernier, la durée moyenne des dettes émises était de seize ans. La durée moyenne de la dette de l’État a ainsi grimpé jusqu’à plus de huit ans, et cela va encore augmenter.
Du fait de cet allongement de la durée, nous devrons à l’avenir refinancer moins de dette chaque année. Cette année, il s’agit encore de quelque 40 milliards d’euros, en 2020 seulement 20 à 25 milliards. Nous sommes ainsi beaucoup moins sensibles à une hausse du taux d’intérêt et moins dépendants des marchés. La dette belge est donc mieux armée contre une crise qu’il y a six ans. Car malgré la hausse de la dette de l’État, les coûts d’intérêts ne peuvent à présent pas exploser de manière soudaine. Quoi qu’il advienne avec le taux d’intérêt, nous paierons également moins de coûts d’intérêts l’an prochain, plus que 9,3 milliards contre 10,2 milliards l’an dernier. En fait, nous observons aujourd’hui un effet boule de neige inversé du taux d’intérêt.
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